de responsabilité dans la violence du docteur, il enfila le couloir en feignant de chercher ce que Cottard appelait les ?water?. N'en trouvant pas, il regarda le paysage de l'autre extrémité du tortillard. ?Si ce sont vos débuts chez Mme Verdurin, Monsieur, me dit Brichot, qui tenait à montrer ses talents à un ?nouveau?, vous verrez qu'il n'y a pas de milieu où l'on sente mieux la ?douceur de vivre?, comme disait un des inventeurs du dilettantisme, du je m'enfichisme, de beaucoup de mots en ?isme? à la mode chez nos snobinettes, je veux dire M. le prince de Talleyrand.? Car, quand il parlait de ces grands seigneurs du passé, il trouvait spirituel, et ?couleur de l'époque? de faire précéder leur titre de Monsieur et disait Monsieur le duc de La Rochefoucauld, Monsieur le cardinal de Retz, qu'il appelait aussi de temps en temps: ?Ce struggle for lifer de Gondi, ce ?boulangiste? de Marsillac.? Et il ne manquait jamais, avec un sourire, d'appeler Montesquieu, quand il parlait de lui: ?Monsieur le Président Secondat de Montesquieu.? Un homme du monde spirituel e?t été agacé de ce pédantisme, qui sent l'école. Mais, dans les parfaites manières de l'homme du monde, en parlant d'un prince, il y a un pédantisme aussi qui trahit une autre caste, celle où l'on fait précéder le nom Guillaume de ?l'Empereur? et où l'on parle à la troisième personne à une Altesse. ?Ah! celui-là, reprit Brichot, en parlant de ?Monsieur le prince de Talleyrand?, il faut le saluer chapeau bas. C'est un ancêtre.--C'est un milieu charmant, me dit Cottard, vous trouverez un peu de tout, car Mme Verdurin n'est pas exclusive: des savants illustres comme Brichot de la haute noblesse comme, par exemple, la princesse Sherbatoff, une grande dame russe, amie de la grande-duchesse Eudoxie qui même la voit seule aux heures où personne n'est admis.? En effet, la grande-duchesse Eudoxie, ne se souciant pas que la princesse Sherbatoff, qui depuis longtemps n'était plus re?ue par personne, v?nt chez elle quand elle e?t pu y avoir du monde, ne la laissait venir que de très bonne heure, quand l'Altesse n'avait auprès d'elle aucun des amis à qui il e?t été aussi désagréable de rencontrer la princesse que cela e?t été gênant pour celle-ci. Comme depuis trois ans, aussit?t après avoir quitté, comme une manucure, la grande-duchesse, Mme Sherbatoff partait chez Mme Verdurin, qui venait seulement de s'éveiller, et ne la quittait plus, on peut dire que la fidélité de la princesse passait infiniment celle même de Brichot, si assidu pourtant à ces mercredis, où il avait le plaisir de se croire, à Paris, une sorte de Chateaubriand à l'Abbaye-aux-Bois et où, à la campagne, il se faisait l'effet de devenir l'équivalent de ce que pouvait être chez Mme du Chatelet celui qu'il nommait toujours (avec une malice et une satisfaction de lettré): ?M. de Voltaire.?
Son absence de relations avait permis à la princesse Sherbatoff de montrer, depuis quelques années, aux Verdurin une fidélité qui faisait d'elle plus qu'une ?fidèle? ordinaire, la fidèle type, l'idéal que Mme Verdurin avait longtemps cru inaccessible et, qu'arrivée au retour d'age, elle trouvait enfin incarné en cette nouvelle recrue féminine. De quelque jalousie qu'en e?t été torturée la Patronne, il était sans exemple que les plus assidus de ses fidèles ne l'eussent ?lachée? une fois. Les plus casaniers se laissaient tenter par un voyage; les plus continents avaient eu une bonne fortune; les plus robustes pouvaient attraper la grippe, les plus oisifs être pris par leurs vingt-huit jours, les plus indifférents aller fermer les yeux à leur mère mourante. Et c'était en vain que Mme Verdurin leur disait alors, comme l'impératrice romaine, qu'elle était le seul général à qui d?t obéir sa légion, comme le Christ ou le Kaiser, que celui qui aimait son père et sa mère autant qu'elle et n'était pas prêt à les quitter pour la suivre n'était pas digne d'elle, qu'au lieu de s'affaiblir au lit ou de se laisser berner par une grue, ils feraient mieux de rester près d'elle, elle, seul remède et seule volupté. Mais la destinée, qui se pla?t parfois à embellir la fin des existences qui se prolongent tard, avait fait rencontrer à Mme Verdurin la princesse Sherbatoff. Brouillée avec sa famille, exilée de son pays, ne connaissant plus que la baronne Putbus et la grande-duchesse Eudoxie, chez lesquelles, parce qu'elle n'avait pas envie de rencontrer les amies de la première, et parce que la seconde n'avait pas envie que ses amies rencontrassent la princesse, elle n'allait qu'aux heures matinales où Mme Verdurin dormait encore, ne se souvenant pas d'avoir gardé la chambre une seule fois depuis l'age de douze ans, où elle avait eu la rougeole, ayant répondu, le 31 décembre, à Mme Verdurin qui, inquiète d'être seule, lui avait demandé si elle
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