par le mystérieux murmure, avan?ait toujours insensiblement, et si bien que, vers les trois heures du matin, il se trouvait, invisible, à un demi-pas du cygne noir, sans que celui-ci e?t ressenti le moindre indice de cette présence.
Alors, le bon docteur, en souriant dans l'ombre, grattait doucement, bien doucement, effleurait à peine, du bout de son index moyen age, la surface abolie de l'eau, devant le veilleur!... Et il grattait avec une douceur telle que celui-ci, bien qu'étonné, ne pouvait juger cette vague alarme comme d'une importance digne que la pierre f?t jetée. Il écoutait. A la longue, son instinct, se pénétrant obscurément de l'idée du danger, son coeur, oh! son pauvre coeur ingénu se mettait à battre affreusement:--ce qui remplissait de jubilation Bonhomet.
Et voici que les beaux cygnes, l'un après l'autre, troublés, par ce bruit, au profond de leurs sommeils, se détiraient onduleusement la tête de dessous leurs pales ailes d'argent,--et, sous le poids de l'ombre de Bonhomet, entraient peu à peu dans une angoisse, ayant on ne sait quelle confuse conscience du mortel péril qui les mena?ait. Mais, en leur délicatesse infinie, ils souffraient en silence, comme le veilleur,--ne pouvant s'enfuir, puisque la pierre n'était pas jetée! Et tous les coeurs de ces blancs exilés se mettaient à battre des coups de sourde agonie,--intelligibles et distincts pour l'oreille ravie de l'excellent docteur qui,--sachant bien, lui, ce que leur causait, moralement, sa seule proximité,--se délectait, en des prurits incomparables, de la terrifique sensation que son immobilité leur faisait subir.
--Qu'il est doux d'encourager les artistes! se disait-il tout bas.
Trois quarts d'heure, environ, durait cette extase, qu'il n'e?t pas troquée contre un royaume. Soudain, le rayon de l'étoile-du-matin, glissant à travers les branches, illuminait, à l'improviste, Bonhomet, les eaux noires et les cygnes aux yeux pleins de rêves! Le veilleur, affolé d'épouvante à cette vue, jetait la pierre...--Trop tard!... Bonhomet, avec un grand cri horrible, où semblait se démasquer son sirupeux sourire, se précipitait, griffes levées, bras étendus, à travers les rangs des oiseaux sacrés!--Et rapides étaient les étreintes des doigts de fer de ce preux moderne: et les purs cols de neige de deux ou trois chanteurs étaient traversés ou brisés avant l'envolée radieuse des autres oiseaux-poètes.
Alors, l'ame des cygnes expirants s'exhalait, oublieuse du bon docteur, en un chant d'immortel espoir, de délivrance et d'amour, vers des Cieux inconnus.
Le rationnel docteur souriait de cette sentimentalité, dont il ne daignait savourer, en connaisseur sérieux, qu'une chose,--LE TIMBRE.--Il ne prisait, musicalement, que la douceur singulière du timbre de ces symboliques voix, qui vocalisaient la Mort comme une mélodie.
Bonhomet, les yeux fermés, en aspirait, en son coeur, les vibrations harmonieuses: puis, chancelant, comme en un spasme, il s'en allait échouer à la rive, s'y allongeait sur l'herbe, s'y couchait sur le dos, en ses vêtements bien chauds et imperméables.
Et là, ce Mécène de notre ère, perdu en une torpeur voluptueuse, ressavourait, au tréfond de lui-même, le souvenir du chant délicieux--bien qu'entaché d'une sublimité selon lui démodée--de ses chers artistes.
Et, résorbant sa comateuse extase, il en ruminait ainsi, à la bourgeoise, l'exquise impression jusqu'au lever du soleil.
MOTION DU Dr TRIBULAT BONHOMET TOUCHANT L'UTILISATION DES TREMBLEMENTS DE TERRE [2]
[Note 2: A la nouvelle des très horribles tremblements de terre (des fin février et 1er mars 1887),--phénomènes qui désolèrent le Midi,--l'illustre Docteur crut de son devoir d'adresser aux bureaux de nos deux Chambres la présente MOTION, dont l'urgence,--malgré le voeu secret d'une double majorité,--fut (du moins au dire énergique de Bonhomet lui-même), remise aux ?calendes grecques?.
Nous n'ajoutons que l'épigraphe, pour indiquer le la particulier à l'intonation professorale du célèbre spécialiste.]
Quand Pharamond ceignit la tiare, la France n'était qu'une vaste étendue paludéenne,--bien plus propre aux ébats du canard sauvage... qu'au jeu régulier des Institutions constitutionnelles. UN SAGE MODERNE.
A Monsieur Gustave GUICHES.
?--Arpentons-nous un terroir de fantaisie dont nous sommes les... capucins de cartes?
?Quoi! venant de fêter, derechef, une na?ve tradition de nos pères,--ces jours gras dont s'extasie la jeunesse,--voici qu'au moment où nous allons nous livrer au sommeil les cours d'honneur de nos plus conséquents h?tels, en notre capitale, se voient envahies, à l'arrivée des trains du soir, par des hordes plus que sommairement vêtues (quelques dames ayant poussé la terreur jusqu'à l'impudicité), voici que les majordomes, se croyant les jouets d'hallucinations morbides,--sinon d'une sortie de bal de barrière,--ne peuvent que béer à ce spectacle, tandis que, mandés en toute hate et présumant déjà quelque nouvelle fumisterie d'anarchistes, les accourus gardiens de cette paix,--qui nous est plus chère que toute chose excepté la vie,--se caressent silencieusement l'impériale au narré des confidences, trémolantes encore, de tous ces voyageurs qu'ils écoutent d'une oreille distraite, en les enveloppant de regards obliques et soup?onneux!
?--Vraiment, lorsqu'au lu des dépêches méridionales l'électricité contraignit chacun de se rendre à l'évidence, nous ne s?mes, avouons-le, que penser. C'était à se croire en plein Moyen-age!?
?Comment d'aussi mélodramatiques
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