Rob-Roy | Page 9

Sir Walter Scott
en sûreté, soit dans leurs
personnes, soit dans leurs propriétés, s'ils ne lui payaient la taxe
considérable et dégradante du _black-mail _(taxe des voleurs). Il
agissait avec une telle audace qu'il commettait des vols, levait des

contributions et soutenait des querelles à la tête d'un corps de troupes
armées, en plein jour et à la face du gouvernement.
L'étendue et le succès de ces déprédations ne doivent pas paraître
surprenants lorsqu'on songe qu'elles avaient pour théâtre un pays où les
lois ne sont ni suivies ni respectées.
L'habitude générale de voler des bestiaux aveuglait jusqu'aux hommes
des classes les plus élevées sur l'infamie de cette coutume et comme les
propriétés consistaient principalement en troupeaux, ils devenaient de
plus en plus rares. M. Graham ajoute:
«Par cette raison, il n'y a aucune culture, aucune amélioration du
pâturage et, par la même cause, point de manufactures, enfin point de
commerce, point d'industrie. Les femmes sont extrêmement fécondes,
par conséquent la population nombreuse, et, dans l'état présent des
choses, il n'y a pas dans ce pays de l'ouvrage pour la moitié des
individus. Chaque village est rempli d'oisifs habitués aux armes et
paresseux en tout, excepté lorsqu'il s'agit de dérober le bien d'autrui.
Comme les _buddels _ou _aquavitae houses _(cabarets) se trouvent à
chaque pas, ils passent leur temps dans ces maisons et très souvent ils y
consomment les profits de leurs gains illicites. Là les lois n'ont jamais
été exécutées ni l'autorité des magistrats établie, là l'officier civil n'ose
point remplir ses devoirs et bien des villages sont à environ trente
milles de l'autorité légale. Enfin il n'y existe ni ordre, ni autorité, ni
gouvernement.
La rébellion de 1715 eut lieu peu de temps après que la célébrité de
Rob-Roy se fut établie et dès lors ses opinions jacobites se trouvèrent
en opposition avec la reconnaissance qu'il devait au duc d'Argyle pour
sa protection indirecte. Le désir de mêler le bruit de ses pas au tumulte
d'une guerre générale le porta à se joindre aux troupes du comte de Mar,
quoique son protecteur fût à la tête d'une armée opposée aux insurgés
des Hautes-Terres.
Les Mac-Gregors ou du moins un clan considérable d'entre eux et celui
de Ciar-Mohr n'étaient pas, dans cette occasion, commandés par
Rob-Roy, mais par son neveu dont nous avons déjà parlé, Gregor

Mac-Gregor, autrement dit James Grahame de Glengyle et dont on se
souvient mieux encore sous l'épithète gaélique de _Ghlune Dhu _ou
Genou Noir, à cause d'une tache noire qui se trouvait sur un de ses
genoux et que ses vêtements de montagnard laissaient voir. Il n'y a
aucun doute que Glengyle, alors très jeune, n'ait, dans le plus grand
nombre des cas, agi par les avis d'un chef aussi expérimenté que son
oncle.
Les Mac-Gregors, assemblés en grand nombre, commencèrent à
menacer les plaines vers l'extrémité la plus basse du loch Lomond. Ils
s'emparèrent à l'improviste de tous les bateaux qui étaient sur le lac et,
probablement pour quelque entreprise dans leur seul intérêt, les
conduisirent par terre à Inversnaid, afin d'arrêter la marche d'un corps
considérable de whigs des pays de l'ouest qui avaient pris les armes
pour le gouvernement et se dirigeaient de ce côté.
Les whigs firent une excursion pour recouvrer leurs bateaux: leurs
forces consistaient en volontaires de Paisley, Kilpatrick et autres lieux,
qui, avec l'assistance d'un corps de matelots, remontèrent la rivière
Leven dans de longs bateaux appartenant à un vaisseau de guerre alors
à l'ancre dans la Clyde. À Luss, ils furent rejoints par sir Humphry
Colquhoun et James Grant, son beau-fils, accompagnés de leur suite,
revêtus de l'habit montagnard de l'époque, lequel est décrit d'une
manière pittoresque. Les deux partis se rencontrèrent à Craig-Royston
mais les Mac-Gregors n'offrirent point le combat. Si nous devons en
croire les détails de l'expédition donnés par l'historien Rae, les whigs
sautèrent à terre avec la plus grande intrépidité; aucun ennemi ne se
présenta pour s'opposer à leur débarquement et par le bruit de leurs
tambours qui résonnaient constamment, par la décharge de leur
artillerie et autres armes à feu, ils terrifièrent les Mac-Gregors qui ne
sortirent de leurs retraites que pour regagner en désordre le camp
général des montagnards à Strath-Fillan. Les habitants des
Basses-Terres rentrèrent donc en possession des bateaux à grands frais
de bruit et de courage mais sans avoir couru de grands dangers.
Après cette absence momentanée de ses anciennes retraites, Rob-Roy
fut envoyé par le comte de Mar à Aberdeen pour soulever, à ce que l'on

croit, une partie du clan Gregor qui est établie dans ce pays. Ces
hommes, issus de sa propre famille (la race de Ciar- Mohr), étaient les
descendants d'environ trois cents Mac-Gregors que le comte de Murray,
vers l'an 1624, leva dans ses domaines du Monteith pour s'opposer à ses
ennemis les Mac-Intoshs, race aussi fière et
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 220
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.