Oliver Twist | Page 5

Charles Dickens
ne me refuserez pas, dit Mme Mann, qui avait observ�� le ton et le geste du bedeau; rien qu'une petite goutte, avec un peu d'eau fra?che et un morceau de sucre.?
M. Bumble toussa.
?Si peu que rien, dit Mme Mann, de sa voix la plus engageante.
- Que voulez-vous me donner? demanda le bedeau.
- Faut bien que j'en aie un peu �� la maison, pour mettre dans la bouillie de ces chers enfants, quand ils sont malades, r��pondit Mme Mann en ouvrant un petit buffet, d'o�� elle tira une bouteille et un verre; c'est du gin.
- Est-ce que vous donnez de la bouillie aux enfants, madame Mann? demanda Bumble, en suivant de l'oeil l'int��ressante op��ration du m��lange.
- Ah! oui, que je leur en donne, dit-elle, quoique _l'arrow-root_ co?te bien cher; mais je ne puis les voir souffrir, c'est plus fort que moi, voyez-vous, monsieur.
- C'est bien, dit M. Bumble, c'est tr��s bien, vous ��tes une femme compatissante, madame Mann. (Elle pose le verre sur la table.) Je saisirai la premi��re occasion de dire cela au comit��, madame Mann. (Il approche le verre.) Ces enfants ont en vous une m��re, madame Mann. (Il agite le gin et l'eau.) Je bois de tout mon coeur �� votre sant��, madame Mann. (Il en avale la moiti��.) Maintenant, causons d'affaires, dit le bedeau, en tirant de sa poche un petit portefeuille de cuir: l'enfant qui a ��t�� ondoy�� sous le nom d'Olivier Twist a aujourd'hui neuf ans...
- Le cher enfant! dit Mme Mann en se frottant l'oeil gauche avec le coin de son tablier.
- Et, malgr�� l'offre d'une r��compense de dix livres sterling, qu'on a ��lev��e successivement jusqu'�� douze; malgr�� des efforts incroyables et, si j'ose dire, surnaturels, de la part de la paroisse, dit Bumble, il a ��t�� impossible de d��couvrir qui est le p��re, pas plus que le nom ou la condition de la m��re.?
Mme Mann leva les mains en signe d'��tonnement, puis dit apr��s un moment de r��flexion: ?Mais alors, comment se fait-il qu'il ait un nom??
Le bedeau se redressa fi��rement: ?C'est moi qui l'ai invent��, dit- il.
- Vous! monsieur Bumble?
- Moi-m��me, madame Mann: nous nommons nos enfants trouv��s par ordre alphab��tique; le dernier ��tait �� la lettre S, je le nommai Swubble; celui-ci ��tait �� la lettre T, je le nommai Twist; le suivant s'appellera Unwin, un autre Vilkent. J'ai des noms tout pr��ts d'un bout �� l'autre de l'alphabet; et arriv�� au Z, on recommence.
- Vous ��tes joliment lettr��, monsieur, dit Mme Mann.
- Mais oui, c'est possible, c'est bien possible, madame Mann,? dit le bedeau, ��videmment satisfait du compliment. Il finit d'avaler son geni��vre et ajouta: ?Comme Olivier est maintenant trop grand pour rester ici, le conseil a r��solu de le faire revenir au d��p?t, et je suis venu moi-m��me le chercher. Amenez-le-moi tout de suite.
- Vous allez le voir �� l'instant,? dit Mme Mann, en quittant la salle.
Olivier, qui, pendant ce temps, avait ��t�� d��barrass��, autant du moins qu'il ��tait possible de le faire en une fois, de la crasse qui couvrait sa figure et ses mains, fut bient?t introduit par sa bienveillante protectrice.
?Olivier, saluez monsieur,? dit Mme Mann.
Olivier salua �� la fois le bedeau sur sa chaise, et le tricorne sur la table.
?Voulez-vous venir avec moi, Olivier?? dit le bedeau avec majest��?
Olivier ��tait sur le point de dire qu'il ne demandait pas mieux que de s'en aller avec n'importe qui, lorsque, levant les yeux, il saisit un coup d'oeil de Mme Mann, qui s'��tait plac��e derri��re la chaise du bedeau, lui montrant le poing avec fureur; il comprit tout de suite ce que cela voulait dire, car ce poing avait ��t�� trop souvent imprim�� sur son dos pour n'��tre pas grav�� profond��ment dans sa m��moire.
?Est-ce que Mme Mann ne viendra pas avec moi? demanda le pauvre Olivier.
- Non, c'est impossible, r��pondit M. Bumble; mais elle viendra vous voir de temps en temps.?
Ce n'��tait pas tr��s consolant pour l'enfant; mais, tout jeune qu'il ��tait, il eut assez de sens pour feindre un grand chagrin de s'en aller: il n'��tait pas difficile au pauvre enfant de verser des larmes; la faim et les coups fra?chement re?us sont tr��s utiles quand on a besoin de pleurer; et Olivier se mit �� pleurer de la mani��re la plus naturelle.
Mme Mann lui donna mille baisers et, ce qui valait mieux, une tartine de pain et de beurre, pour qu'il n'e?t pas l'air trop affam�� en arrivant au d��p?t. Un morceau de pain �� la main, et coiff�� de la petite casquette de drap brun des enfants de la paroisse, Olivier fut emmen�� par M. Bumble hors de cet affreux s��jour, o�� jamais une parole ni un regard d'affection n'avait embelli ses tristes ann��es d'enfance. Et pourtant il ��clata en sanglots quand la porte se referma derri��re lui; quelque mis��rables que fussent les petits compagnons
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