Éloge du sein des femmes | Page 2

Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne
un burin peu exercé qui a
reproduit gauchement un dessin lourd et maussade. Il eût été facile de trouver sans doute
un artiste mieux inspiré.
Le petit volume en question est devenu assez rare, surtout en bon état; nous avons pensé
que quelques amateurs feraient bon accueil à une quatrième édition de cet _Eloge_; ils ne
regretteront pas sans doute d'y trouver une sorte d'anthologie de ce que divers poëtes ont
dit à propos du sein; nous avons dû nous borner à choisir, car si nous avions voulu tout
reproduire, nous aurions grandement dépassé les bornes que nous avons dû nous prescrire;
mais nous espérons que nos recherches, dans des volumes assez peu connus parfois, nous
auront amenés à mettre la main sur des morceaux gracieux qu'on lira avec plaisir.
ÉPITRE DÉDICATOIRE.
SONNET.
_L'auteur du traité des Tetons
Chante si haut sur la matière
Qu'il donneroit musique
entière,
S'il descendoit de quelques tons._
_Mais comme sa muse est altière,
Il n'ira pas chez ses Martons,
Chanter leurs
tourelontontons,
De là jusqu'à la jarretière._
_Si cependant du haut en bas,
Il alloit pousser ses ébats;
On entendroit belle
harmonie!_
_Vénus, peinte par tous ses traits,
Feroit éclater mille attraits
Dans une telle
anatomie._
Par C. L. d'Ar.
_Nota._ Nous avons supprimé l'épitre dédicatoire de Ducommun, sur l'édition
d'Amsterdam, 1720, parce qu'elle n'a rien de neuf, ni de piquant; nous la remplaçons par
une petite pièce de vers assez rare et qui vient ici fort à propos, puisqu'elle s'adresse aux
dames.
LES POMMES.
Le ciel, pour enchanter les hommes,
Vous a fait présent de six pommes:
Sur votre

visage il a mis
Deux petites pommes d'apis
D'un bel incarnat empourprées,
Et que
nature a colorées:
Les soucoupes et les cristaux
Ne portent pas de fruits si beaux.

Plus bas une fraîche tablette,
En supporte deux de rainette;
Et l'on trouve encore plus
bas
Deux autres qu'on ne nomme pas.
Elles sont de plus grosse espèce,
Et n'ont pas
moins de gentillesse:
Ce sont deux pommes de rambour,
Qu'on cueille au jardin de
l'amour.
Voilà trois paires de jumelles
Qui font tourner bien des cervelles.
Ève
perdit le genre humain,
N'ayant qu'une pomme à la main;
Mais notre appétissante
mère,
En laissait voir deux sur son sein.
Et l'attrait des fruits de Cythère,
Dont
l'aspect le mettait en train,
Fit succomber notre bon père.
Satan, dont l'esprit est malin,

Entrait aussi dans le mystère.
Pressés, comme Adam, de manger,
Nous pétillons
d'impatience
Auprès du jardin potager
Dont vous portez la ressemblance.
Vive la
pomme et les pommiers!
Leur aspect seul nous ravigotte:
On doit baiser les deux
premiers,
Avec les seconds on pelotte:
Triomphe! amour! aux deux derniers.

Heureux qui les met en compotte!
[Illustration]
ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES.
CHAPITRE PREMIER.
DES TÉTONS, DE LEUR POUVOIR ET DE LEURS CHARMES.
J'avais d'abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint blanc sur le brun, et
ces deux chansons de Cl. Marot m'en avaient fourni l'idée:
DE LA BRUNE.
Pourtant si je suis brunette,
Amy, n'en prenez esmoy:
Autant suis ferme et jeunette,

Qu'une plus blanche que moy

Le blanc effacer je voy.
Couleur noire est toujours une,
J'ayme mieux donc estre brune
Avecques ma fermeté,

Que blanche comme la lune
Tenant de legereté.
POUR LA BLANCHE.
Pourtant si le blanc s'efface,
Il n'est pas à despriser:
Comme luy le noir se passe,
Il a
beau temporiser.
Je ne veux point mespriser,
Ne mesdire en ma revanche:
Mais l'ayme mieux estre
blanche
Vingt ou trente ans ensuivant
En beauté nayve et franche,
Que noire tout
mon vivant.
Mais à quoi bon raisonner simplement sur les couleurs, lorsqu'il y a tant d'autres beautés
plus solides chez les femmes! ce serait mal employer son temps, et abuser de la bonté de

mes lectrices. Ce n'est donc, ni de vos pieds mignons, ni de vos belles mains potelées, ni
de vos yeux brillants, ni de votre joli petit nez, ni des autres parties de votre charmant
ensemble, que je veux vous entretenir aujourd'hui. N'appréhendez pas que je puisse vous
faire rougir. Je suis de l'avis de Marot, lorsqu'il dit:
Arrière! mots qui sonnent salement,
Parlons aussi des membres seulement
Que l'on
peut voir, sans honte, descouverts;
Et des honteux ne souillons point nos vers.
Car,
quel besoin est de mettre en lumière
Ce qu'est nature à cacher coustumière?...
Ainsi, pour ne pas vous tenir plus longtemps dans l'incertitude, c'est l'éloge des tétons que
je vais faire. Le sujet est beau, il est grand, il a exercé les génies les plus élevés. Le
cavalier Marin appelle les tétons des belles, deux tours vivantes d'albâtre, d'où l'amour
blesse les amants: il les compare à deux écueils, contre lesquels notre liberté vient faire
agréablement naufrage: il les appelle deux mondes de beautés, éclairés par deux beaux
soleils, c'est-à-dire les yeux. Un poète français, qui n'est guères moins ingénieux que le
cavalier Marin, moins magnifique dans ses peintures, mais plus juste et plus gai, les
appelle dans une de ses chansons, deux pommes, et il ajoute:
Heureux qui peut monter sans bruit
Sur l'arbre qui porte ce fruit!
Cyrano de Bergerac trouve mauvais que les écrivains modernes, qui veulent peindre une
beauté parfaite, emploient l'or, l'ivoire, l'azur,
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