Voyage de J. Cartier au Canada | Page 8

Jacques Cartier
au pays de Honguedo, où commen?ait la grande rivière conduisant à Canada & à Hochelaga, qu'il résolut de remonter, en reprenant son exploration de la rive septentrionale depuis la baie de Saint-Laurent. Il rencontra d'abord sept iles qu'il appela les iles Rondes, puis les ?les du Bic auxquelles il donna le nom d'?lots de Saint-Jean; le 1er septembre il reconnut l'entrée de la grande rivière de Saguenay & les deux iles (l'?le Blanche & l'ile Rouge) qui lui font face. Poursuivant sa route, il s'arrêtait le 6 septembre sur une ?le couverte de coudriers, laquelle conserve encore le nom d'ile aux Coudres qu'il lui donna, & le lendemain il atteignit un amas d'iles, où commen?ait le pays de Canada. La plus grande était chargée de vignes, ce qui la lui fit appeler d'abord ile de Bacchus; mais il préféra ensuite le nom d'?le d'Orléans, qui lui est resté. Au bout se trouvait un endroit convenable pour le mouillage de ses navires: il s'y arrêta le 14 septembre, jour de l'Exaltation de la Sainte-Croix, dont ce lieu prit le nom; c'est la rivière Saint-Charles d'aujourd'hui. Tout auprès était Stadacone, résidence royale du chef de Canada, remplacée maintenant par la ville de Québec, dont le faubourg Saint-Jean est assis précisément à l'endroit où gisait l'ancienne capitale des sauvages.
Après avoir pourvu à la s?reté de ses navires dans le havre de Sainte-Croix, Cartier résolut de pousser sa reconnaissance dans le haut du fleuve jusqu'à Hochelaga avec le plus petit des trois batiments & les embarcations. Parti le 19 septembre, il navigua sans interruption jusqu'au 28, qu'il atteignit les domaines du chef Ochelay, à l'entrée d'une rivière où le courant était rapide & dangereux (la rivière Richelieu d'aujourd'hui), & bient?t après un grand lac formé par l'élargissement du fleuve (le lac Saint-Pierre actuel); là il lui fallut laisser le navire pour continuer de remonter avec les embarcations seules, & le 20 octobre on arrivait à Hochelaga, au-dessous des rapides impétueux appelés aujourd'hui le courant de Sainte-Marie. La capitale était assise au pied d'une montagne bien cultivée, qui re?ut le nom de Mont-Royal, lequel s'est perpétué à la même place sous la forme de Montréal, ainsi qu'on appelle maintenant le chef-lieu du Haut-Canada.
En redescendant le grand fleuve, il remarqua, le 7 octobre, un affluent de la rive septentrionale dont l'entrée était signalée par quatre petites ?les boisées, & auquel il donna le nom de Fouez (c'est-à-dire de Foix), qu'a remplacé celui de Trois-Rivières. Quatre jours après il rentrait au havre de Sainte-Croix, où les matelots des deux navires restés au mouillage avaient pendant son absence élevé un fort. Il y passa tout l'hiver, très-maltraité par le scorbut, qui lui enleva vint-cinq de ses compagnons, & aurait fait de plus grands ravages si les indigènes ne lui eussent enseigné un remède souverain dans la décoction des feuilles & de l'écorce d'épinette blanche ou de pesse du Canada (pinus alba de Linné). Enfin, le 6 mai 1536, il appareilla pour retourner en France, abandonnant la carcasse d'un de ses navires, faute de monde pour le réarmer. Les restes en ont été retrouvés dans la vase par les habitants de Québec, le 26 septembre 1843, & quelques fragments en ont été envoyés, comme une précieuse relique, au musée de Saint-Malo.
Le 21 mai Cartier reconnaissait Honguedo, puis le cap de Prato, d'où il gagnait l'?le de Brion, & le 1er juin, prenant au sud-est, il touchait successivement à deux pointes de terre qu'il appela le cap de Lorraine & le cap de Saint-Paul, au nord & à l'est de l'ile du cap Breton; il abordait ensuite à Terre-Neuve dans une anse qu'il appela le havre du Saint-Esprit, & qui n'est autre que le port aux Basques de nos jours: puis il rangeait la c?te jusqu'aux ?les de Saint-Pierre, où il rencontra plusieurs navires fran?ais, & prenant enfin le large au sortir du havre de Rognouse ou baie des Trépassés, il rentrait à Saint-Malo le 16 juillet suivant.
XIV
Pendant que Cartier faisait sa traversée de retour, il se croisait avec une expédition anglaise composée de deux navires, la Trinité & le Mignon, montés par une association de gens distingués tenant à la cour & à la magistrature, réunis sous la direction de ma?tre Hore, homme de grand courage & fort adonné à l'étude de la cosmographie, pour aller tenter des découvertes dans le nord-ouest: partis de Londres à la fin d'avril 1536, ils mirent plus de deux mois à atteindre le cap Breton, d'où ils gagnèrent l'?le aux Pingouins, & s'élevèrent ensuite fort avant dans le nord, au milieu des glaces; mais la disette de vivres devint telle parmi eux, qu'ils étaient réduits aux dernières extrémités quand apparut un navire fran?ais bien approvisionné; ils parvinrent à s'en emparer par la ruse, & s'esquivèrent aussit?t pour retourner en Angleterre, où ils arrivèrent
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