Rimes familières

Camille Saint-Saëns
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Saint-Saëns
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Title: Rimes familières
Author: Camille Saint-Saëns
Release Date: December 2, 2006 [EBook #19992]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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FAMILIÈRES ***
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RIMES FAMILIÈRES
PAR
CAMILLE SAINT-SAËNS

PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
3, RUE AUBER, 3
1890
Droits de reproduction et de traduction réservés.

TABLE
PRÉLUDE
STROPHES
LA LIBELLULE
_MEA CULPA_
À M. JACQUES D***
À
MADAME PAULINE VIARDOT
_CAVE CANEM_
À M.
GABRIEL FAURÉ
LE CHÊNE
MODESTIE
À AUGUSTA
HOLMÈS
À LA MÊME
GNÔTI SEAUTON
À M. PIERRE
B***
À GRENADE
NE SOYONS PAS TROP DÉBONNAIRES

LES HEURES
_SÆVA MATER AMORUM_
ADAM ET
ÈVE
SONNETS
CHARLES GOUNOD
À M. HENRI SECOND
À M.
GEORGES AUDIGIER
À M. R. DE LA B***
CADIX
LE
FOUJI-YAMA
POÉSIES DIVERSES
ADIEU
EN ESPAGNE
LE JAPON
L'ARBRE
LA STATUE

_MORS_
LE PAYS MERVEILLEUX
BOTRIOCÉPHALE

PRÉLUDE
_À. M. L. J. C._
Te souviens-tu de la tonnelle
Où nous déjeunâmes si bien?
De
l'étincelante prunelle
De la servante, et de son chien?

De l'omelette savoureuse?
De notre langage indiscret?
De la route
au soleil poudreuse
Et des chênes de la forêt?
En déjeunant, la Poésie
Fut le thème de nos discours,
Et le goût de
cette ambroisie
À ma lèvre est resté toujours.
Pourquoi? je ne saurais le dire,
Mais c'est un fait; pour mon malheur,

Je souffre à présent le martyre
Qui s'attache au flanc du rimeur.
Je suis prisonnier de la Lyre;
Apollon s'est fait mon geôlier.
Si rien
ne calme ce délire
Je deviendrai fou à lier!
C'est toi, méchant petit gavroche,
Qui m'as fait ce cadeau fatal!
Ah!
que n'es-tu sur une roche
Resté dans ton pays natal
Où l'huile vierge mais épaisse,
L'ayoli prompt à revenir,
La
brandade et la bouillabaisse
Auraient bien dû te retenir!
Mais non! c'est trop d'ingratitude!
Pardonne à mon esprit pervers.

Entre nous, c'est la solitude
Qui m'a mis la tête à l'envers.
Tu ne seras pas responsable
Si mes vers me sont reprochés;
C'est
moi seul qui suis le coupable
Et je t'absous de mes péchés.
Ou plutôt je te remercie:
Tu m'as ouvert un coin des cieux.
Sache-le
bien: la Poésie
Est ce qui console le mieux.
STROPHES
LA LIBELLULE
Près de l'étang, sur la prêle
Vole, agaçant le désir,
La Libellule au
corps frêle
Qu'on voudrait en vain saisir.
Est-ce une chimère, un rêve
Que traverse un rayon d'or?
Tout à
coup elle fait trêve
À son lumineux essor.

Elle part, elle se pose,
Apparaît dans un éclair
Et fuit, dédaignant la
rose
Pour le lotus froid et clair.
À la fois puissante et libre,
Soeur du vent, fille du ciel,
Son aile
frissonne et vibre
Comme le luth d'Ariel.
Fugitive, transparente,
Faite d'azur et de nuit,
Elle semble une âme
errante
Sur l'eau qui dans l'ombre luit.
Radieuse elle se joue
Sur les lotus entr'ouverts,
Comme un baiser
sur la joue
De la Naïade aux yeux verts.
Que cherche-t-elle? une proie.
Sa devise est: cruauté.
Le carnage
met en joie
Son implacable beauté.
_MEA CULPA_
_Meâ culpâ!_ je m'accuse
De n'être point décadent.
Dans les fruits
trop verts, ma Muse
N'ose pas mettre la dent.
Les gambades périlleuses
Ne sont pas de mon ressort:
Ces gaîtés
sont dangereuses
Pour qui n'est pas assez fort.
La témérité m'enchante
Chez les jeunes imprudents;
Mais
tranquillement je chante,
Laissant passer les ardents.
Ils vont, rompant tous les câbles,
Franchissant tous les fossés,

Truffant d'étranges vocables
Les hémistiches cassés,
Et composent des salades
De couleurs avec des sons,
À faire
tomber malades
Les strophes et les chansons.
Du diable si je m'y frotte!
Tout ça n'est pas pour mon nez;
On
m'enverrait à la hotte
Avec les journaux mort-nés.
Je deviendrais vite aphone,
Si j'allais en étourdi
M'égosiller comme

un Faune
Fêtant son après-midi.
Laissons tous ces jeux d'adresse
À l'érudit, au savant.
Ce qui siérait
à l'Altesse
Ne vaut rien pour le manant.
À M. JACQUES D***
Jeune homme heureux à qui tout sourit dans la vie,
Garde bien ton bonheur!
Tu n'as jamais
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