ce que j'avance sont innombrables. Hier soir, j'ai longuement parlé de lui à des amis qui le connaissaient depuis le jour de son arrivée. Je n'ai pas bronché, mais mon opinion est bien arrêtée: dans quelques jours, je le rapatrierai en ayant soin de l'indemniser de la perte qu'il a subie en vendant sa mine; en son honneur je donnerai un banquet, une retraite aux flambeaux et une illumination dont les frais retomberont sur moi seul; on me traitera peut-être ?d'esbrouffeur?, mais cela m'est égal. Je suis très jeune, vous le savez bien, et c'est là mon excuse. Dans quelque temps on ne pourra plus me traiter en enfant.
* * * * *
Silver Gulch, 2 juillet.
Mère! Il est parti! Parti sans laisser aucun indice. Sa trace était refroidie à mon arrivée; je n'ai pu la retrouver. Je me lève aujourd'hui pour la première fois depuis cet événement. Mon Dieu! comme je voudrais avoir quelques années de plus pour mieux supporter les émotions. Tout le monde croit qu'il est parti pour l'Ouest; aussi vais-je me mettre en route ce soir; je gagnerai en voiture la gare la plus voisine à deux ou trois heures d'ici; je ne sais pas bien où je vais, mais je ne puis plus tenir en place; l'inaction en ce moment me met à la torture.
Bien entendu, il se cache sous un faux nom et un nouveau déguisement. Ceci me fait supposer que j'aurai peut-être à parcourir le monde entier pour le trouver! C'est du moins ce que je crois. Voyez-vous, mère! le Juif errant, en ce moment: c'est moi. Quelle ironie! Et dire que nous avions réservé ?ce r?le à un autre?!
Toutes ces difficultés seraient aplanies si je pouvais placarder une nouvelle affiche. Mais je me sens incapable de trouver dans mon cerveau un procédé qui n'effraye pas le pauvre fugitif. Ma tête est prête à éclater. J'avais songé à cette affiche:
?Si le Monsieur qui a dernièrement acheté une mine à Mexico et en a vendu une à Denver veut bien donner son adresse? (mais à qui la donner?) ?il lui sera expliqué comment il y a eu méprise à son sujet; on lui fera des excuses et on réparera le tort qui lui a été causé en l'indemnisant aussi largement que possible.?
Mais comprenez-vous la difficulté? Il croira à un piège; c'est tout naturel, d'ailleurs! Je pourrais encore écrire: ?Il est maintenant avéré que la personne recherchée n'est pas celle qu'on a trouvée; il existait une similitude de nom; mais il y a eu échange pour des raisons spéciales.? Cela pourrait-il aller? Je crains que les soup?ons des gens de Denver ne soient éveillés. Ils ne manqueront pas de dire en se rappelant les particularités de son départ: Pourquoi s'est-il enfui s'il n'était pas coupable? Si je ne réussis pas à le trouver, il sera perdu dans l'estime des gens de Denver qui le portent très haut. Vous qui avez plus d'expérience et d'imagination que moi, venez à mon aide, ma chère mère!
Je n'ai qu'une clef, une clef unique, je connais son écriture; s'il inscrit son nouveau nom sur un registre d'h?tel sans prendre le soin de la contrefaire très bien, je pourrai la reconna?tre, mais il faut pour cela que le hasard me fasse rencontrer le fugitif.
* * * * *
San-Francisco, 28 juin 1898.
Vous savez avec quel soin j'ai fouillé tous les états du Colorado au Pacifique, et comment j'ai failli toucher au but. Eh bien! je viens encore d'éprouver un nouvel échec et cela pas plus tard qu'hier. J'avais retrouvé dans la rue sa trace encore chaude qui me conduisit vers un h?tel de second ordre. Je me suis trompé; j'ai d? suivre le contre-pied; les chiens le font bien! Mais je ne possède malheureusement qu'une partie des instincts du chien, et souvent je me laisse induire en erreur par mes facultés d'homme. Il a quitté cet h?tel depuis dix jours, m'a-t-on dit. Je sais maintenant qu'il ne séjourne plus nulle part depuis les six ou huit derniers mois, qu'il est pris d'un grand besoin de mouvement et ne peut plus rester tranquille. Je partage ce sentiment et sais combien il est pénible! Il continue à porter le nom qu'il avait inscrit au moment où j'étais si près de le pincer, il y a neuf mois: ?James Walker?; c'est aussi celui qu'il avait adopté en fuyant Silver Gulch. Il ne fait pas d'effort d'imagination et a décidément peu de go?t pour les noms de fantaisie. Il m'a été facile de reconna?tre son écriture très légèrement déguisée.
On m'assure qu'il vient de partir en voyage sans laisser d'adresse et sans dire où il allait; qu'il a pris un air effaré lorsqu'on le questionnait sur ses projets; il n'avait, para?t-il, qu'une valise ordinaire pour tout bagage et il l'a emportée à la main. ?C'est un pauvre petit

Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.