Éloge du sein des femmes | Page 3

Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne
le corail, les roses et les lis: il n'a pas plus
raison de les tourner en ridicule, parce qu'ils clouent les étoiles dans les yeux des belles,
et qu'ils dressent des montagnes de neige à la place de leur sein: en effet, ces expressions
pompeuses sont dignes de ces grands objets, et le sein des femmes a des charmes encore
au-dessus de ceux de leurs yeux. C'est ce que Cotin nous démontre par des vers sur une
belle gorge:
Dans l'entretien délicieux
De la charmante Iris dont je suis idolâtre,
Va, pose, Amour, sur ses beaux yeux,
Le voile qu'elle a mis sur sa gorge d'albâtre.
Quand le printems a banni la froidure,
On ne voit point de si beaux lis
Aux jardins les
plus embellis
Par les soins curieux qu'apporte la nature.
Depuis que de mon coeur je fis l'heureuse perte,
J'ai visité bien des climats,
En dépit des chaleurs, en dépit des frimats:
Et si je n'ai
point fait de telle découverte.
Pour voir un objet sans pareil,
Il ne faut point courir sur tant de mers profondes,
Ni voir l'un et l'autre soleil,
Il faut voir ces deux petits mondes.
Pour rendre de mon sort tout l'univers jaloux,
Il suffit qu'à mes yeux leur blancheur on
étale;
L'Aurore n'offrit rien à l'amoureux Céphale,

De si charmant et de si doux.
Ah! si, sans leur déplaire, on osait les toucher,
Et si deux belles mains n'y mettaient
point d'obstacle,
Serait-ce point, par un miracle,
Amollir un coeur de rocher?
Dans l'entretien délicieux
De la divine Iris, dont je suis idolâtre:
Amour, en ma faveur,
viens mettre sur ses yeux
Le voile qu'elle a mis sur sa gorge d'albâtre.
Une belle gorge avait tant d'empire sur le coeur de Boursault, que pour en voir une, à
travers la mousseline, il devenait amoureux jusques à la folie. C'est ce que prouvera ce
beau fragment d'une lettre qu'il écrivait à son ami Charpentier:
«Je vous ai fait promettre qu'après dîner nous irions ensemble chez la belle brune, avec
qui nous jouâmes hier au logis de Mme Deshoulières: je vous dispense de me tenir parole,
à moins que vous ne me donniez caution bourgeoise pour la sûreté de ma personne. Ce
n'est pas que je doive rien appréhender pour ma liberté. Délivré de la tyrannie d'une
blonde qui m'a fait soupirer quinze ou seize mois pour rien, j'ai fait serment de ne tomber
de ma vie en de pareilles fautes; mais dans les tems de ma première servitude, il m'est
échappé tant de sermens, j'en ai tenu si peu, que je n'ose plus me mettre au hasard de jurer
de rien. Je trouvai hier votre brune si bien faite, ses yeux me parurent si brillans, sa
bouche si petite, sa gorge, que je ne vis que par les yeux de la foi, est, je crois, si belle,
que si vous n'eussiez arraché ma vue de dessus ses charmes, quand vous me fîtes
souvenir qu'il était tems de nous en aller, je sentais déjà ce que je sentis la première fois
que je commençai d'aimer. Mon coeur, que j'ai fait le gardien de ma franchise, m'a joué
tant de tours, que, si tantôt je vous accompagne à la visite que vous avez dessein de
rendre, je gage que j'en reviens aussi chargé d'amour, que si on le donnait _pro Deo_.»
Le même auteur, faisant à sa maîtresse le portrait d'une belle, marque bien
expressivement la victoire assurée que remporte une belle gorge sur une âme masculine.
«En vérité, Babet, dit-il, si tu ne reviens bientôt de Bagnolet, tu cours risque de ne pas me
trouver constant à ton retour. On me mena hier au bal, où je trouvai une jeune personne
qui n'a pas moins de belles qualités que toi. Elle a les cheveux d'un blond cendré,
tout-à-fait beau, mais qui n'approche pourtant pas de la couleur des tiens. Elle a le front
grand et élevé, mais le tien l'est encore davantage. Ses sourcils qui ne paraissent presque
point, parce qu'ils sont blonds, se montrent toutefois assez, pour faire remarquer que leur
symétrie est la plus régulière du monde. Ses yeux, qui sont aussi noirs que les tiens sont
bleus, sont si bien fendus, qu'ils ne jettent jamais un regard, sans faire une conquête. Ils
ont autant de vivacité que les tiens ont de douceur, et ils semblent faits pour prendre de
l'amour, comme les tiens pour en donner. On voit sur ses joues une nuance de blanc et
d'incarnat si éclatante, qu'il semble qu'elle tienne des mains de l'art un présent qui ne
vient que de celles de la nature, qui a pris tant de peine après elle, que, sans toi, qui es son
chef-d'oeuvre, elle serait le plus beau de tous ses ouvrages. Son nez, qui n'est ni trop
grand ni trop petit, est justement comme il le faut, pour avoir beaucoup de ressemblance
avec le tien: sa
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