Sapho | Page 7

Alphonse Daudet
que Fanny la renvoya d��un mot: ?Laisse-nous Machaume... nous nous servirons...? Et comme la paysanne jetait la porte en s��en allant: ?N��y fais pas attention, elle m��en veut de trop t��aimer... Elle dit que je perds ma vie... ces gens de campagne, c��est si rapace!... Sa cuisine, par exemple, vaut mieux qu��elle... go?te-moi cette terrine de li��vre.?
Elle d��coupait le pat��, d��bouchait le champagne, oubliait de se servir pour le regarder manger, faisant �� chaque geste remonter jusqu���� l����paule les manches d��une gandoura d��Alger, de laine souple et blanche, qu��elle portait toujours �� la maison. Elle lui rappelait ainsi leur premi��re rencontre chez D��chelette; et serr��s sur le m��me fauteuil, mangeant dans la m��me assiette, ils parlaient de cette soir��e.
-- Oh! moi, disait-elle, d��s que je t��ai vu entrer, j��ai eu envie de toi... J��aurais voulu te prendre, t��emmener tout de suite, pour que les autres ne t��aient pas... Et toi, qu��est-ce que tu pensais, quand tu m��as vue?...
D��abord elle lui avait fait peur; puis il s����tait senti plein de confiance, en intimit�� compl��te avec elle.
-- Au fait, ajouta-t-il, je ne t��ai jamais demand��... Pourquoi t��es-tu fach��e?... Pour deux vers de La Gournerie?...
Elle eut le m��me froncement de sourcils qu��au bal, puis un geste de t��te:
-- Des b��tises!... n��en parlons plus...
Et les bras autour de lui:
--C��est que j��avais un peu peur, moi aussi... j��essayais de me sauver, de me reprendre... mais je n��ai pas pu, je ne pourrai jamais...
-- Oh! jamais.
-- Tu verras.
Il se contenta de r��pondre avec le sourire sceptique de son age, sans s��arr��ter �� l��accent passionn��, presque mena?ant, dont lui fut jet�� ce ?tu verras...?. Cette ��treinte de femme ��tait si douce, si soumise; il croyait fermement n��avoir qu��un geste �� faire pour se d��gager...
M��me �� quoi bon se d��gager?... Il ��tait si bien dans le dorlotement de cette chambre voluptueuse, si d��licieusement ��tourdi par cette haleine en caresse sur ses paupi��res qui battaient, lourdes de sommeil, pleines de visions fuyantes, bois rouill��s, pr��s, meules ruisselantes, toute leur journ��e d��amour �� la campagne...
Au matin, il fut r��veill�� en sursaut par la voix de Machaume criant au pied du lit, sans le moindre myst��re:
-- Il est l��... il veut vous parler...
-- Comment! il veut?... Je ne suis donc plus chez moi!... tu l��as donc laiss�� entrer...
Furieuse, elle bondit, s����chappa de la chambre, �� moiti�� nue, la batiste ouverte:
-- Ne bouge pas, m��ami... je reviens...
Mais il ne l��attendit pas et ne sentit tranquille que lorsqu��il fut lev�� �� son tour, et v��tu, ses pieds solides dans ses bottes.
Tout en ramassant ses v��tements dans la chambre herm��tiquement close o�� la veilleuse ��clairait encore le d��sordre du petit souper, il entendait le bruit d��un d��bat terrible ��touff�� par les tentures du salon. Une voix d��homme, irrit��e d��abord, puis implorante, dont les ��clats s����crasaient en sanglots, en larmoyantes faiblesses, alternait avec une autre voix qu��il ne reconnut pas tout de suite, dure et rauque, charg��e de haine et de mots ignobles arrivant jusqu���� lui comme d��une dispute de brasserie de filles.
Tout ce luxe amoureux en ��tait souill��, d��grad�� d��un ��claboussement de taches sur de la soie; et la femme salie aussi, au niveau d��autres qu��il avait m��pris��es auparavant.
Elle rentra haletante, tordant d��un beau geste sa chevelure r��pandue:
-- Est-ce b��te un homme qui pleure!...
Puis le voyant debout, habill��, elle eut un cri de rage:
-- Tu t��es lev��!... recouche-toi... tout de suite... Je le veux...
Subitement radoucie, et l��enla?ant du geste et de la voix:
-- Non, non... ne pars pas... tu ne peux pas t��en aller comme ?a... D��abord je suis s?re que tu ne reviendrais plus.
-- Mais si... Pourquoi donc?...
-- Jure que tu n��es pas fach��, que tu viendras encore... oh! c��est que je te connais.
Il jura ce qu��elle voulut, mais ne se recoucha pas malgr�� ses supplications et l��assurance r��it��r��e qu��elle ��tait chez elle, libre de sa vie, de ses actes. �� la fin elle sembla se r��signer �� le voir partir, et l��accompagna jusqu���� la porte, n��ayant plus rien de la faunesse en d��lire, bien humble au contraire, cherchant �� se faire pardonner.
Une longue et profonde caresse d��adieu les retint dans l��antichambre.
?Alors... quand?...? lui demandait-elle, les yeux tout au fond des yeux. Il allait r��pondre, mentir sans doute, dans sa hate d����tre dehors, quand un coup de sonnette l��arr��ta. Machaume sortit de sa cuisine, mais Fanny lui fit signe: ?Non... n��ouvre pas...? Et ils restaient l��, tous les trois, immobiles, sans parler.
On entendit une plainte ��touff��e, puis le froissement d��une lettre gliss��e sous la porte, et des pas qui descendaient lentement.
-- Quand je te disais que j����tais libre... tiens!...
Elle passa �� son amant la lettre qu��elle venait d��ouvrir, une pauvre lettre d��amour, bien basse, bien lache, crayonn��e en hate sur une table de caf�� et dans laquelle le malheureux demandait grace pour sa folie du matin, reconnaissait n��avoir aucun droit sur elle que
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