Sodome et Gomorrhe - Volume 2

Marcel Proust
Sodome et Gomorrhe - Volume 2

The Project Gutenberg EBook of Sodome et Gomorrhe--Volume 2, by Marcel Proust
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Title: Sodome et Gomorrhe--Volume 2
Author: Marcel Proust
Release Date: February 15, 2005 [EBook #15075]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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GOMORRHE--VOLUME 2 ***

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MARCEL PROUST
A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU
X
SODOME ET GOMORRHE _DEUXIÈME PARTIE_

GALLIMARD OEUVRES COMPLÈTES (_18 vol._).
A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU DU CÔTÉ DE CHEZ SWANN (_2 vol._). A
L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS (_3 vol._). LE CÔTÉ DE
GUERMANTES (_3 Vol._). SODOME ET GOMORRHE (_2 Vol._). LA
PRISONNIÈRE (_2 Vol._). ALBERTINE DISPARUE. LE TEMPS RETROUVÉ (_2
Vol._).
PASTICHES ET MÉLANGES.
LES PLAISIRS ET LES JOURS.
CHRONIQUES.
LETTRES A LA N. R. F.

MORCEAUX CHOISIS.
UN AMOUR DE SWANN
(_édition illustrée par Laprade_).

SODOME ET GOMORRHE
DEUXIÈME PARTIE
(SUITE)
Le lendemain, le fameux mercredi, dans ce même petit chemin de fer que je venais de
prendre à Balbec, pour aller dîner à la Raspelière, je tenais beaucoup à ne pas manquer
Cottard à Graincourt-Saint-Vast où un nouveau téléphonage de Mme Verdurin m'avait dit
que je le retrouverais. Il devait monter dans mon train et m'indiquerait où il fallait
descendre pour trouver les voitures qu'on envoyait de la Raspelière à la gare. Aussi, le
petit train ne s'arrêtant qu'un instant à Graincourt, première station après Doncières,
d'avance je m'étais mis à la portière tant j'avais peur de ne pas voir Cottard ou de ne pas
être vu de lui. Craintes bien vaines! Je ne m'étais pas rendu compte à quel point le petit
clan ayant façonné tous les «habitués» sur le même type, ceux-ci, par surcroît en grande
tenue de dîner, attendant sur le quai, se laissaient tout de suite reconnaître à un certain air
d'assurance, d'élégance et de familiarité, à des regards qui franchissaient comme un
espace vide, où rien n'arrête l'attention, les rangs pressés du vulgaire public, guettaient
l'arrivée de quelque habitué qui avait pris le train à une station précédente et pétillaient
déjà de la causerie prochaine. Ce signe d'élection, dont l'habitude de dîner ensemble avait
marqué les membres du petit groupe, ne les distinguait pas seulement quand, nombreux,
en force, ils étaient massés, faisant une tache plus brillante au milieu du troupeau des
voyageurs--ce que Brichot appelait le «pecus»--sur les ternes visages desquels ne pouvait
se lire aucune notion relative aux Verdurin, aucun espoir de jamais dîner à la Raspelière.
D'ailleurs ces voyageurs vulgaires eussent été moins intéressés que moi si devant eux on
eût prononcé--et malgré la notoriété acquise par certains--les noms de ces fidèles que je
m'étonnais de voir continuer à dîner en ville, alors que plusieurs le faisaient déjà, d'après
les récits que j'avais entendus, avant ma naissance, à une époque à la fois assez distante et
assez vague pour que je fusse tenté de m'en exagérer l'éloignement. Le contraste entre la
continuation non seulement de leur existence, mais du plein de leurs forces, et
l'anéantissement de tant d'amis que j'avais déjà vus, ici ou là, disparaître, me donnait ce
même sentiment que nous éprouvons quand, à la dernière heure des journaux, nous lisons
précisément la nouvelle que nous attendions le moins, par exemple celle d'un décès
prématuré et qui nous semble fortuit parce que les causes dont il est l'aboutissant nous
sont restées inconnues. Ce sentiment est celui que la mort n'atteint pas uniformément tous
les hommes, mais qu'une lame plus avancée de sa montée tragique emporte une existence
située au niveau d'autres que longtemps encore les lames suivantes épargneront. Nous
verrons, du reste, plus tard la diversité des morts qui circulent invisiblement être la cause
de l'inattendu spécial que présentent, dans les journaux, les nécrologies. Puis je voyais
qu'avec le temps, non seulement des dons réels, qui peuvent coexister avec la pire
vulgarité de conversation, se dévoilent et s'imposent, mais encore que des individus
médiocres arrivent à ces hautes places, attachées dans l'imagination de notre enfance à

quelques vieillards célèbres, sans songer que le seraient, un certain nombre d'années plus
tard, leurs disciples devenus maîtres et inspirant maintenant le respect et la crainte qu'ils
éprouvaient jadis. Mais si les noms des fidèles n'étaient pas connus du «pecus», leur
aspect pourtant les désignait à ses yeux. Même dans le train (lorsque le hasard de ce que
les uns et les autres d'entre eux avaient eu à faire
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