Scènes de la vie de jeunesse
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Title: Scènes de la vie de jeunesse Nouvelles
Author: Henry Murger
Release Date: June 8, 2006 [EBook #18537]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DE LA VIE DE JEUNESSE ***
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Henry Murger
SCÈNES DE LA VIE DE JEUNESSE
Nouvelles
(1851)
Table des matières
Le souper des funérailles. I. II. III. IV. La maîtresse aux mains rouges.
Le bonhomme Jadis. Les amours d'Olivier. I. II. III. IV. V. VI. Un
poète de gouttières. Le manchon de Francine. I. II.
Le souper des funérailles
I
C'était sous le dernier règne. Au sortir du bal de l'opéra, dans un salon
du café de Foy, venaient d'entrer quatre jeunes gens accompagnés de
quatre femmes vêtues de magnifiques dominos. Les hommes portaient
de ces noms qui, prononcés dans un lieu public ou dans un salon du
monde, font relever toutes les têtes. Ils s'appelaient le comte de
Chabannes-Malaurie, le comte de Puyrassieux, le marquis de Sylvers,
et Tristan-Tristan tout court. Tous quatre étaient jeunes, riches, menant
une belle vie semée d'aventures dont le récit défrayait
hebdomadairement les Courriers de Paris, et n'avaient à peu près
d'autre profession que d'être heureux ou de le paraître. Quant aux
femmes, qui étaient presque jeunes, elles n'avaient d'autre profession
que d'être belles, et elles faisaient laborieusement leur métier.
La carte, commandée d'avance, aurait reçu l'approbation de tous les
maîtres de la gourmandise.
En entrant dans le salon, les quatre femmes s'étaient démasquées.
C'étaient à vrai dire de magnifiques créatures, formant un quatuor qui
semblait chanter la symphonie de la forme et de la grâce.
--Avant de nous mettre à table, messieurs, dit Tristan, permettez-moi de
faire dresser un couvert de plus.
--Vous attendez une femme? dirent les jeunes gens.
--Un homme? reprirent les femmes.
--J'attends ici un de mes amis qui fut de son vivant un charmant jeune
homme, dit Tristan.
--Comment? de son vivant! exclama M. de Puyrassieux.
--Que voulez-vous dire? ajouta M. de Sylvers.
--Je veux dire que mon ami est mort.
--Mort? firent en choeur les trois hommes.
--Mort? reprirent les femmes en dressant la tête.
--Quel conte de fées!
--Mort et enterré, messieurs.
--Comme Marlboroug?
--Absolument.
--Ah çà, mais que signifie cela? vous êtes hiéroglyphique comme une
inscription louqsorienne, ce soir, mon cher Tristan, dit le comte de
Chabannes.
--Écoutez, messieurs, répliqua Tristan. La personne que j'attends ne
viendra pas avant une heure; j'aurai donc le temps de vous conter
l'aventure, qui est assez curieuse, et qui vous intéressera d'autant plus
que vous allez en voir le héros tout à l'heure.
--Une histoire! C'est charmant. Contez! contez! s'écria-t-on de toutes
parts, à l'exception d'une des femmes, qui était restée silencieuse depuis
son entrée.
--Avant de commencer, dit Tristan, je crois qu'il serait bon d'absorber le
premier service. Je fais cette proposition à cause de mon amour-propre
de narrateur. Vous savez le proverbe....
--Non! non! dit Chabannes, l'histoire.
--Si! si! mangeons, cria-t-on d'un autre côté.
--Aux voix!--L'histoire!--Le déjeuner!--L'histoire!
--Il n'y a qu'un moyen de sortir de là, dit Tristan; c'est de voter.
--Eh bien, votons.
--Que ceux qui sont d'avis d'écouter l'histoire veuillent bien se lever, dit
Tristan. Les trois hommes se levèrent.
--Très bien, fit Tristan; que ceux qui sont d'avis de déjeuner d'abord
veuillent bien se lever.
Trois des femmes se levèrent, et parurent fort étonnées de voir leur
compagne rester assise.
--Tiens, dit l'une d'elles, Fanny s'abstient.
--Pourquoi donc? dit une autre.
--Je n'ai pas faim, répondit Fanny.
--Eh bien, il fallait voter pour l'histoire, alors.
--Je ne suis pas curieuse, murmura Fanny avec indifférence.
--En attendant, reprit Tristan, l'épreuve n'a pas de résultat, et nous voilà
aussi embarrassés qu'auparavant. Pour sortir de là et pour contenter tout
le monde, je vais vous faire une proposition; c'est de raconter en
mangeant.
--Adopté! Adopté!
--D'abord, dit le comte de Chabannes, le nom de votre ami?
--Feu mon ami s'appelle Ulric-Stanislas de Rouvres.
--Ulric de Rouvres, dirent les convives, mais il est mort!
--Puisque je vous dis feu mon ami, répliqua tranquillement Tristan.
--Ah çà, demanda M. de Sylvers, ce n'était donc pas une plaisanterie, ce
que vous disiez?
--En aucune façon. Mais laissez-moi raconter maintenant, dit Tristan; et
il commença.
--En ce temps là,--il y a environ un an,--Ulric de Rouvres tomba
subitement dans une grande tristesse et résolut d'en finir avec la vie.
--Il y a un an, je me rappelle parfaitement, interrompit le
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