Stello | Page 7

Alfred de Vigny
aussi �� cause du d��sir que je me sens de leur tendre la main et de les ��lever sans cesse par des paroles de commis��ration et d'amour. Comme une lampe toujours allum��e ne jette qu'une flamme tr��s incertaine et vacillante lorsque l'huile qui l'anime cesse de se r��pandre dans des veines avec abondance, et puis lance jusqu'au fa?te du temple des ��clairs, des splendeurs et des rayons lorsqu'elle est p��n��tr��e de la substance qui la nourrit, de m��me je sens s'��teindre les ��clairs de l'inspiration et les clart��s de la pens��e lorsque la force ind��finissable qui soutient ma vie, l'Amour, cesse de me remplir de sa chaleureuse puissance; et lorsqu'il circule en moi, toute mon ame en est illumin��e; je crois comprendre tout �� la fois l'��ternit��, l'Espace, la Cr��ation, les cr��atures et la Destin��e; c'est alors que l'Illusion, ph��nix au plumage dor��, vient se poser sur mes l��vres et chante.
"Mais je crois que, lorsque le don de fortifier les faibles commencera de tarir dans le Po��te, alors aussi tarira sa vie; car, s'il n'est bon �� tous, il n'est plus bon au monde.
"Je crois au combat ��ternel de notre vie int��rieure, qui f��conde et appelle, et j'invoque la pens��e d'en haut, la plus propre �� concentrer et rallumer les forces po��tiques de ma vie: le D��vouement et la Piti��.
--Tout cela ne prouve qu'un bon instinct, dit le Docteur-Noir; cependant il n'est pas impossible que vous soyez Po��te, et je continuerai."
Et il continua.

CHAPITRE VIII
DEMI-FOLIE
Oui, j'��tais pr��s d'un jeune homme fort singulier. L'archev��que de Paris, M. de Beaumont, m'avait fait prier de venir �� son palais, parce que cet inconnu ��tait venu chez lui, tout seul, en chemise et en redingote, lui demander gravement les sacrements. J'allai vite �� l'archev��ch��, o�� je trouvai, en effet, un homme d'environ vingt-deux ans, d'une figure grave et douce, assis, dans ce costume plus que l��ger, sur un grand fauteuil de velours, o�� le bon vieil archev��que l'avait fait placer. Monseigneur de Paris ��tait en grand habit eccl��siastique, en bas violets, parce que ce jour-l�� m��me il devait officier pour la Saint-Louis; mais il avait eu la bont�� de laisser toutes ses affaires jusqu'au moment du service, pour ne pas quitter ce bizarre visiteur, qui l'int��ressait vivement.
Lorsque j'entrai dans la chambre �� coucher de M. l'archev��que, il ��tait assis pr��s de ce pauvre jeune homme, et il lui tenait la main dans ses deux mains rid��es et tremblotantes. Il le regardait avec une esp��ce de crainte, et il s'attristait de voir que le malade (car il l'��tait) refusait de rien prendre d'un bon petit d��jeuner que deux domestiques avaient servi devant lui. Du plus loin que M. de Beaumont m'aper?ut, il me dit d'une voix ��mue:
"Eh! venez donc! eh! arrivez donc, bon Docteur! Voil�� un pauvre enfant qui vient de se jeter dans mes bras, Venite ad me! Il vient comme un oiseau ��chapp�� de sa cage, que le froid a pris sur les toits, et qui se jette dans la premi��re fen��tre venue. Le pauvre petit! J'ai command�� pour lui des v��tements. Il a de bons principes, du moins, car il est venu me demander les sacrements; mais il faut que j'entende sa confession auparavant. Vous n'ignorez pas cela, Docteur, et il ne veut pas parler. Il me met dans un bien grand embarras. Oh! dame oui! il m'embarrasse beaucoup. Je ne connais pas l'��tat de son ame. Sa pauvre t��te est bien affaiblie. Tout �� l'heure il a beaucoup pleur��, le cher enfant! J'ai encore les mains toutes mouill��es de ses larmes. Tenez, voyez!"
En effet, les mains du bon vieillard ��taient encore humides comme un parchemin jaune sur lequel l'eau ne peut pas s��cher. Un vieux domestique, qui avait l'air d'un religieux, apporta une robe de s��minariste, qu'il passa au malade en le faisant soulever par les gens de l'archev��que, et on nous laissa seuls. Le nouveau venu n'avait nullement r��sist�� �� cette toilette. Ses yeux, sans ��tre ferm��s, ��taient voil��s et comme recouverts �� demi par ses sourcils blonds; ses paupi��res tr��s rouges, la fixit�� de ses prunelles, me parurent de tr��s mauvais sympt?mes. Je lui tatai le pouls, et je ne pus m'emp��cher de secouer la t��te assez tristement.
A ce signe-l��, M. de Beaumont me dit:
"Donnez-moi un verre d'eau: j'ai quatre-vingts ans, moi; cela me fait mal.
--Ce ne sera rien, monseigneur, lui dis-je: seulement, il y a dans ce pouls quelque chose qui n'est ni la sant�� ni la fi��vre de la maladie... C'est la folie", ajoutai-je tout bas.
Je dis au malade:
"Comment vous nommez-vous?"
Rien... ses yeux demeur��rent fixes et mornes...
"Ne le tourmentez pas, Docteur, dit M. de Beaumont, il m'a d��j�� dit trois fois qu'il appelait Nicolas-Joseph-Laurent.
--Mais ce ne sont que des noms de bapt��me, dis-je.
--N'importe! n'importe! dit le bon archev��que avec un peu d'impatience, cela suffit �� la religion: ce
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