de quatre-vingt-neuf ans. Sa m��re, aussi distingu��e par la pieuse ��l��vation de son ame que par la ferme droiture de son esprit, en v��cut quatre-vingt-quatre. Il re?ut d'eux et le principe d'une longue vie, et, ce qui valait mieux encore, les germes des plus heureuses qualit��s pour la remplir dignement. Ces germes pr��cieux, il sut les d��velopper. Il apprit de bonne heure �� r��fl��chir et �� se r��gler. Il ��tait ardent et passionn��, et personne ne parvint mieux �� se rendre ma?tre absolu de lui-m��me. La premi��re le?on qu'il re?ut �� cet ��gard, et qui fit sur lui une impression ineffa?able, lui fut donn��e �� l'age de six ans. Un jour de f��te, il avait quelque monnaie dans sa poche, et il allait acheter des jouets d'enfants. Sur son chemin, il rencontra un petit gar?on qui avait un sifflet, et qui en tirait des sons dont le bruit vif et press�� le charma. Il offrit tout ce qu'il avait d'argent pour acqu��rir ce sifflet qui lui faisait envie. Le march�� fut accept��; et, d��s qu'il en fut devenu le joyeux possesseur, il rentra chez lui en sifflant �� ��tourdir tout le monde dans la maison. Ses fr��res, ses soeurs, ses cousines, lui demand��rent combien il avait pay�� cet incommode amusement. Il leur r��pondit qu'il avait donn�� tout ce qu'il avait dans sa poche. Ils se r��cri��rent, en lui disant que ce sifflet valait dix fois moins, et ils ��num��r��rent malicieusement tous les jolis objets qu'il aurait pu acheter avec le surplus de ce qu'il devait le payer. Il devint alors tout pensif, et le regret qu'il ��prouva dissipa tout son plaisir. Il se promit bien, lorsqu'il souhaiterait vivement quelque chose, de savoir auparavant combien cela co?tait, et de r��sister �� ses entra?nements par le souvenir du sifflet.
Cette histoire, qu'il racontait souvent et avec grace, lui fut utile en bien des rencontres. Jeune et vieux, dans ses sentiments et dans ses affaires, avant de conclure ses op��rations commerciales et d'arr��ter ses d��terminations politiques, il ne manqua jamais de se rappeler l'achat du sifflet.--C'��tait l'avertissement qu'il donnait �� sa raison, le frein qu'il mettait �� sa passion. Quoi qu'il d��sirat, qu'il achetat ou qu'il entrepr?t, il se disait: Ne donnons pas trop pour le sifflet. La conclusion qu'il en avait tir��e pour lui-m��me, il l'appliquait aux autres, et il trouvait que ?la plus grande partie des malheurs de l'esp��ce humaine venaient des estimations fausses qu'on faisait de la valeur des choses, et de ce qu'on donnait trop pour les sifflets?.
D��s l'age de dix ans, son p��re l'avait employ�� dans sa fabrication de chandelles; pendant deux ann��es il fut occup�� �� couper des m��ches, �� les placer dans les moules, �� remplir ensuite ceux-ci de suif, et �� faire les commissions de la boutique paternelle. Ce m��tier ��tait peu de son go?t. Dans sa g��n��reuse et intelligente ardeur, il voulait agir, voir, apprendre. ��lev�� aux bords de la mer, o��, durant son enfance, il allait se plonger presque tout le jour dans la saison d'��t��, et sur les flots de laquelle il s'aventurait souvent avec ses camarades en leur servant de pilote, il d��sirait devenir marin. Pour le d��tourner de cette carri��re, dans laquelle ��tait d��j�� entr�� l'un de ses fils, son p��re le conduisit tour �� tour chez des menuisiers, des ma?ons, des vitriers, des tourneurs, etc., afin de reconna?tre la profession qui lui conviendrait le mieux. Franklin porta dans les divers ateliers qu'il visitait cette attention observatrice qui le distingua en toutes choses, et il apprit �� manier les instruments des diverses professions en voyant les autres s'en servir. Il se rendit ainsi capable de fabriquer plus tard, avec adresse, les petits ouvrages dont il eut besoin dans sa maison, et les machines qui lui furent n��cessaires pour ses exp��riences. Son p��re se d��cida �� le faire coutelier. Il le mit �� l'essai chez son cousin Samuel Franklin, qui, apr��s s'��tre form�� dans ce m��tier �� Londres, ��tait venu s'��tablir �� Boston; mais la somme exig��e pour son apprentissage ayant paru trop forte, il fallut renoncer �� ce projet. Franklin n'eut point �� s'en plaindre, car bient?t il embrassa une profession �� laquelle il ��tait infiniment plus propre.
Son esprit ��tait trop actif pour rester dans l'oisivet�� et dans l'ignorance. Il aimait passionn��ment la lecture: la petite biblioth��que de son p��re, qui ��tait compos��e surtout de livres th��ologiques, fut bient?t ��puis��e. Il y trouva un Plutarque qu'il d��vora, et il eut les grands hommes de l'antiquit�� pour ses premiers ma?tres. L'_Essai sur les projets, de Defo?, l'amusant auteur de Robinson Cruso��, et l'Essai sur les moyens de faire le bien_, du docteur Mather, l'int��ress��rent vivement, parce qu'ils s'accordaient avec le tour de son imagination et le penchant de son ame. Le peu d'argent qu'il avait ��tait employ�� �� acheter des livres.
Son p��re,
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