populations par les concussions dont ils les accablent en notre nom? Il serait d'une haute politique d'entourer de la plus grande considération les chefs à notre service, et de les relever aux yeux de leurs administrés, en leur laissant ce prestige de nationalité indigène qui leur donne l'air de ne céder qu'à notre force invincible, tout en nous aimant quand nous faisons le bien. Surtout, il ne faudrait pas perdre de vue que quelque temps de paix consolide notre pouvoir mieux que l'expédition la plus heureuse, et que si une longue période de tranquillité générale était donnée à la colonie, l'Arabe, qui est fataliste, commencerait à croire à la perpétuité de notre domination, et se soumettrait définitivement en disant: Dieu le veut!
Jetons maintenant un coup d'oeil sur l'état de la subdivision de Batna, lors des derniers événements.
En octobre 1848, M. le colonel Carbuccia, d'une des meilleures familles de Bastia, avait succédé, dans le commandement de cette subdivision, à M. le colonel Canrobert. Ce dernier venait de rendre un immense service, en s'emparant, par un coup de main hardi, comme il sait en faire, du dernier bey de Constantine, Ahmed. Cependant, nos ressources étaient bien faibles pour maintenir, dans une si grande étendue de territoire, tant de populations diverses. En effet, la subdivision de Batna comprend ces montagnards de l'Aurès, toujours turbulents, le massif des Ouled-Sultan, les Ouled-Sellem, les Ouled-Bouanoun, le Hodna, le Sahara ou Désert, où se trouve la région des oasis, ou Zab, au pluriel Ziban. Les Aurès venaient de massacrer ou de chasser les ca?ds nommés par nous; la plupart des autres points du pays n'étaient soumis que de nom; l'échec essuyé par nos armes en 1844 n'avait pas été vengé, et si une révolte ouverte avait éclaté, les plus facheuses complications étaient à prévoir. Dès lors, le colonel Carbuccia avait senti les difficultés de cette situation et les avait fait conna?tre à son chef immédiat, M. le général Herbillon, commandant de la province. En avril et mai 1849, le colonel s'était vu contraint de parcourir le Hodna, à la tête d'une colonne expéditionnaire, pour maintenir notre ca?d Si-Mokran, dont les Arabes avaient voulu se débarrasser. Notre autorité en fut momentanément raffermie, une réconciliation apparente eut lieu, et des otages furent, suivant la coutume, amenés à Batna.
Dans le Sahara, par des circonstances favorables et fortuites, ou peut-être à cause même de notre éloignement, les oasis le plus au sud, Tuggurt et Souf, étaient dans les meilleures dispositions à notre égard. Aussi, quand le kalifat d'Abd-el-Kader, Ahmed-bel-Hadj, a voulu, en dernier lieu, traverser ce pays, pour se mettre à la tête de l'insurrection, il a été repoussé avec perte par nos fidèles alliés Ben-Djellal et Ben-Chenouf.
Les habitants du groupe d'oasis qu'on appelle le Zab-Dahri, et dans lequel est situé Zaatcha, ne vivaient, il y a peu de temps encore, que de la culture du palmier, qui suffisait à leur nourriture et aux échanges. Menacés sans cesse par les nomades, qui les pillaient et les rendaient tributaires, leur sort était exceptionnellement malheureux. En 1845, sous le commandement de M. de Saint-Germain, ils commencèrent à jouir d'une administration régulière et uniforme. Grace aux encouragements de cet officier supérieur, ils produisirent d'abondantes céréales, et l'on peut dire que, quatre ans après, la misère avait complètement disparu de leur territoire. Le but de M. de Saint-Germain, qui voulait gouverner directement le pays, était de soustraire le Sahara à la dépendance du Tell, dont il tire ses grains. Louable en lui-même, sous le rapport de la civilisation, au point de vue politique ce plan ne pouvait produire que de facheux résultats chez un peuple qui nous sera encore longtemps et peut-être toujours hostile.
Les Turcs connaissaient les Arabes au moins aussi bien que nous, et certes ils se seraient gardés de rendre le désert indépendant du Tell. La nécessité où sont les tribus sahariennes de venir, tous les ans, s'approvisionner dans la région des céréales, est la meilleure garantie de leur obéissance. Si elles nous mécontentent, leur compte est bient?t réglé, et en cas de rébellion armée, nous pouvons leur fermer complètement le Tell, et les obliger à recourir à des intermédiaires, ce qui décuple pour eux le prix des denrées. Ce n'est d'ailleurs que dans le Tell que ces tribus peuvent rencontrer, pour leurs dromadaires et leurs moutons, des paturages d'été, saison où le manque absolu d'eau serait mortel aux troupeaux dans le désert. Cette dépendance du Sahara envers la région des céréales est un fait tellement important qu'aucune intrigue ou sédition de la part des nomades ne peut nous préoccuper longtemps, placés qu'ils sont sans cesse sous l'inévitable coup d'une répression pécuniaire, et même plus terrible, au besoin. Quatre passages à travers une cha?ne de montagnes qui court parallèlement à la mer, conduisent du désert au Tell; à l'est, celui de Kinchila; à
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