et singulièrement grossier et
malhonnête.
Finance.--Le latin disait solvere pour payer. De ce verbe, l'ancien
français fit soudre avec le même sens. Pourquoi ce verbe, qui
satisfaisait au besoin de rendre une idée essentielle, ne devint-il pas
d'un usage commun, et laissa-t-il à la langue l'occasion de chercher à
détourner de leur acception effective des mots qui ne songeaient guère,
qu'on me permette de le dire, à leur nouvel office? C'est ce qui n'est pas
expliqué et rentre dans ce que j'appelle pathologie verbale. D'un côté,
l'imagination populaire se porta sur le verbe latin pacare, appaiser, pour
lui imposer le sens de payer; et, en effet, un payement est un
appaisement entre le créancier et le débiteur. En même temps,
l'ancienne langue prenait le verbe finer, qui signifie finir, et s'en servait
pour dire: payer une somme d'argent; en effet, effectuer un payement
c'est finir une affaire. Du participe présent de ce verbe finer,
aujourd'hui inusité, vient le substantif finance, qui avait aussi dans
l'ancienne langue le sens primitif de terminaison. En se détériorant de la
sorte, c'est-à-dire en prenant une acception très détournée, tout en
laissant tomber hors de l'usage l'acception naturelle, les mots
deviennent des signes purement algébriques qui ne rappellent plus à
l'esprit rien de concret et d'imagé. Si finance signifiant terminaison était
resté à côté de finance signifiant argent, on aurait été constamment
invité à se demander quel était le lien entre les deux idées; mais, l'un
étant effacé, l'autre n'est plus qu'un signe arbitraire pour tout autre que
l'étymologiste, qui fouille et interprète le passé des mots.
Flagorner.--Quelle que soit l'étymologie de ce mot, qui demeure
douteuse, le sens ancien (on n'a pas d'exemples au delà du quinzième
siècle) est bavarder, dire à l'oreille; puis ce sens se perd, et sans
transition, du moins je ne connais pas d'exemple du dix-septième siècle,
on voit au dix-huitième flagorner prendre l'acception qui est seule
usitée présentement. Quelle est la nuance qui a dirigé l'usage pour
infliger au verbe cette considérable perversion? Est-ce que,
inconsciemment, on a attribué par une sorte de pudeur linguistique, à la
flagornerie le soin de parler bas, de ne se faire entendre que de près et à
voix basse? Ou bien plutôt, est-ce que, la syllabe initiale fla étant
commune à flagorner et à flatter, l'usage, qui ne sait pas se défendre
contre ces sottes confusions, a cru à une communauté d'origine et de
sens?
Flatter.--Le latin avait blandiri, dont le vieux français fit blandir. Mais
les couches populaires n'étaient pas un milieu où tous les beaux mots
aient eu le droit ou la chance de pénétrer; et leur parler, qui fit si
souvent la loi, chercha un vocable qui fût plus à leur portée. Le
germanique flat ou flaz, qui signifie plat, avait passé dans les Gaules.
On en fit le verbe flatter, qui signifiait proprement rendre plat, puis alla
figurément au sens de caresser comme avec la main, et par suite de
flatter. C'est ainsi que l'on suppléa à blandiri, qui ne devint pas
populaire, et à adulari, qui n'a laissé dans la langue d'oïl aucune trace.
Adulateur ne se trouve que dans le quatorzième siècle et aduler dans le
quinzième. Ce sont des mots savants, forgés directement du latin; la
vieille langue en eût fait le substantif aülere, aüleor et le verbe aüler.
Franchir.--Personne de ceux qui emploient couramment ce verbe ne
songe au sens propre et ancien. Dans la langue des hauts temps, il n'a
que la signification de rendre franc, libre; et, s'il l'avait conservée
jusqu'à nous, on s'indignerait de l'audace du novateur qui l'emploierait
pour signifier: traverser franchement, résolument des obstacles. Ce
hardi néologisme s'est opéré au quinzième siècle; et, ce qu'il y a de
curieux, c'est qu'il a fait tomber en complète désuétude l'acception
légitime, et qu'il est resté seul en possession de l'usage. Dans l'opinion
commune, l'usage est un despote qui fait ce qu'il veut, sans autre règle
que son caprice; mais son caprice même ne peut se soustraire aux
conditions que chaque mot présente; et, quand on recherche ces
conditions, on trouve qu'il a obéi autant qu'il a commandé.
Fripon.--Fripon, au début de son emploi, signifia seulement gourmand,
aimant à manger: c'est au dix-septième siècle que le changement de
sens s'opère. Cependant friponner, qui veut dire bien manger,
commence au seizième siècle, dans Montaigne, à prendre le sens actuel
et moderne. Aujourd'hui le sens original est complètement oublié. Ici
encore l'acception néologique a tué l'acception primitive. Tout en
blâmant ces exécutions qui sacrifient complètement l'ancien au
nouveau, ce qui importe ici, c'est de concevoir par quelle déviation
l'usage a passé de l'un à l'autre. Le fripon (gourmand) est entaché d'un
défaut; de plus, il est fort enclin aux petits larcins pour satisfaire sa
gourmandise. C'est là que le néologisme a trouvé son point d'appui
pour faire

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