font la sottise, et nous sommes les sots. C'est un vilain abus, et les gens de police Nous devraient bien régler une telle injustice. N'avons-nous pas assez des autres accidents Qui nous viennent happer en dépit de nos dents ? Les querelles, procès, faim, soif et maladie, Troublent-ils pas assez le repos de la vie, Sans s'aller de surcro?t aviser sottement De se faire un chagrin qui n'a nul fondement ? Moquons-nous de cela, méprisons les alarmes, Et mettons sous nos pieds les soupirs et les larmes. Si ma femme a failli, qu'elle pleure bien fort ; Mais pourquoi, moi, pleurer, puisque je n'ai point tort ? En tout cas, ce qui peut m'?ter ma facherie, C'est que je ne suis pas seul de ma confrérie. Voir cajoler sa femme, et n'en témoigner rien, Se pratique aujourd'hui par force gens de bien. N'allons donc point chercher à faire une querelle Pour un affront qui n'est que pure bagatelle. L'on m'appellera sot, de ne me venger pas : Mais je le serais fort, de courir au trépas.
(Mettant la main sur sa poitrine.)
Je me sens là pourtant remuer une bile Qui veut me conseiller quelque action virile. Oui, le courroux me prend ; c'est trop être poltron : Je veux résolument me venger du larron. Déjà, pour commencer, dans l'ardeur qui m'enflamme, Je vais dire partout qu'il couche avec ma femme.
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SCèNE XVIII. - Gorgibus, Célie, la suivante de Célie.
- Célie -
Oui, je veux bien subir une si juste loi, Mon père, disposez de mes voeux et de moi ; Faites, quand vous voudrez, signer cet hyménée : à suivre mon devoir je suis déterminée ; Je prétends gourmander mes propres sentiments, Et me soumettre en tout à vos commandements.
- Gorgibus -
Ah ! voilà qui me pla?t, de parler de la sorte. Parbleu, si grande joie à l'heure me transporte, Que mes jambes sur l'heure en caprioleraient (11), Si nous n'étions point vus de gens qui s'en riraient ! Approche-toi de moi, viens ?à ; que je t'embrasse. Une telle action n'a pas mauvaise grace ; Un père, quand il veut, peut sa fille baiser, Sans que l'on ait sujet de s'en scandaliser. Va, le contentement de te voir si bien née Me fera rajeunir de dix fois une année.
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SCèNE XIX. - Célie, la suivante de Célie.
- La suivante -
Ce changement m'étonne.
- Célie -
Et lorsque tu sauras Par quel motif j'agis, tu m'en estimeras.
- La suivante -
Cela pourrait bien être.
- Célie -
Apprends donc que Lélie A pu blesser mon coeur par une perfidie ; Qu'il était en ces lieux sans...
- La suivante -
Mais il vient à nous.
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SCèNE XX. - Lélie, Célie, la suivante de Célie.
- Lélie -
Avant que pour jamais je m'éloigne de vous, Je veux vous reprocher au moins en cette place...
- Célie -
Quoi ! me parler encore ! avez-vous cette audace ?
- Lélie -
Il est vrai qu'elle est grande ; et votre choix est tel, Qu'à vous rien reprocher je serais criminel. Vivez, vivez contente, et bravez ma mémoire, Avec le digne époux qui vous comble de gloire.
- Célie -
Oui, tra?tre, j'y veux vivre ; et mon plus grand désir, Ce serait que ton coeur en e?t du déplaisir.
- Lélie -
Qui rend donc contre moi ce courroux légitime ?
- Célie -
Quoi ? tu fais le surpris, et demandes ton crime ?
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SCèNE XXI. - Célie, Lélie, Sganarelle, armé de pied en cap ; la suivante de Célie.
- Sganarelle -
Guerre ! guerre mortelle à ce larron d'honneur Qui, sans miséricorde, a souillé notre honneur !
- Célie -
(à Lélie, lui montrant Sganarelle.)
Tourne, tourne les yeux, sans me faire répondre.
- Lélie -
Ah ! je vois...
- Célie -
Cet objet suffit pour te confondre.
- Lélie -
Mais pour vous obliger bien plut?t à rougir.
- Sganarelle -
(à part.)
Ma colère à présent est en état d'agir ; Dessus ses grands chevaux est monté mon courage (12), Et si je le rencontre, on verra du carnage. Oui, j'ai juré sa mort ; rien ne peut l'empêcher. Où je le trouverai, je le veux dépêcher.
(Tirant son épée à demi, il approche de Lélie.)
Au beau milieu du coeur il faut que je lui donne...
- Lélie -
(se retournant.)
A qui donc en veut-on ?
- Sganarelle -
Je n'en veux à personne.
- Lélie -
Pourquoi ces armes-là ?
- Sganarelle -
C'est un habillement Que j'ai pris pour la pluie.
(à part.)
Ah ! quel contentement J'aurais à le tuer ! Prenons-en le courage.
- Lélie -
(se retournant encore.)
Hai ?
- Sganarelle -
Je ne parle pas.
(A part, après s'être donné des soufflets pour s'exciter.)
Ah ! poltron, dont j'enrage, Lache, vrai coeur de poule !
- Célie -
(à Lélie.)
Il t'en doit dire assez, Cet objet dont tes yeux nous paraissent blessés.
- Lélie -
Oui, je connais par là que vous êtes coupable De l'infidélité la plus inexcusable Qui jamais d'un amant puisse outrager la foi.
- Sganarelle -
(à part.)
Que n'ai-je un peu de coeur !
- Célie -
Ah !
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