?Port-Tarascon
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Title: Port-Tarascon Dernières aventures de l'illustre Tartarin
Author: Alphonse Daudet
Release Date: April 17, 2005 [EBook #15645]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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Alphonse Daudet
PORT-TARASCON
DERNIèRES AVENTURES DE L'ILLUSTRE TARTARIN
(1890)
Table des matières
LIVRE PREMIER Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII LIVRE DEUXIèME Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V LIVRE TROISIèME Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI
à LéON ALLARD
Au subtil et profond romancier Des Fictions et des Vies Muettes Son frère et son ami Alphonse Daudet Offre ce livre d'humour
C'était septembre, et c'était la Provence, à une rentrée de vendange, il y a cinq ou six ans.
Du grand break attelé de deux camarguais qui nous emportait à toute bride, le poète Mistral, l'a?né de mes fils et moi, vers la gare de Tarascon et le train rapide du P.-L.-M., elle nous semblait divine cette fin de jour d'une paleur ardente, un jour mat, épuisé, fiévreux, passionné comme un beau visage de femme de là-bas.
Pas un souffle d'air malgré le train de notre course. Les roseaux d'Espagne à longues feuilles rubanées, droits et rigides au bord du chemin; et par toutes ces routes de campagne, d'un blanc de neige, d'un blanc de rêve, où la poussière craquait immobile sous les roues, un lent défilé de charrettes chargées de raisins noirs, rien que des noirs, -- gar?ons et filles venant derrière, muets et graves, tous grands, bien découplés, la jambe longue et les yeux noirs.
Grappes d'yeux noirs, et de raisins noirs, on ne voyait que cela dans les cuves, sous le feutre à bords rabattus des vendangeurs, sous le fichu de tête dont les femmes gardaient les pointes entre les dentes serrées.
Quelquefois, à l'angle d'un champ, une croix se dressait dans le blanc du ciel, ayant à chacun de ses bras une lourde grappe noire, pendue en ex-voto.
?Vé!... (vois!)? me jetait Mistral avec un geste attendri, un sourire de fierté presque maternelle devant les manifestations ingénument pa?ennes de sont peuple de Provence, puis il reprenait son récit, quelque beau conte parfumé et doré des bords du Rh?ne, comme le Goethe proven?al en sème à la volée, de ses deux mains toujours ouvertes, dont l'une est poésie et l'autre réalité.
? miracle des mots, magique concordance de l'heure, du décor et de la fière légende paysanne que le poète déroulait pour nous tout le long de l'étroit chemin, entre les champs d'oliviers et de vignes!... Qu'on était bien, que la vie m'était blanche et légère!
Tout à coup mes yeux se voilèrent, une angoisse m'étreignit le coeur. ?Père, comme tu es pale!? me dit mon fils, et j'eus à peine la force de murmurer, en lui montrant le chateau du roi René, dont les quatre tours me regardaient venir du fond de la plaine: ?Voilà Tarascon!?
C'est que nous avions un terrible compte à régler, les tarasconnais et moi. Je les savais très montés, me gardant rancune noire de mes plaisanteries sur leur ville et sur son grand homme, l'illustre, le délicieux Tartarin. Des lettres, des menaces anonymes m'avaient souvent averti: ?Si tu passes jamais par Tarascon, gare!? D'autres brandissaient sur ma tête la vengeance du héros: ?Tremblez! le vieux lion a encore bec et ongles!?
Un lion à bec, diable!
Plus grave encore: Je tenais d'un commandant de gendarmerie de la région qu'un commis-voyageur parisien ayant, par une homonymie facheuse ou simple fumisterie, signé ?Alphonse Daudet? sur le registre de l'h?tel, s'était vu brutalement assailli à la porte d'un café et menacé d'un plongeon dans le Rh?ne, selon les traditions locales:
_Dé brin o dé bran_ Cabussaran Dou fenestroun De Taracoun _Dedins lou Rose__[1]_
C'était un vieux couplet de 93, qui se chante encore là-bas, souligné de sinistres commentaires sur le drame dont les tours du roi René furent témoins à cette époque.
Or, comme il ne me plaisait guère de piquer une tête du fenestron de Tarascon, j'avais toujours évité dans mes voyages du Midi de passer par cette bonne ville. Et voilà que cette fois un mauvais sort, le désir d'aller embrasser mon cher Mistral, l'impossibilité de prendre le ?Rapide? ailleurs que là, me jetaient dans la gueule du lion à bec.
Encore si je n'avais eu que Tartarin; une rencontre d'homme à homme, un duel à la flèche empoisonnée sous les arbres du tour-de- ville n'était pas pour me faire peur. Mais la colère d'un peuple, et le Rh?ne, ce vaste Rh?ne!...
Ah! je vous réponds que
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