importe à Rome et à l'Italie, il importe au monde entier que les vestiges du Sénat romain soient rendus à la lumière.
Puis il pria ses amis d'entrer dans sa cabane hospitalière et rustique comme la maison d'Evandre.
Elle se composait d'une salle unique où se dressait une table de bois blanc, chargée de poteries noires et de débris informes qui exhalaient une odeur de terre.
--Du préhistorique! soupira Joséphin Leclerc. Ainsi, mon cher Giacomo Boni, non content de chercher dans le Forum les monuments des Empereurs, ceux de la République et ceux des Rois, vous vous enfoncez maintenant dans les terrains qui portèrent une flore et une faune disparues, vous creusez dans le quaternaire, dans le tertiaire, vous pénétrez dans le pliocène, dans le miocène, dans l'éocène; de l'archéologie latine, vous passez à l'archéologie préhistorique et à la paléontologie. On s'inquiète, dans les salons, des profondeurs où vous descendez. La comtesse Pasolini ne sait plus où vous vous arrêterez; et l'on vous représente, dans un petit journal satirique, sortant par les antipodes et soupirant: Adesso va bene!
Boni semblait n'avoir pas entendu.
Il examinait avec une attention profonde un vaisseau d'argile encore humide et limoneux. Ses yeux clairs et changeants s'assombrissaient quand il scrutait sur ce pauvre ouvrage humain quelque indice encore inaper?u d'un passé mystérieux. Et ils redevenaient d'un bleu pale dans le vague de la rêverie.
--Ces restes que vous voyez là, dit-il enfin, ces petits cercueils de bois non équarri et ces urnes de terre noire, en forme de cabane, contenant des os calcinés, furent recueillis sous le temple de Faustine, au nord-ouest du Forum.
?On trouve c?te à c?te des urnes noires pleines de cendres et des squelettes couchés dans leur cercueil comme dans un lit. Les Grecs et les Romains pratiquaient à la fois l'ensevelissement et la crémation. Sur l'Europe entière, aux époques antérieures à toute histoire, les deux coutumes étaient suivies en même temps, dans la même cité, dans la même tribu. Ces deux modes de sépulture correspondent-ils à deux races, à deux génies? Je le crois.
Il prit dans ses mains, d'un geste respectueux et presque rituel, un vase en forme de cabane qui contenait un peu de cendre:
--Ceux, dit-il, qui, dans des temps immémoriaux, fa?onnaient ainsi l'argile, pensaient que l'ame, attachée aux os et aux cendres, avait besoin d'une demeure, mais qu'il ne lui fallait pas une maison bien grande pour y vivre la vie diminuée des morts. C'étaient des hommes d'une noble race, venue d'Asie. Celui dont je soulève la cendre légère vécut avant les temps d'évandre et du berger Faustulus.
Et il ajouta, se plaisant à parler comme les anciens:
--Alors le roi Italus, ou Vitulus, le roi Veau, exer?ait sa domination paisible sur cette contrée promise à tant de gloire. Alors s'étendaient sur la terre ausonienne les règnes monotones des troupeaux. Ces hommes n'étaient point ignorants et grossiers. Ils avaient re?u de leurs ancêtres beaucoup d'enseignements précieux. Ils connaissaient le navire et la rame. Ils pratiquaient l'art de soumettre les boeufs au joug et de les lier au timon. Ils allumaient à leur volonté le feu divin. Ils recueillaient le sel, travaillaient l'or, pétrissaient et cuisaient des vases d'argile. Sans doute ils commen?aient à travailler la terre. On conte que les patres latins devinrent laboureurs sous le règne fabuleux du Veau. Ils cultivaient le millet, l'orge et l'épeautre. Ils cousaient des peaux avec des aiguilles d'os. Ils tissaient et, peut-être, faisaient mentir la laine en couleurs variées. Ils mesuraient le temps par les phases de la lune. Ils contemplaient le ciel et ils y retrouvaient la terre. Ils y voyaient le lévrier qui garde pour le ma?tre Diospiter le troupeau des étoiles. Ils reconnaissaient dans les nuées fécondes le bétail du Soleil, les vaches nourricières des campagnes bleues. Ils adoraient leur père le Ciel et leur mère la Terre. Et, le soir, ils entendaient les chariots des dieux, migrateurs comme eux, fouler, de leurs roues pleines, les sentiers de la montagne. Ils aimaient la lumière du jour et songeaient avec tristesse à la vie des ames dans le royaume des ombres.
?Ces Aryens à tête large, nous savons qu'ils étaient blonds, puisque leurs dieux, faits à leur image, étaient blonds. Indra avait les cheveux comme les épis d'orge et la barbe comme les poils du tigre. Les Grecs se représentaient les dieux immortels avec des yeux bleus ou glauques et des chevelures d'or. La déesse Rome était flava et candida. Dans la tradition latine, Romulus et Rémus ont le crin jaune.
?Si l'on pouvait reconstruire ces ossements calcinés, vous verriez appara?tre les pures formes aryennes. En ces cranes larges et vigoureux, en ces têtes carrées comme la première Rome que devaient fonder leurs fils, vous reconna?triez les a?eux des patriciens de la république, la souche longtemps vigoureuse qui produisit les tribuns, les pontifes et les consuls, vous toucheriez le superbe

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