Vie de Franklin | Page 6

F.A.M. Mignet
le portait aux abonn��s. Il se sentit capable de faire mieux que cela, et il d��posa clandestinement des articles dont l'��criture ��tait contrefaite, et qui r��ussirent beaucoup. Le succ��s qu'ils obtinrent l'enhardit �� s'en d��signer comme l'auteur, et il travailla depuis lors ouvertement au journal, au grand avantage de son fr��re. Or il arriva qu'un jour des poursuites furent dirig��es, pour un article politique trop hardi, contre James Franklin, qui fut emprisonn�� pendant un mois. De plus, son journal fut supprim��.
Les deux fr��res convinrent de le faire repara?tre sous le nom de Benjamin Franklin, qui en avait ��t�� quitte pour une mercuriale. Il fallut pour cela annuler l'ancien contrat d'apprentissage, afin que le cadet sort?t de la d��pendance de l'a?n��, dev?nt libre de sa conduite et responsable de ses publications. Mais, pour que James ne f?t pas priv�� du travail de Benjamin, on signa un nouveau brevet d'apprentissage qui devait rester secret entre les parties, et les lier comme auparavant. Quelque temps apr��s, une des nombreuses querelles qui s'��levaient entre les deux fr��res ��tant survenue, Benjamin se s��para de James; il profita de l'annulation du premier engagement, pensant bien que son fr��re n'oserait pas invoquer le second. Mais celui-ci, outr�� de son manque de foi et soutenu par son p��re, qui embrassa son parti, emp��cha que Franklin n'obt?nt de l'ouvrage �� Boston.
Franklin r��solut d'en aller chercher ailleurs. Au tort qu'il avait eu de se soustraire �� ses obligations envers son fr��re, il ajouta celui de quitter secr��tement sa famille, qu'il laissa plong��e dans la d��solation. Sans le pr��venir de son projet, apr��s avoir vendu quelques livres pour se procurer un peu d'argent, il s'embarqua en septembre 1723 pour New-York. Ce fut dans le trajet de Boston �� cette ville qu'il cessa de se nourrir uniquement de v��g��taux. Il aimait beaucoup le poisson; les matelots, retenus dans une baie par un grand calme, y avaient p��ch�� des morues. Pendant qu'ils les arrangeaient pour les faire cuire, Franklin assistait aux appr��ts de leur repas, et il aper?ut de petites morues dans l'estomac des grandes, qui les avaient aval��es. ?Ah! ah! dit-il, vous vous mangez donc entre vous? Et pourquoi l'homme ne vous mangerait-il pas aussi?? Cette observation le fit renoncer �� son syst��me, et il se tira d'une manie par un trait d'esprit.
Il ne trouva point de travail �� New-York, o�� l'imprimerie n'��tait pas plus florissante que dans le reste des colonies, qui tiraient encore tout de l'Angleterre, et le peu de livres dont elles avaient besoin, et le papier qu'elles employaient, et les gazettes qu'elles lisaient, et les almanachs m��mes qu'elles consultaient. Il ��tait un jour r��serv�� �� Franklin de faire une r��volution �� cet ��gard; mais, pour le moment, il n'eut pas le moyen de gagner sa vie �� New-York, et il se d��termina �� pousser jusqu'�� Philadelphie. Il s'y rendit par mer, dans une mauvaise barque que les vents ballottaient, que la pluie inonda, o�� il souffrit la faim, fut saisi par la fi��vre, et d'o�� il descendit harass��, souill�� de boue, en habit d'ouvrier, avec un dollar et un schelling dans sa poche. C'est dans cet ��quipage qu'il fit son entr��e �� Philadelphie, dans la capitale de la colonie dont il devait ��tre le mandataire �� Londres, de l'��tat dont il devait ��tre le repr��sentant au Congr��s et le pr��sident supr��me.
Il fut employ�� par un mauvais imprimeur nomm�� Keimer, qui s'y ��tait r��cemment ��tabli avec une vieille presse endommag��e et une petite collection de caract��res us��s fondus en Angleterre. Grace �� Franklin, qui ��tait un excellent ouvrier, cette imprimerie imparfaite marcha assez bien. Son habilet��, sa bonne conduite, la distinction de ses mani��res et de son esprit, le firent remarquer du gouverneur de la Pensylvanie, William Keith, qui aurait voulu l'attacher �� la province comme imprimeur. Il se chargea donc d'��crire �� son p��re Josiah, pour lui persuader de faire les avances n��cessaires �� son ��tablissement. Honor�� du suffrage du gouverneur, la poche bien remplie des dollars qu'il avait ��conomis��s, Franklin se hasarda �� repara?tre dans sa ville natale, au milieu de sa famille, qui l'accueillit avec joie et sans reproche. Mais le vieux Josiah ne se rendit point aux voeux du gouverneur Keith, qu'il trouva peu sage de mettre tant de confiance dans un jeune homme de dix-huit ans qui avait quitt�� la maison paternelle. Il refusa donc, et parce qu'il n'avait pas le moyen de lui monter une imprimerie, et parce qu'il ne le jugeait pas capable encore de la conduire.
Il ne se trompait point en se d��fiant de la prudence de son fils. Franklin commit �� cette ��poque le second de ses errata, en se rendant coupable d'une faute moins blamable que la premi��re par l'intention, mais pouvant ��tre plus grave par les cons��quences. Un ami de sa famille, nomm�� Vernon, le chargea de recouvrer
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