chef; c'est un homme de quarante ans, énergique, intelligent, courageux, fameux tireur. Il n'était pas marabout; mais depuis ses prétendus entretiens avec Mahomet, il avait joué le personnage religieux, et il jouissait d'une réputation de sainteté bien établie.
Tout porte à croire que si M. de Saint-Germain avait pu rentrer immédiatement à son poste, et diriger de suite un bataillon sur Zaatcha, il aurait eu beau jeu de cette levée de boucliers. Malheureusement, l'expédition de Kabylie obligea le général Herbillon à le retenir, avec mille hommes placés sous ses ordres, et lorsque, avec ces troupes, il fut de retour à Batna, le 5 juillet, l'insurrection avait fait de grands progrès. Le Sahara tout entier s'agitait à la voix de ses marabouts; les montagnards des Aurès étaient en pleine rébellion; notre ca?d des Ouled-Sultan avait trouvé la mort en défendant notre souveraineté ébranlée; enfin, les Ouled-Denadj, révoltés contre leur chef Si-Mokran, avaient enlevé sa smala et blessé dangereusement son fils Si-Ahmed. Ce brave et intéressant jeune homme, doué de la figure la plus distinguée, est notre grand partisan, il a visité Paris, parle un peu fran?ais, et se trouve heureux, dit-il, d'avoir pu sceller de son sang sa fidélité à notre drapeau. Sur sa poitrine la croix de la Légion d'honneur serait bien placée.
Pour avoir raison des insurgés qui jetaient le trouble dans la subdivision territoriale placée sous ses ordres, M. le colonel Carbuccia prit lui-même le commandement de la colonne de 1,500 hommes qui, le 6 juillet, quitta enfin le chef-lieu, avec six obusiers de douze centimètres. Le 9, avant le jour, une tribu redoutée, les Ouled-Sahnoun, nos ennemis irréconciliables, étaient rasés de fond en comble. Le 15, la colonne arrivait à Biscara, où l'on pensait généralement que l'apparition seule de nos forces et, tout au plus, la menace de détruire les palmiers suffiraient à réduire l'ennemi.
Sous l'impression de ces données inexactes, le colonel Carbuccia se présenta devant Zaatcha, dans la nuit du 15 au 16. Il reconnut en personne les abords de la place et put se convaincre des graves difficultés de son entreprise. Cet excellent officier eut raison de ne pas s'exposer aux énormes inconvénients d'une retraite sans combat, et ne consultant que son courage, il ordonna l'attaque.
Deux colonnes de 450 hommes chacune abordèrent vigoureusement les Arabes, et au bout de deux heures de lutte très vive, par une chaleur de 59°, ils les avaient refoulés, de jardin en jardin, jusque dans l'enceinte crénelée du village. Là, nos bons soldats furent arrêtés par un obstacle matériel, un fossé de cinq mètres de large, qu'on ne put franchir sous le feu d'un ennemi invisible. Les obusiers de douze centimètres ayant été insuffisants pour entamer un mur à soubassement en pierres cyclopéennes du temps des Romains, il fallut se retirer, après de longs efforts proclamés héro?ques par l'armée d'Afrique tout entière.
Dès lors, la révolte gagna de proche en proche, même en dehors des Ziban, et la défection de Sidi-Abd-el-Afid, chef de la redoutable secte religieuse des Ghouans, vint mettre le comble aux dangers de la situation. Heureusement, en apprenant cette nouvelle, le colonel Carbuccia, revenu à Batna, se hata d'en faire partir pour Biscara le seul bataillon qu'il e?t de disponible. Bien que ce bataillon f?t d'un faible effectif et n'amenat qu'une pièce d'artillerie, il permit à M. de Saint-Germain, resté au commandement de Biscara, d'entreprendre la brillante affaire du 17 septembre, dont tous les journaux ont retenti, et où ce vaillant officier trouva une mort glorieuse.
Les choses étaient dans cet état, lorsque M. le général Herbillon quitta Constantine, pour commander en chef l'expédition à laquelle j'allais prendre part. Arrivé le 7 octobre devant Zaatcha, il livrait le 20 un premier assaut, soutenu avec succès par les Arabes, malgré l'invariable bravoure de nos soldats.
On a vu que le 15, de bon matin, j'étais parti de Constantine. Après quelques heures de marche, nous f?mes halte à la fontaine du Bey. Dès la veille, j'avais fait connaissance avec le sirocco, une des conditions les plus incommodes de la guerre d'Afrique. Nous nous rafra?ch?mes copieusement à une belle source d'eau vive, et tandis que nos chevaux mangeaient l'orge, qu'on déchargeait les mulets, et qu'on retirait des cantines notre frugal déjeuner, je m'amusai à chasser des bandes nombreuses de gangas, que je trouvai très farouches, pour une contrée aussi déserte.
Nous arrivames de bonne heure à l'étape d'A?n-Mélilla, où ma tente fut bient?t dressée près de la fontaine. Les eaux abondantes qui en découlent, forment un long marais qui s'étend de l'est à l'ouest et qui, par sa végétation et les oiseaux aquatiques qui le peuplent, égaie un peu la triste vallée où nous nous trouvions. Elle est surplombée de deux montagnes arides qui semblent s'observer, et les Arabes de la tribu voisine nous assurèrent, sans perdre leur sérieux, qu'à certains jours, les deux colosses de
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