reconnaissait, ni comme les catholiques la tradition de l'église et la suprématie du pape, ni comme les anglicans la hiérarchie de l'épiscopat et la suprématie ecclésiastique du roi. Elle vivait très-chrétiennement et très-démocratiquement, élisant ses ministres et réglant elle-même son culte. Ce furent les pieux et austères partisans de cette secte qui, ne pouvant pratiquer leur foi avec liberté dans leur pays sous le règne des trois derniers Stuarts, aimèrent mieux le quitter pour aller fonder, de 1620 à 1682, sur les c?tes apres et désertes de l'Amérique septentrionale, des colonies où ils pussent prier et vivre comme ils l'entendaient. La religion rendue plus sociable encore par la liberté, la liberté rendue plus régulière par le sentiment du devoir et le respect du droit, furent les fortes bases sur lesquelles reposèrent les colonies de la Nouvelle-Angleterre et se développa le grand peuple des états-Unis.
Le père de Benjamin Franklin, qui était un presbytérien zélé, partit pour la Nouvelle-Angleterre à la fin du règne de Charles II, lorsque les lois interdisaient sévèrement les conventicules des dissidents religieux. Il se nommait Josiah, et il était le dernier de quatre frères. L'a?né, Thomas, était forgeron; le second, John, était teinturier en étoffes de laine; le troisième, Benjamin, était, comme lui, teinturier en étoffes de soie. Il émigra avec sa femme et trois enfants vers 1682, l'année même pendant laquelle le célèbre quaker Guillaume Penn fondait sur les bords de la Delaware la colonie de Pensylvanie, où son fils était destiné à jouer, trois quarts de siècle après, un si grand r?le. Il alla s'établir à Boston, dans la colonie de Massachussets, qui existait depuis 1628. Son ancien métier de teinturier en soie, qui était un métier de luxe, ne lui donnant pas assez de profits pour les besoins de sa famille, il se fit fabricant de chandelles.
Ce ne fut que la vingt-quatrième année de son séjour à Boston qu'il eut de sa seconde femme, Abiah Folgier, Benjamin Franklin. Il s'était marié deux fois. Sa première femme, venue avec lui d'Angleterre, lui avait donné sept enfants. La seconde lui en donna dix. Benjamin Franklin, le dernier de ses enfants males et le quinzième de tous ses enfants, naquit le 17 janvier 1706. Il vit jusqu'à treize de ses frères et de ses soeurs assis en même temps que lui à la table de son père, qui se confia dans son travail et dans la Providence pour les élever et les établir.
L'éducation qu'il leur procura ne pouvait pas être co?teuse, ni dès lors bien relevée. Ainsi Benjamin Franklin ne resta à l'école qu'une année entière. Malgré les heureuses dispositions qu'il montrait, son père ne voulut pas le mettre au collège, parce qu'il ne pouvait pas supporter les dépenses d'une instruction supérieure. Il se contenta de l'envoyer quelque temps chez un ma?tre d'arithmétique et d'écriture. Mais s'il ne lui donna point ce que Benjamin Franklin devait se procurer plus tard lui-même, il lui transmit un corps sain, un sens droit, une honnêteté naturelle, le go?t du travail, les meilleurs sentiments et les meilleurs exemples.
L'avenir des enfants est en grande partie dans les parents. Il y a un héritage plus important encore que celui de leurs biens, c'est celui de leurs qualités. Ils communiquent le plus souvent, avec la vie, les traits de leur visage, la forme de leur corps, les moyens de santé ou les causes de maladie, l'énergie ou la mollesse de l'esprit, la force ou la débilité de l'ame, suivant ce qu'ils sont eux-mêmes. Il leur importe donc de soigner en eux leurs propres enfants. S'ils sont énervés, ils sont exposés à les avoir faibles; s'ils ont contracté des maladies, ils peuvent leur en transmettre le vice et les condamner à une vie douloureuse et courte. Il n'en est pas seulement ainsi dans l'ordre physique, mais dans l'ordre moral. En cultivant leur intelligence dans la mesure de leur position, en suivant les règles de l'honnête et les lois du vrai, les parents communiquent à leurs enfants un sens plus fort et plus droit, leur donnent l'instinct de la délicatesse et de la sincérité avant de leur en offrir l'exemple. Et, au contraire, en altérant dans leur propre esprit les lumières naturelles, en enfreignant par leur conduite les lois que la providence de Dieu a données au monde, et dont la violation n'est jamais impunie, ils les font ordinairement participer à leur imperfection intellectuelle et à leur dérèglement moral. Il dépend donc d'eux, plus qu'ils ne pensent, d'avoir des enfants sains ou maladifs, intelligents ou bornés, honnêtes ou vicieux, qui vivent bien ou mal, peu ou beaucoup. C'est la responsabilité qui pèse sur eux, et qui, selon qu'ils agissent eux-mêmes, les récompense ou les punit dans ce qu'ils ont de plus cher.
Franklin eut le bonheur d'avoir des parents sains, laborieux, raisonnables, vertueux. Son père atteignit l'age
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