des eaux empoisonn��es, en compagnie des araign��es, des rats et des chats fam��liques, il songeait dans l'ombre. N'ayant rien mang�� de la journ��e et n'ayant plus pour se couvrir les sacs du marchand de marrons, il se rappela la semaine durant laquelle le gouvernement lui avait donn�� le vivre et le couvert. Il envia le sort des prisonniers, qui ne souffrent ni du froid ni de la faim, et il lui vint une id��e:
--Puisque je connais le truc, pourquoi que je ne m'en servirais pas?
Il se leva et sortit dans la rue. Il n'��tait gu��re plus de onze heures. Il faisait un temps aigre et noir. Une bruine tombait, plus froide et plus p��n��trante que la pluie. De rares passants se coulaient au ras des murs.
Crainquebille longea l'��glise Saint-Eustache et tourna dans la rue Montmartre. Elle ��tait d��serte. Un gardien de la paix se tenait plant�� sur le trottoir, au chevet de l'��glise, sous un bec de gaz, et l'on voyait, autour de la flamme, tomber une petite pluie rousse. L'agent la recevait sur son capuchon. Il avait l'air transi, mais soit qu'il pr��f��rat la lumi��re �� l'ombre, soit qu'il f?t las de marcher, il restait sous son cand��labre, et peut-��tre s'en faisait-il un compagnon, un ami. Cette flamme tremblante ��tait son seul entretien dans la nuit solitaire. Son immobilit�� ne paraissait pas tout �� fait humaine; le reflet de ses bottes sur le trottoir mouill��, qui semblait un lac, le prolongeait inf��rieurement et lui donnait de loin l'aspect d'un monstre amphibie, �� demi sorti des eaux. De plus pr��s, encapuchonn�� et arm��, il avait l'air monacal et militaire. Les gros traits de son visage, encore grossis par l'ombre du capuchon, ��taient paisibles et tristes. Il avait une moustache ��paisse, courte et grise. C'��tait un vieux sergot, un homme d'une quarantaine d'ann��es.
Crainquebille s'approcha doucement de lui et, d'une voix h��sitante et faible, lui dit:
--Mort aux vaches!
Puis il attendit l'effet de cette parole consacr��e. Mais elle ne fut suivie d'aucun effet. Le sergot resta immobile et muet, les bras crois��s sous son manteau court. Ses yeux, grands ouverts et qui luisaient dans l'ombre, regardaient Crainquebille avec tristesse, vigilance et m��pris.
Crainquebille ��tonn��, mais gardant encore un reste de r��solution, balbutia:
--Mort aux vaches! que je vous ai dit.
Il y eut un long silence durant lequel tombait la pluie fine et rousse et r��gnait l'ombre glaciale. Enfin le sergot parla:
--Ce n'est pas �� dire... Pour s?r et certain que ce n'est pas �� dire. A votre age on devrait avoir plus de connaissance... Passez votre chemin.
--Pourquoi que vous m'arr��tez pas? demanda Crainquebille.
Le sergot secoua la t��te sous son capuchon humide:
--S'il fallait empoigner tous les poivrots qui disent ce qui n'est pas �� dire, y en aurait de l'ouvrage!... Et de quoi que ?a servirait?
Crainquebille, accabl�� par ce d��dain magnanime, demeura longtemps stupide et muet, les pieds dans le ruisseau. Avant de partir, il essaya de s'expliquer:
--C'��tait pas pour vous que j'ai dit: ?Mort aux vaches!? C'��tait pas plus pour l'un que pour l'autre que je l'ai dit. C'��tait pour une id��e.
Le sergot r��pondit avec une aust��re douceur:
--Que ce soye pour une id��e ou pour autre chose, ce n'��tait pas �� dire, parce que quand un homme fait son devoir et qu'il endure bien des souffrances, on ne doit pas l'insulter par des paroles futiles... Je vous r��it��re de passer votre chemin.
Crainquebille, la t��te basse et les bras ballants, s'enfon?a sous la pluie dans l'ombre.
CLOPINEL
C'��tait le premier jour de l'an. Par les rues blondes d'une boue fra?che, entre deux averses, M. Bergeret et sa fille Pauline allaient porter leurs souhaits �� une tante maternelle qui vivait encore, mais pour elle seule et peu, et qui habitait dans la rue Rousselet un petit logis de b��guine, sur un potager, dans le son des cloches conventuelles. Pauline ��tait joyeuse sans raison et seulement parce que ces jours de f��te, qui marquent le cours du temps, lui rendaient plus sensibles les progr��s charmants de sa jeunesse.
M. Bergeret gardait, en ce jour solennel, son indulgence coutumi��re, n'attendant plus grand bien des hommes et de la vie, mais sachant, comme M. Fagon, qu'il faut beaucoup pardonner �� la nature. Le long des voies, les mendiants, dress��s comme des cand��labres ou ��tal��s comme des reposoirs, faisaient l'ornement de cette f��te sociale. Ils ��taient tous venus parer les quartiers bourgeois, nos pauvres, truands, cagoux, pi��tres et malingreux, callots et sabouleux, francs-mitoux, drilles, courtauts de boutanche. Mais, subissant l'effacement universel des caract��res et se conformant �� la m��diocrit�� g��n��rale des moeurs, ils n'��talaient pas, comme aux ages du grand Co?sre, des difformit��s horribles et des plaies ��pouvantables. Ils n'entouraient point de linges sanglants leurs membres mutil��s. Ils ��taient simples, ils n'affectaient que des infirmit��s supportables. L'un d'eux suivit assez longtemps M. Bergeret en clochant du pied, et toutefois d'un pas agile. Puis il
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