Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome IV. | Page 9

Napoleon Bonaparte
en état de marche avec leurs équipages de campagne, et de concourir à la défense de la cause commune, dont le succès, nous avons lieu de le croire, répondra à sa justice, si toutefois, contre nos désirs et contre nos espérances, la Prusse nous met dans la nécessité de repousser la force par la force.
Sur ce, nous prions Dieu, mon frère, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
NAPOLéON.

Au quartier impérial de Bamberg, le 6 octobre 1806.
Proclamation à la grande armée.
Soldats,
?L'ordre pour votre rentrée en France était parti; vous vous en étiez déjà rapprochés de plusieurs marches. Des fêtes triomphales vous attendaient, et les préparatifs pour vous recevoir étaient commencés dans la capitale.
?Mais, lorsque nous nous abandonnions à cette trop confiante sécurité, de nouvelles trames s'ourdissaient sous le masque de l'amitié et de l'alliance. Des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin; depuis deux mois nous sommes provoqués tous les jours davantage.
?La même faction, le même esprit de vertige qui, à la faveur de nos dissensions intestines, conduisit, il y a quatorze ans, les Prussiens au milieu des plaines de la Champagne, domine dans leurs conseils. Si ce n'est plus Paris qu'ils veulent br?ler et renverser jusque dans ses fondemens, c'est, aujourd'hui, leurs drapeaux qu'ils se vantent de planter dans les capitales de nos alliés; c'est la Saxe qu'ils veulent obliger à renoncer, par une transaction honteuse, à son indépendance, en la rangeant au nombre de leurs provinces; c'est enfin vos lauriers qu'ils veulent arracher de votre front. Ils veulent que nous évacuions l'Allemagne à l'aspect de leur armée! les insensés!!! Qu'ils sachent donc qu'il serait mille fois plus facile de détruire la grande capitale que de flétrir l'honneur des enfans du grand-peuple et de ses alliés. Leurs projets furent confondus alors; ils trouvèrent dans les plaines de la Champagne la défaite, la mort et la honte: mais les le?ons de l'expérience s'effacent, et il est des hommes chez lesquels le sentiment de la haine et de la jalousie ne meurt jamais.
?Soldats, il n'est aucun de vous qui veuille retourner en France par un autre chemin que par celui de l'honneur. Nous ne devons y rentrer que sous des arcs de triomphe.
?Eh quoi! aurions-nous donc bravé les saisons, les mers, les déserts; vaincu l'Europe plusieurs fois coalisée contre nous; porté notre gloire de l'orient à l'occident, pour retourner aujourd'hui dans notre patrie comme des transfuges, après avoir abandonné nos alliés, et pour entendre dire que l'aigle fran?aise a fui épouvantée à l'aspect des armées prussiennes... Mais déjà ils sont arrivés sur nos avant-postes...
?Marchons donc, puisque la modération n'a pu les faire sortir de cette étonnante ivresse. Que l'armée prussienne éprouve le même sort qu'elle éprouva il y a quatorze ans! qu'ils apprennent que s'il est facile d'acquérir un accroissement de domaines et de puissance avec l'amitié du grand-peuple, son inimitié (qu'on ne peut provoquer que par l'abandon de tout esprit de sagesse et de raison) est plus terrible que les tempêtes de l'Océan.
NAPOLéON.

Au quartier impérial de Bamberg, le 7 octobre 1806.
Au sénat conservateur.
?Sénateurs,
?Nous avons quitté notre capitale, pour nous rendre au milieu de notre armée d'Allemagne, dès l'instant que nous avons su avec certitude qu'elle était menacée sur ses flancs par des mouvemens inopinés. A peine arrivé sur les frontières de nos états, nous avons eu lieu de reconna?tre combien notre présence y était nécessaire, et de nous applaudir des mesures défensives que nous avons prises avant de quitter le centre de notre empire. Déjà les armées prussiennes, portées au grand complet de guerre, s'étaient ébranlées de toutes parts; elles avaient dépassé leurs frontières, la Saxe était envahie, et le sage prince qui gouverne était forcé d'agir contre sa volonté, contre l'intérêt de ses peuples. Les armées prussiennes étaient arrivées devant les cantonnemens de nos troupes. Des provocations de toutes espèces, et mêmes des voies de fait avaient signalé l'esprit de haine qui animait nos ennemis, et la modération de nos soldats, qui, tranquilles à l'aspect de tous ces mouvemens, étonnés seulement de ne recevoir aucun ordre, se reposaient dans la double confiance que donnent le courage et le bon droit. Notre premier devoir a été de passer le Rhin nous-même, de former nos camps, et de faire entendre le cri de guerre. Il a retenti au coeur de tous nos guerriers. Des marches combinées et rapides les ont portés en un clin-d'oeil au lieu que nous leur avons indiqué. Tous nos camps sont formés; nous allons marcher contre les armées prussiennes, et repousser la force par la force. Toutefois, nous osons le dire, notre coeur est péniblement affecté de cette prépondérance constante qu'obtient en Europe le génie du mal, occupé sans cesse à traverser les desseins que nous formons pour la tranquillité de l'Europe, le repos et le bonheur de la génération présente, assiégeant tous les
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