Un amour vrai | Page 9

Laure Conan
nous a rachet��s par son sang. Ma noble Th��r��se, ma fianc��e si ch��re, ne craignez donc pas d'��tre ma femme; ne craignez pas de vous appuyer sur mon coeur pour jusqu'�� ce que la mort nous s��pare par l'ordre de Dieu."

III
Il y a eu dix ans le 14 ao?t dernier, dans cette m��me salle o�� j'��cris aujourd'hui, Th��r��se Raynol et Francis Douglas signaient leur contrat de mariage. Il me semble les voir encore, si jeunes, si charmants, si heureux!
J'avais pour M. Douglas la plus parfaite estime, et pourtant je voyais arriver le jour du mariage avec une tristesse profonde, car j'aimais Th��r��se avec la plus grande tendresse, et la seule pens��e de m'en s��parer m'��tait bien am��re. La lecture du contrat, ces dispositions en faveur de celui des ��poux qui survivrait �� l'autre me firent une impression p��nible, et pendant qu'on me f��licitait sur ce brillant mariage, j'avais grand' peine �� contenir mes larmes. Pourquoi faut-il que la mort se m��le �� tout dans la vie? Mais ces tristes r��flexions me furent personnelles. La conversation se maintint anim��e et joyeuse entre les personnes invit��es pour la circonstance. On rit, on chanta, on fit de la musique dans cette maison o�� la mort allait entrer.
Un peu apr��s le d��part des invit��s, comme M. Douglas se levait pour se retirer: "Ne partez pas encore, lui dit Th��r��se, je veux vous chanter le Salve Regina, c'est-��-dire, poursuivit-elle avec son charmant sourire, j'ai l'habitude de le chanter tous les soirs et aujourd'hui je veux que vous m'��coutiez. Ce chant �� la Vierge ��tait une de nos plus douces et plus ch��res habitudes. La voix de Th��r��se ��tait fort belle, et ce soir-l�� elle y mit une indicible expression de confiance et d'amour. Ah! comment la Vierge, m��re �� jamais b��nie, e?t-elle pu ne pas entendre cette ardente pri��re? M. Douglas, plus ��mu qu'il ne voulait le para?tre, gardait un profond silence. Th��r��se se rapprocha de lui et dit: Francis, mon cher ami, ne voulez-vous pas que la sainte Vierge nous prot��ge et nous garde? Il ne r��pondit pas, mais la regarda pendant quelques instants avec une expression ind��finissable, puis nous souhaita le bonsoir, et partit.
Je suivis Th��r��se dans sa chambre. Apr��s la pri��re, que nous f?mes ensemble, elle prit le charmant bouquet de roses que Francis lui avait apport�� ce jour-l�� et le pla?a devant l'image de la Vierge. Rentr��e dans ma chambre, je priai avec ferveur demandant �� Dieu la force de supporter l'��loignement de ma fille ch��rie. H��las! que j'��tais loin de pr��voir le coup terrible qui allait me frapper!
Je dormais depuis quelque temps quand je fus r��veill��e par un r��ve p��nible. Je me levai pour me remettre, et je passai dans la chambre de Th��r��se. Elle ��tait assise sur son lit, la figure si alt��r��e, si boulevers��e qu'une crainte horrible me serra le coeur; elle essaya pourtant de sourire en me disant qu'elle ressentait une ��trange douleur �� la gorge. J'envoyai aussit?t chercher un m��decin. Quand je revins, elle me pria de placer un cierge devant l'image de la Vierge et voulut elle-m��me l'allumer. Puis, joignant les mains, elle se recueillit dans une pri��re fervente. Ensuite elle me passa les bras autour du cou, me rapprocha d'elle, et me fit baiser le crucifix que je lui avais donn�� le jour de sa premi��re communion, et qu'elle avait toujours port�� depuis.
--M��re, dit-elle, vous savez que la volont�� de Dieu doit toujours ��tre ador��e et b��nie. Je ne me suis jamais sentie orpheline, continua-t-elle tout attendrie, car vous avez ��t�� pour moi la meilleure des m��res; que Dieu vous r��compense et qu'il vous console, ajouta-t-elle avec effort, car je sais que je vais mourir.
--Mon enfant, r��pondis-je toute troubl��e, comment peux-tu parler ainsi? La souffrance t'��gare.
Elle me regarda; je vois encore l'expression de ses beaux yeux calmes et profonds.
--��coutez, dit-elle; j'ai offert �� Dieu mon bonheur et ma vie pour la conversion de Francis. Mon sacrifice est accept��, j'en suis s?re. N'en dites rien �� Francis. Il vaut mieux qu'il l'ignore jusqu'�� ce que Dieu l'��claire.
Ces paroles retentirent dans mon coeur comme son glas fun��bre. ? mon Dieu, pardonnez-moi. Il me sembla que c'��tait payer trop cher le salut d'une ame. Je la regardais avec ��garement; je l'��treignis dans mes bras comme pour la disputer �� la mort et je lui dis �� travers mes sanglots:
--C'est trop cruel. Th��r��se, mon enfant, r��tracte-toi.
--Laissons faire le bon Dieu, r��pondit-elle simplement. Il saura vous consoler, vous et lui. J'ai eu, moi aussi, un moment d'angoisse terrible, maintenant c'est pass��.
Et alors elle me dit qu'en voyant comme Francis demeurait pr��jug��, aveugl��, malgr�� les pri��res continuelles qu'elle faisait faire pour sa conversion, elle avait cru que Dieu voulait peut-��tre la faire contribuer �� son salut plus que par la pri��re, et qu'elle avait offert son bonheur et sa vie
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