empoisonnées d'infâmes calomnies?
Et cependant, ce ne sont pas les archives précieuses, uniques, originales,
qui manquant à Québec. L'inestimable bibliothèque de l'Université
Laval, vaut, elle seule, en trésors archéologiques toutes les collections
particulières ou publiques du pays.
Le travail archéologique se réduit maintenant à la peine de lire.
En effet, les chercheurs bibliophiles de notre Histoire du Canada,
Fribault, Jacques Viger, Laverdière, Holmes, Papineau, Sir Lafontaine,
parmi les morts, les abbés Bois, Raymond Casgrain, Tanguay,
Verreault, Messieurs Joseph Charles Taché, Douglas Brymner,
Benjamin Sulte, James Lemoine, parmi les vivants, ont taillé toute la
besogne, parachevé la tâche avant même que nous jeunes gens, fussions
sortis du collège.
Le vénérable doyen de notre littérature canadienne-française,
l'Honorable M. Chauveau, a publié, dans son Introduction aux
Jugements et Délibérations du Conseil Souverain de la Nouvelle
France, une nomenclature aussi complète qu'intéressante des
principales archives relevées au pays depuis quarante ans, et en
particulier dans la province de Québec.
Hélas! les archives de notre histoire, nos belles et glorieuses archives,
imprimées sur papier de luxe avec du caractère antique, reliées à grands
frais, tranchées d'or ou de carmin, continuent aujourd'hui, sur les rayons
de nos bibliothèques publiques, le sommeil de mort qu'elles dormaient
autrefois dans la poussière des greniers ou l'humidité des caves, alors
qu'elles étaient seulement de vieux manuscrits, des parchemins racornis,
des bouquins noirs et luisants, livrés à la merci des ménagères qui les
utilisaient à allumer le feu. [1]
[Note 1: Je me rappelle que ce fut dans le fond d'une boite à bois que
l'on découvrit un des volumes du Journal des Jésuites, le seul qui ait
échappé au même usage. L'autre ou les autres volumes ont eu l'honneur
de griller les poulets ou mêler leurs cendres vénérables aux tisons
moins historiques d'une bûche d'érable ou d'un rondin de merisier!
Pour atténuer, sinon excuser, notre criminelle incurie, il convient
d'ajouter qu'en France aussi bien qu'au Canada, les archéologues se
plaignent amèrement de ces désastreuses négligences. Ecoutez ce qu'en
dit un archiviste célèbre:
Que de précieux documents ont allumé la pipe d'un goujat! Que de
nobles parchemins, au bas desquels était la signature d'un roi, ont
couvert les pots de conserves de femmes de préfets, bonnes ménagères
qui les faisaient prendre dans les greniers de la préfecture... Je n'en dis
pas davantage et je ne nomme personne; il n'est pas besoin d'autres
exemples que ceux auxquels je fais allusion, et que je connais, pour
montrer que les parchemins qui ont servi à faire des gargousses, et par
cela même, à faire de l'histoire nouvelle, n'ont pas eu la destinée la plus
triste.
Pierre Margry, Découvertes françaises, 40 et 41.]
Une poussière d'oubli, froide et silencieuse comme la neige, tombe sur
elles, tombe encore, tombe toujours, les recouvre, les ensevelit sous
l'épaisseur ténébreuse d'un linceul et menace de les cacher à jamais aux
regards des hommes, de les faire disparaître, comme des cadavres de
voyageurs morts de froid, sous l'uniforme niveau, l'égalité fatale de la
steppe.
Et cependant quel labeur colossal, quels argents, quelles études
n'ont-elles pas coûté aux bibliophiles, aux chroniqueurs, aux
archéologues, aux historiens qui ont eu l'héroïque courage, la
patriotique vaillance de publier en éditions d'honneur, les manuscrits
originaux, les annales primitives de la Colonie! Par contre, combien
apparaissent mesquins désespérants, ironiques, misérablement petits,
les résultats obtenus comparés à l'effort gigantesque apporté au
parachèvement d'une aussi monumentale entreprise!
Nos archives nationales! Elles ont cependant porté bonheur aux
littérateurs de la génération précédente. Elles ont porté bonheur au
regretté Louis P. Turcotte, le vaillant auteur du Canada sous l'Union
(1841-1867), au romancier Joseph Marmette, qui leur doit François de
Bienville, son meilleur ouvrage; elles ont porté bonheur à notre érudit
compatriote canadien anglais William Kirby, l'auteur du roman fameux
Le Chien d'Or, merveilleuse légende canadienne française que les
écrivains de la Province de Québec ont laissé échapper de leur
répertoire... faute d'études archéologiques.
* * *
Ce procédé, qui donne à l'histoire le coloris de la légende et l'intrigue
du roman, n'est pas neuf: le Cinq Mars d'Alfred de Vigny en est un
frappant exemple. Son autre célèbre ouvrage, Stello, n'est rien que la
trilogie biographique des poëtes Gilbert, Chatterton et André Chénier.
Mais, dans cette littérature apparemment légère par le titre et le
mécanisme des moyens, quel butin de connaissances et de souvenirs
historiques!
Ce procédé, les nouvellistes de notre littérature canadienne française
l'ont employé avec un succès relativement considérable et de vogue et
d'argent. L'histoire du Canada en a retiré un étonnant profit de
vulgarisation. Les compositions de Marmette, de DeGaspé, de
Bourassa, de Kirby, de Leprohon de John Lespérance, lui ont valu un
peu de cette popularité que l'on envie, à juste titre, aux oeuvres
artistiques, scientifiquement littéraires de Jules Verne, Arthur Mangin,
Camille Flammarion et autres lettrés, partisans déguisés des sciences
exactes auprès de la jeunesse frivole qui passe
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