Voyages | Page 4

Théodore Aynard
dans l'intérêt de quelques gourmets de province; car les
turbots, les soles et les homards n'avaient aucun autre moyen rapide
d'arriver sur les tables de l'intérieur de la France.
Le service des malles étant régulier et obligatoire, les chevaux étaient
toujours prêts et choisis; elles allaient donc plus vite que les chaises
particulières.
Dans toutes les plus petites villes, et souvent dans des hameaux situés
sur les routes impériales, royales ou nationales suivant le temps, il y
avait des maîtres de poste; ils n'étaient pas fonctionnaires publics, mais
souvent ils étaient subventionnés par l'État et jouissaient de certains
privilèges; en compensation, ils étaient obligés d'entretenir un certain
nombre de chevaux déterminé par l'importance de la circulation et au
moins une voiture légère, qui devaient toujours être à la disposition du
public, d'un relai à l'autre dans les deux sens.
Quand arrivés au relai, les chevaux n'avaient pas la chance de trouver
une voiture de retour, ils revenaient haut le pied à leur résidence.
Lorsque deux chaises marchant en sens inverse se rencontraient vers le
milieu d'un relai, on faisait un échange de chevaux et de postillons.
Le tarif de la poste était fixé par cheval et par postillon pour la distance
d'une poste, qui correspondait à deux lieues soit 8 kilomètres. Les relais
étaient espacés de 16 à 20 kilomètres, soit deux postes à deux postes et
demie.
Tous ceux qui voyageaient de cette manière avaient chez eux le livre de
poste, comme nous avons le livret Chaix. Le livre de poste était bien
moins répandu; car de tous les livres de notre littérature moderne et
même de l'ancienne, le livret Chaix est certainement celui qui, chaque
année, a le plus fort tirage; beaucoup de gens ne lisent pas d'autre livre
que celui-là!

Dans le livre de poste, on trouvait toutes les routes de France, avec
l'indication des relais et des prix, dans les circonstances diverses qui
pouvaient se présenter. Il en était de même dans tous les pays d'Europe,
où le service de la poste aux chevaux était établi.
Une chaise de poste était une espèce de cabriolet à deux grandes roues,
avec de forts brancards, dont la caisse était très bien suspendue et qui
demandait deux chevaux.
Le cheval placé entre les brancards ou limons, se nommait le limonier,
l'autre sur lequel montait le postillon, se plaçait à gauche et se nommait
le porteur; on l'attelait avec un palonnier. Tous les harnais étaient à
bricole.
Le cheval de droite portait aussi le nom de sous-verge, parce qu'il se
trouvait sous le fouet (ou verge), placé dans la main droite du postillon.
Il y a encore de vieux cochers, qui distinguent les deux chevaux d'une
voiture à timon, par les noms de porteur et sous-verge.
Les anciennes traditions ont quelquefois la vie si dure, qu'après
plusieurs siècles il y a des mariniers qui distinguent encore les rives du
Rhône et de la Saône, par ces dénominations: côté de l'Empire, rive
gauche; côté du Royaume, rive droite. Autre exemple:
À Rome, le Ier janvier 1888, les Italiens qui se pressaient pour assister
dans l'église de Saint-Pierre, à la messe jubilaire du pape Léon XIII,
pour exprimer leur impatience, criaient encore: per Bacco! (par
Bacchus.)
Les voitures à quatre roues exigeaient un plus grand nombre de
chevaux; quatre chevaux obligeaient à deux postillons.
Le nombre de personnes dans une voiture, au-dessus de deux, influait
sur le nombre de chevaux obligatoires.
Le prix était I fr. 50 par poste et par cheval, et 75 centimes par postillon.
On pouvait quelquefois éviter les chevaux supplémentaires en les

payant I franc par poste, bien qu'on ne les mît pas.
C'est ce qui faisait dire à Balzac, dans un de ses romans, à propos d'une
certaine dame: «Son mari était un personnage tout à fait fantastique; il
ressemblait au troisième cheval qu'on paie toujours quand on court la
poste et qu'on ne voit jamais.» De nos jours c'est encore de même, il en
est plus d'un et plus d'une que je pourrais citer: et vous?
On appelait poste royale, une poste qui se payait double, à l'entrée et à
la sortie de quelques grandes villes, et de celles où résidait la Cour.
Quand on voulait être bien mené, il suffisait de dire aux postillons ces
mots magiques: En avant et doubles guides. Cela voulait dire que si
l'on était content, on payerait I fr. 50 au lieu de 75 centimes par poste et
par postillon; alors les chevaux ne quittaient pas le galop de tout le
relai.
Lorsqu'on était pressé, et qu'on ne regardait pas à la dépense pour
voyager en prince, on envoyait un courrier en avant. Un postillon à
cheval partait à franc-étrier, arrivait au premier relai avant vous, et
faisait préparer le nombre de chevaux dont vous aviez besoin; cela se
répétait à chaque
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