cette soif d'entreprises qui devait, plus tard, se satisfaire dans la setch. Les boursiers[16] parcouraient affam��s les rues de Kiew, obligeant les habitants �� la prudence. Les marchands des bazars couvraient toujours des deux mains leurs gateaux, leurs petits pat��s, leurs graines de past��ques, comme l'aigle couvre ses aiglons, d��s que passait un boursier. Le consul[17] qui devait, d'apr��s sa charge, veiller aux bonnes moeurs de ses subordonn��s, portait de si larges poches dans ses pantalons, qu'il e?t pu y fourrer toute la boutique d'une marchande inattentive. Ces boursiers composaient un monde �� part. Ils ne pouvaient pas p��n��trer dans la haute soci��t��, qui se composait de nobles, Polonais et Petits-Russiens. Le va?vode lui-m��me, Adam Kissel, malgr�� la protection dont il honorait l'acad��mie, d��fendait qu'on menat les ��tudiants dans le monde, et voulait qu'on les traitat s��v��rement. Du reste, cette derni��re recommandation ��tait fort inutile, car ni le recteur, ni les professeurs ne m��nageaient le fouet et les ��trivi��res. Souvent, d'apr��s leurs ordres, les licteurs rossaient les consuls de mani��re �� leur faire longtemps gratter leurs pantalons. Beaucoup d'entre eux ne comptaient cela pour rien, ou, tout au plus, pour quelque chose d'un peu plus fort que de l'eau-de-vie poivr��e. Mais d'autres finissaient par trouver un tel chauffage si d��sagr��able, qu'ils s'enfuyaient �� la setch, s'ils en savaient trouver le chemin et n'��taient point rattrap��s en route. Ostap Boulba, malgr�� le soin qu'il mettait �� ��tudier la logique et m��me la th��ologie, ne put jamais s'affranchir des implacables ��trivi��res. Naturellement, cela dut rendre son caract��re plus sombre, plus intraitable, et lui donner la fermet�� qui distingue le Cosaque. Il passait pour tr��s bon camarade; s'il n'��tait presque jamais le chef dans les entreprises hardies, comme le pillage d'un potager, toujours il se mettait des premiers sous le commandement d'un ��colier entreprenant, et jamais, en aucun cas, il n'e?t trahi ses compagnons. Aucun chatiment ne l'y e?t pu contraindre. Assez indiff��rent �� tout autre plaisir que la guerre ou la bouteille, car il pensait rarement �� autre chose, il ��tait loyal et bon, du moins aussi bon qu'on pouvait l'��tre avec un tel caract��re et dans une telle ��poque. Les larmes de sa pauvre m��re l'avaient profond��ment ��mu; c'��tait la seule chose qui l'e?t troubl��, et qui lui fit baisser tristement la t��te.
Son fr��re cadet, Andry, avait les sentiments plus vifs et plus ouverts. Il apprenait avec plus de plaisir, et sans les difficult��s que met au travail un caract��re lourd et ��nergique. Il ��tait plus ing��nieux que son fr��re, plus souvent le chef d'une entreprise hardie; et quelquefois, �� l��aide de son esprit inventif, il savait ��luder la punition, tandis que son fr��re Ostap, sans se troubler beaucoup, ?tait son caftan et se couchait par terre, ne pensant pas m��me �� demander grace. Andry n'��tait pas moins d��vor�� du d��sir d'accomplir des actions h��ro?ques; mais son ame ��tait abordable �� d'autres sentiments. Le besoin d'aimer se d��veloppa rapidement en lui, d��s qu'il eut pass�� sa dix-huiti��me ann��e. Des images de femme se pr��sentaient souvent �� ses pens��es br?lantes. Tout en ��coutant les disputes th��ologiques, il voyait l'objet de son r��ve avec des joues fra?ches, un sourire tendre et des yeux noirs. Il cachait soigneusement �� ses camarades les mouvements de son ame jeune et passionn��e; car, �� cette ��poque, il ��tait indigne d'un Cosaque de penser aux femmes et �� l'amour avant d'avoir fait ses preuves dans une bataille. En g��n��ral, dans les derni��res ann��es de son s��jour au s��minaire, il se mit plus rarement en t��te d'une troupe aventureuse; mais souvent il errait dans quelque quartier solitaire de Kiew, o�� de petites maisonnettes se montraient engageantes �� travers leurs jardins de cerisiers. Quelquefois il p��n��trait dans la rue de l'aristocratie, dans cette partie de la ville qui se nomme maintenant le vieux Kiew, et qui, alors habit��e par des seigneurs petits-russiens et polonais, se composait de maisons baties avec un certain luxe. Un jour qu'il passait l��, r��veur, le lourd carrosse d'un seigneur polonais manqua de l'��craser, et le cocher �� longues moustaches qui occupait le si��ge le cingla violemment de son fouet. Le jeune ��colier, bouillonnant de col��re, saisit de sa main vigoureuse, avec une hardiesse folle, une roue de derri��re du carrosse, et parvint �� l'arr��ter quelques moments. Mais le cocher, redoutant une querelle, lan?a ses chevaux en les fouettant, et Andry, qui avait heureusement retir�� sa main, fut jet�� contre terre, la face dans la boue. Un rire harmonieux et per?ant retentit sur sa t��te. Il leva les yeux, et aper?ut �� la fen��tre d'une maison une jeune fille de la plus ravissante beaut��. Elle ��tait blanche et rose comme la neige ��clair��e par les premiers rayons du soleil levant. Elle riait �� gorge d��ploy��e, et son rire ajoutait encore un charme �� sa beaut�� vive
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