mutuellement, croyons-nous gens de bien ; Je risque plus du mien que tu ne fais du tien. Accepte sans fa?on le parti qu'on propose.
- la femme de Sganarelle -
Soit. Mais gare le bois si j'apprends quelque chose !
- Célie -
(à Lélie, après avoir parlé bas ensemble.)
Ah ! dieux ! s'il est ainsi, qu'est-ce donc que j'ai fait ? Je dois de mon courroux appréhender l'effet. Oui, vous croyant sans foi, j'ai pris pour ma vengeance Le malheureux secours de mon obéissance ; Et depuis un moment, mon coeur vient d'accepter Un hymen que toujours j'eus lieu de rebuter. J'ai promis à mon père ; et ce qui me désole... Mais je le vois venir.
- Lélie -
Il me tiendra parole.
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SCèNE XXIII. - Gorgibus, Célie, Lélie, Sganarelle, la femme de Sganarelle, la suivante de Célie.
- Lélie -
Monsieur, vous me voyez en ces lieux de retour, Br?lant des mêmes feux ; et mon ardent amour Verra, comme je crois, la promesse accomplie Qui me donna l'espoir de l'hymen de Célie.
- Gorgibus -
Monsieur, que je revois en ces lieux de retour, Br?lant des mêmes feux, et dont l'ardente amour Verra, que vous croyez, la promesse accomplie Qui vous donne l'espoir de l'hymen de Célie, Très humble serviteur à Votre seigneurie.
- Lélie -
Quoi ? Monsieur, est-ce ainsi qu'on trahit mon espoir ?
- Gorgibus -
Oui, Monsieur, c'est ainsi que je fais mon devoir : Ma fille en suit les lois.
- Célie -
Mon devoir m'intéresse, Mon père, à dégager vers lui votre promesse.
- Gorgibus -
Est-ce répondre en fille à mes commandements ? Tu te démens bient?t de tes bons sentiments. Pour Valère tant?t... Mais j'aper?ois son père : Il vient assurément pour conclure l'affaire.
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SCèNE XXIV. - Villebrequin, Gorgibus, Célie, Lélie, Sganarelle, la femme de Sganarelle, la suivante de Célie.
- Gorgibus -
Qui vous amène ici, seigneur Villebrequin ?
- Villebrequin -
Un secret important, que j'ai su ce matin, Qui rompt absolument ma parole donnée. Mon fils, dont votre fille acceptait l'hyménée, Sous des liens cachés trompant les yeux de tous, Vit depuis quatre mois avec Lise en époux, Et, comme des parents le bien et la naissance M'?tent tout le pouvoir d'en casser l'alliance, Je vous viens...
- Gorgibus -
Brisons là. Si, sans votre congé, Valère votre fils ailleurs s'est engagé, Je ne vous puis celer que ma fille Célie Dès longtemps par moi-même est promise à Lélie ; Et que, riche en vertus, son retour aujourd'hui M'empêche d'agréer un autre époux que lui.
- Villebrequin -
Un tel choix me pla?t fort.
- Lélie -
Et cette juste envie D'un bonheur éternel va couronner ma vie.
- Gorgibus -
Allons choisir le jour pour se donner la foi.
- Sganarelle -
(seul.)
A-t-on mieux cru jamais être cocu que moi ! Vous voyez qu'en ce fait la plus forte apparence Peut jeter dans l'esprit une fausse créance. De cet exemple-ci ressouvenez-vous bien ; Et, quand vous verriez tout, ne croyez jamais rien.
FIN DE SGANARELLE.
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Notes [from 1890 edition]
----------- (0) Ce personnage comique est une création de Molière, et le nom de Sganarelle est resté au caractère qu'il représente : on disait les "Sganarelles", comme on avait dit les "Jodelets", les "Gros-Renés", etc. ----------- (1) "Clélie", roman de mademoiselle de Scudéry. ----------- (2) Ces deux ouvrages tenaient autrefois dans l'éducation de la jeunesse la même place que les fables de la Fontaine y tiennent aujourd'hui. ----------- (3) Livre de dévotion, par Louis de Grenade, dominicain espagnol, mort en 1588. (B.) ----------- (4) "Si ferai bien, je meure". Ce qui veut dire "Oui, assurément je le ferai bien". "Si" est un vieux mot que Molière emploie assez souvent, et qu'on trouve même dans le "Tartufe". Nicot, dans son "Trésor de la langue fran?oise", dit qu'il sert à renforcer le verbe qui le suit. ----------- (5) Nicot fait venir ce mot de l'espagnol "truhant", un "bateleur", un "plaisanteur", un vagabond, et par induction, "canaille", "belistre", "méchanceté", "malice". ----------- (6) "Marri" est un vieux mot ; il signifie "faché", "chagrin". Le piquant jeu de mots auquel il donne lieu ici est devenu proverbe parmi tous les confrères de Sganarelle. (Lem.) Ce mot vient du latin barbare "marritio", que Vossius interprète "douleur", "ressentiment d'un affront re?u". ----------- (7) "Prendre la chèvre", pour "imiter la chèvre", animal vif, impatient ; se facher de rien, prendre tout au pied de la lettre. C'est le propre des esprits bourrus. Nous disons aujourd'hui "prendre la mouche" à peu près dans le même sens. ----------- (8) "Avoir des visions cornues", c'est-à-dire, "avoir des idées chimériques", "folles", "ridicules". ----------- (9) "Jocrisse", mot populaire qui renferme toute la peinture d'un individu. Un jocrisse est en même temps sot, avare, laid, et poltron. C'est un homme qui ferme les yeux sue les désordres de sa femme, et s'abaisse aux plus petits détails du ménage. ----------- (10) "Ce n'est pas pour des prunes". Proverbialement, ce n'est pas pour peu de chose. ----------- (11)
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