fa?on, conna?tre exactement le nombre de jours qu'il devait encore passer dans la maison de force. Il ��tait sinc��rement heureux quand il avait achev�� un des c?t��s de l'hexagone: et pourtant, il devait attendre sa lib��ration pendant de longues ann��es; mais on apprend la patience �� la maison de force. Je vis un jour un d��tenu qui avait subi sa condamnation et que l'on mettait en libert��, prendra cong�� de ses camarades. Il avait ��t�� vingt ans aux travaux forc��s. Plus d'un for?at se souvenait de l'avoir vu arriver jeune, insouciant, ne pensant ni �� son crime ni au chatiment: c'��tait maintenant un vieillard �� cheveux gris, au visage triste et morose. Il fit en silence le tour de nos six casernes. En entrant dans chacune d'elles, il priait devant l'image sainte, saluait profond��ment ses camarades, en les priant de ne pas garder un mauvais souvenir de lui. Je me rappelle aussi qu'un soir on appela vers la porte d'entr��e un d��tenu qui avait ��t�� dans le temps un paysan sib��rien fort ais��. Six mois auparavant, il avait re?u la nouvelle que sa femme s'��tait remari��e, ce qui l'avait fort attrist��. Ce soir-l��, elle ��tait venue �� la prison, l'avait fait appeler pour lui donner une aum?ne. Ils s'entretinrent deux minutes, pleur��rent tous deux et se s��par��rent pour ne plus se revoir. Je vis l'expression du visage de ce d��tenu quand il rentra dans la caserne... L��, en v��rit��, on peut apprendre �� tout supporter.
Quand le cr��puscule commen?ait, on nous faisait rentrer dans la caserne, o�� l'on nous enfermait pour toute la nuit. Il m'��tait toujours p��nible de quitter la cour pour la caserne. Qu'on se figure une longue chambre, basse et ��touffante, ��clair��e �� peine par des chandelles et dans laquelle tra?nait une odeur lourde et naus��abonde. Je ne puis comprendre maintenant comment j'y ai v��cu dix ans entiers. Mon lit de camp se composait de trois planches: c'��tait toute la place dont je pouvais disposer. Dans une seule chambre on parquait plus de trente hommes. C'��tait surtout en hiver qu'on nous enfermait de bonne heure; il fallait attendre quatre heures au moins avant que tout le monde f?t endormi, aussi ��tait-ce un tumulte, un vacarme de rires, de jurons, de cha?nes qui sonnaient, une vapeur infecte, une fum��e ��paisse, un brouhaha de t��tes ras��es, de fronts stigmatis��s, d'habits en lambeaux, tout cela encanaill��, d��go?tant; oui, l'homme est un animal vivace! on pourrait le d��finir: un ��tre qui s'habitue �� tout, et ce serait peut-��tre l�� la meilleure d��finition qu'on en ait donn��e.
Nous ��tions en tout deux cent cinquante dans la maison de force. Ce nombre ��tait presque invariable, car lorsque les uns avaient subi leur peine, d'autres criminels arrivaient, il en mourait aussi. Et il y avait l�� toute sorte de gens. Je crois que chaque gouvernement, chaque contr��e de la Russie avait fourni son repr��sentant. Il y avait des ��trangers et m��me des montagnards du Caucase. Tout ce monde se divisait en cat��gories diff��rentes, suivant l'importance du crime et par cons��quent la dur��e du chatiment. Chaque crime, quel qu'il soit, y ��tait repr��sent��. La population de la maison de force ��tait compos��e en majeure partie de d��port��s aux travaux forc��s de la cat��gorie civile (fortement condamn��s, comme disaient les d��tenus). C'��taient des criminels priv��s de tous leurs droits civils, membres r��prouv��s de la soci��t��, vomis par elle, et dont le visage marqu�� au fer devait ��ternellement t��moigner de leur opprobre. Ils ��taient incarc��r��s dans la maison de force pour un laps de temps qui variait de huit �� douze ans; �� l'expiration de leur peine, on les envoyait dans un canton sib��rien en qualit�� de colons. Quant aux criminels de la section militaire, ils n'��taient pas priv��s de leurs droits civils,--c'est ce qui a lieu d'ordinaire dans les compagnies de discipline russes,--et n'��taient envoy��s que pour un temps relativement court. Une fois leur condamnation purg��e, ils retournaient �� l'endroit d'o�� ils ��taient venus, et entraient comme soldats dans les bataillons de ligne sib��riens[2]. Beaucoup d'entre eux nous revenaient bient?t pour des crimes graves, seulement ce n'��tait plus pour un petit nombre d'ann��es, mais pour vingt ans au moins; ils faisaient alors partie d'une section qui se nommait ?�� perp��tuit��?. N��anmoins, les _perp��tuels_ n'��taient pas priv��s de leurs droits. Il existait encore une section assez nombreuse, compos��e des pires malfaiteurs, presque tous v��t��rans du crime, et qu'on appelait la ?section particuli��re?. On envoyait l�� des condamn��s de toutes les Russies. Ils se regardaient �� bon droit comme d��tenus �� perp��tuit��, car le terme de leur r��clusion n'avait pas ��t�� indiqu��. La loi exigeait qu'on leur donnat des taches doubles et triples. Ils rest��rent dans la prison jusqu'�� ce qu'on entreprit en Sib��rie les travaux de force les plus p��nibles. ?Vous n'��tes ici que pour un temps fixe, disaient-ils
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