䃠Quatrevingt-Treize
The Project Gutenberg EBook of Quatrevingt-Treize, by Victor Hugo #14 in our series by Victor Hugo
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Title: Quatrevingt-Treize
Author: Victor Hugo
Release Date: January, 2006 [EBook #9645] [Yes, we are more than one year ahead of schedule] [This file was first posted on October 13, 2003]
Edition: 10
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK QUATREVINGT-TREIZE ***
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VICTOR HUGO
QUATREVINGT-TREIZE
PREMIèRE PARTIE
EN MER
LIVRE PREMIER
LE BOIS DE LA SAUDRAIE
Dans les derniers jours de mai 1793, un des bataillons parisiens amenés en Bretagne par Santerre fouillait le redoutable bois de la Saudraie en Astillé. On n'était pas plus de trois cents, car le bataillon était décimé par cette rude guerre. C'était l'époque où, après l'Argonne, Jemmapes et Valmy, du premier bataillon de Paris, qui était de six cents volontaires, il restait vingt-sept hommes, du deuxième trente-trois, et du troisième cinquante-sept. Temps des luttes épiques.
Les bataillons envoyés de Paris en Vendée comptaient neuf cent douze hommes. Chaque bataillon avait trois pièces de canon. Ils avaient été rapidement mis sur pied. Le 25 avril, Gohier étant ministre de la justice et Bouchotte étant ministre de la guerre, la section du Bon-Conseil avait proposé d'envoyer des bataillons de volontaires en Vendée; le membre de la commune Lubin avait fait le rapport; le 1er mai, Santerre était prêt à faire partir douze mille soldats, trente pièces de campagne et un bataillon de canonniers. Ces bataillons, faits si vite, furent si bien faits, qu'ils servent aujourd'hui de modèles; c'est d'après leur mode de composition qu'on forme les compagnies de ligne, ils ont changé l'ancienne proportion entre le nombre des soldats et le nombre des sous-officiers.
Le 28 avril, la commune de Paris avait donné aux volontaires de Santerre cette consigne: _Point de grace. Point de quartier_. A la fin de mai, sur les douze mille partis de Paris, huit mille étaient morts.
Le bataillon engagé dans le bois de la Sandraie se tenait sur ses gardes. On ne se hatait point. On regardait à la fois à droite et à gauche, devant soi et derrière soi; Kléber a dit: Le soldat a un oeil dans le dos. Il y avait longtemps qu'on marchait. Quelle heure pouvait-il être? à quel moment Du jour en était-on? Il e?t été difficile de le dire, car il y a toujours une sorte de soir dans de si sauvages halliers, et il ne fait jamais clair dans ce bois-là.
Le bois de la Saudraie était tragique. C'était dans ce taillis que, dès le mois de novembre 1792, la guerre civile avait commencé ses crimes; Mousqueton, le boiteux féroce, était sorti de ces épaisseurs funestes; la quantité de meurtres gui s'étaient commis là faisait dresser les cheveux. Pas de lieu plus épouvantable. Les soldats s'y enfon?aient avec précaution. Tout était plein de fleurs; on avait autour de soi une tremblante muraille de branches d'où tombait la charmante fra?cheur des feuilles; des rayons de soleil trouaient ?à et là ces ténèbres vertes; à terre, le gla?eul, la flambe des marais, le narcisse des prés, la gênotte. Cette petite fleur qui annonce le beau temps, le safran printanier, brodaient et passementaient un profond tapis de végétation où fourmillaient toutes les formes de la mousse, depuis celle qui ressemble à la chenille jusqu'à celle qui ressemble à l'étoile. Les soldats avan?aient pas à pas, en silence, en écartant doucement les broussailles. Les oiseaux gazouillaient au-dessus des bayonnettes.
La Saudraie était un de ces halliers où jadis, dans les temps paisibles, on avait fait la Houiche-ba, qui est la chasse aux oiseaux pendant la nuit; maintenant on y faisait la chasse aux hommes.
Le taillis était tout de bouleaux, de hêtres et de chênes; le sol plat; la mousse et l'herbe épaisse amortissaient le bruit, des hommes en marche; aucun sentier, ou des sentiers tout de suite perdus; des houx, des prunelliers sauvages, des fougères, des haies d'arrête-boeuf, de hautes ronces; impossibilité de voir un homme à dix pas. Par instants passait dans le branchage un héron ou une poule
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