Simon | Page 4

George Sand
discours. Il lui avait tout au plus appris �� lire; mais il lui avait enseign�� par toutes les actions, par toutes les pens��es, par toutes les paroles de sa vie, le v��ritable esprit du christianisme. Cet esprit de religion, si effac��, si corrompu, si perverti; si souill�� par ses ministres, depuis le fondateur jusqu'�� nos jours, semble heureusement, de temps �� autre, se r��veiller, avec sa puret�� sans tache et sa simplicit�� antique, dans quelques ames d'��lite qui le font encore comprendre et go?ter autour d'elles. L'abb�� F��line, et par suite sa soeur Jeanne, ��taient de ces nobles ames, les seules et les vraies ames apostoliques, dont l'apparition a toujours ��t�� rare, quelque nombreux que fussent les ministres et les adeptes du culte. Il y en a beaucoup d'appel��s, mais peu d'��lus, a dit le Christ. Beaucoup prennent le thyrse, a dit Platon, mais peu sont inspir��s par le dieu.
Malheureusement, cet enthousiasme de la foi et cette simplicit�� de coeur qui font l'homme pieux sont presque impossibles �� conserver dans le contact de notre civilisation investigatrice. Le jeune Simon subit la fatalit�� attach��e �� notre ��poque; il ne put pas ��clairer son esprit sans perdre le tr��sor de son enfance, la conviction. Cependant il demeura aussi attach�� �� la foi catholique qu'il est possible de l'��tre �� un homme de ce monde. Le souvenir des vertus de son oncle, le spectacle de la sainte vieillesse de sa m��re, lui rest��rent sous les yeux comme un monument sacr�� devant lequel il devait passer toute sa vie en s'inclinant et sans oser porter ostensiblement un regard d'examen profane dans le sanctuaire. Il eut donc soin de cacher �� Jeanne les ravages que l'esprit de raisonnement et le scepticisme avaient faits en lui. Chaque fois que les vacances lui permettaient de revenir passer l'automne aupr��s d'elle, il veillait attentivement �� ce que rien ne trah?t la situation de son esprit. Il lui fut facile d'agir ainsi sans hypocrisie et sans effort. Il trouvait chez cette v��n��rable femme une haute sagesse et une po��tique na?vet��, qui ne permettaient jamais �� l'ennui ou au d��dain de condamner ou de critiquer le moindre de ses actes. D'ailleurs, un profond sentiment d'amour unissait ces ames form��es de la m��me essence, et jamais rien de ce qui remplissait l'une ne pouvait fatiguer ni blesser l'autre.
Dans leur ignorance des besoins de la civilisation, Jeanne et Simon s'��taient crus assez riches pour vivre l'un et l'autre avec les douze cents livres de rente l��gu��es par le cur��; la moiti�� de ce m��me revenu avait suffi �� la premi��re ��ducation du jeune homme, l'autre avait procur�� une douce aisance �� la sobre et rustique existence de Jeanne; mais Simon, qui d��sirait vivement aller ��tudier �� Paris, et qui d��j�� se trouvait endett�� �� Poitiers apr��s deux ans de s��jour, ��prouva de grandes perplexit��s. Il lui ��tait odieux de penser �� abandonner son entreprise et de retomber dans l'ignorance du paysan. Il lui ��tait plus odieux encore de retrancher �� sa m��re l'humble bien-��tre qu'il e?t voulu doubler au prix de sa vie. Il songea s��rieusement �� se br?ler la cervelle; son caract��re avait trop de force pour communiquer sa douleur; F��line l'ignora, mais elle s'effraya de voir la sombre m��lancolie qui envahissait cette jeune ame, et qui, d��s cette ��poque, y laissa les traces ineffa?ables d'une rude et profonde souffrance.
Heureusement dans cette d��tresse le ciel envoya un ami �� Simon: ce fut son parrain, le voisin Parquet, un des meilleurs hommes que cette province ait poss��d��s. Parquet ��tait natif du village de Foug��res, et, bien que sa charge l'e?t ��tabli �� la ville dans une maison confortable achet��e de ses deniers, il aimait �� venir passer les trois jours de la semaine dont il pouvait disposer dans la maisonnette de ses anc��tres, tous procureurs de p��re en fils, tous bons vivants, laborieux, et s'��tant, �� ce qu'il semblait, fait une r��gle h��r��ditaire de gagner beaucoup, afin de beaucoup d��penser sans ruiner leurs enfants. N��anmoins, ma?tre Simon Parquet, apr��s avoir montr�� beaucoup de penchant �� la prodigalit�� dans sa jeunesse, ��tait devenu assez rang�� dans son age m?r pour amasser une jolie fortune. Ce miracle s'��tait op��r��, disait-on, par l'amour qu'il portait �� sa fille ch��rie, qu'il voulait voir avantageusement ��tablie. Le fait est que la parcimonie de sa femme lui avait fait autrefois aimer le d��sordre, par esprit de contradiction; mais aussit?t que la dame fut morte, Parquet go?ta beaucoup moins de plaisir en mangeant le fruit qui n'��tait plus d��fendu, et trouva dans ses ressources assez de temps et d'argent pour bien profiter et pour bien user de la vie; il demeura g��n��reux et devint sage. Sa fille ��tait agr��able sans ��tre jolie, sens��e plus que spirituelle, douce, laborieuse, pleine d'ordre pour sa maison, de soin pour son p��re et
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