Éloge du sein des femmes | Page 9

Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne
faire une amie,
Prenez-la de belle grandeur:
En son esprit non
endormie,
Et son tetin bonne rondeur.
Douceur
En coeur,
Langage
Bien sage,
Dansant, chantant par bons accords,
Et
ferme de coeur et de corps.
Si vous la prenez trop jeunette,
Vous en aurez peu d'entretien;
Pour durer, prenez-la
brunette,
En bon poinct d'asseuré maintien:
Tel bien
Vaut bien
Qu'on fasse

La chasse
Du plaisant gibier amoureux:
Qui
prend telle proye est heureux.
Marot le prouve encore par ce rondeau:
Toutes les nuicts, je ne pense qu'en celle
Qui a le corps plus gent qu'une pucelle
De
quatorze ans, sur le point d'enrager,
Et au dedans un coeur, pour abbréger,
Autant
joyeux qu'eut onques demoiselle.

Elle a beau teint, un parler de bon zèle,
Et le tetin rond comme une groiselle,
N'ay-je
donq pas bien cause de songer
Toutes les nuicts?
Touchant son coeur, je l'ay dans ma cordelle,
Et son mary n'a,
sinon le corps d'elle;
Mais toutefois, quand il voudra changer,
Prenne le coeur, et pour
le soulager,
J'auray pour moi le gent corps de la belle
Toutes les nuicts.
Bois-Robert, né à Caen, en 1592, a aussi chanté le sein dans les stances suivantes:
Beau sein, belles bouches d'yvoire,
Vivants objects de ma memoire,
Cheres delices de
mes jours,
Qui dedans vos rondes espaces
Cachez la demeure des Graces
Et la
retraicte des Amours.
Gorge de lys, pommes d'albatre
De qui mon oeil est idolatre,
Source des amoureux
desirs.
Parfait assemblage de charmes,
Digne sujet de tant de larmes,
De tant de
vers et de soupirs:
Objects d'eternelle allegresse,
Petits messagers de jeunesse,
Petits gemeaux ambitieux,

Qui desja pour vous trop cognestre
Ne faisant encor que de naistre,
Vous enflez
d'orgueil à nos yeux.

Plus heureux qui pour vous soupire;
Le mal qu'il se plaist d'endurer:
Mais, ô merveille
que j'adore,
Je tiens bien plus heureux encore
Celuy qui vous fait souspirer.
Charles Cotin nous fait voir dans le sonnet suivant _sur les tétons_, qu'ils doivent être
fermes, ronds, et bien écartés l'un de l'autre.
Tandis que deux voisins sans se joindre véquirent,
Tous deux également de tous furent
aimez;
Tous deux enflez d'orgueil et de grace animez.
Partagèrent entr'eux l'honneur
qu'ils acquirent;
Tous deux avoient quinze ans à l'âge qu'ils naquirent;
Tous deux sur même moule ils
paraissoient formez;
L'un l'autre ils se fuyoient de dépit enflammez,
L'un à l'autre
enviant les conquêtes qu'ils firent.
Bien qu'un prince passât, ils ne s'ébranloient point;
Mais enfin leur orgueil s'enfla
jusqu'à ce point,
Que leur triste union commença de paroître.
Ils se baisèrent tant, qu'ils en firent pitié;

L'amour de tous naquit de leur inimitié,
Et
de leur union le mépris vint à naître.
M. Le Pays paraît être du même goût, quand il dit à son Iris, dans le portrait qu'il fait

d'elle:
«Votre gorge semble avoir été faite au tour; et l'on peut dire que c'est une beauté achevée.
Votre sein est digne de votre gorge; il est blanc, gras et potelé. Les deux petits globes qui
le composent ne sont éloignez que de deux doigts, et cependant je suis assuré que de leur
vie ils ne se sont baisez, quoi qu'ils soient frères, et qu'ils deussent bien s'aimer, si la
ressemblance fait l'amitié.»
L'auteur de la chanson picarde, qui commence par ces mots: _Ton himeur est, Catherene_,
les aimait aussi avec cette qualité; il fait dire à l'amant:
Pour ta bouche elle est plus rouge
Que n'est la creste d'un cocq;
Et ta gorge qui ne
bouge,
Paroit plus ferme qu'un roc.
Une belle gorge étant la meilleure recommandation que puisse avoir une femme, elle ne
saurait trop la voiler pour la garantir du hâle; car il en est peu de privilégiées aujourd'hui
à qui l'on puisse adresser ce madrigal:
On a beau dire, Iris, pour louer votre teint,
Que sa blancheur est sans seconde:
Pour moi qui ne dis rien de flatteur ni de feint,
Je
soutiens qu'il en est une plus grande au monde.
N'en déplaise à la vanité
De votre superbe visage;
Vos tétons, belle Iris, en bonne
vérité,
Voudroient-ils en blancheur lui céder l'avantage?
_La Puce de Mme des Roches_, Paris, 1583, in-4o; 1610, in-8o. Réimprimé, 1868, Paris,
Jouaust, petit in-8o.
On sait quelle fut l'origine de ce recueil. La haute société de Poitiers s'honorait alors de
deux dames appartenant à la race des _Précieuses_, de Molière, c'étaient Mme des
Roches et sa fille Catherine. Poëtes elles-mêmes, mais dans une mesure très-restreinte,
elles réunissaient autour d'elles une société de beaux esprits. Les Grands-Jours, tenus à
Poitiers en 1579, amenèrent autour de ces dames tous les magistrats que cette solennité
avait appelés dans cette ville. Un jour, Étienne Pasquier aperçut une puce qui s'était
«parquée au beau milieu du sein» de Mlle des Roches; il fit remarquer la témérité de
l'animal; il s'ensuivit quelques propos badins; l'incident provoqua d'abord l'échange de
deux pièces de vers entre Pasquier et Mlle des Roches; les savants magistrats, prenant fait
et cause, se mirent à célébrer la puce en français, en latin, en espagnol, en grec même.
Pasquier recueillit ces divers morceaux; de là vint le volume qui devait avoir pour titre:
_la Puce de Mlle des Roches_, car ce ne
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