de l'instant, portent à vous opposer aux nouveaux changemens; pourrez-vous souffrir un tra?tre? celui qui, sous l'extérieur froid d'un homme sensé, renferme, cache une avidité de valet? je ne saurais l'imaginer. Vous serez les premiers à le chasser ignominieusement, dès que l'on vous aura instruits du tissu d'horreurs dont il a été l'artisan.
J'ai l'honneur, etc.
BUONAPARTE.
De mon cabinet de Millelli, le 23 janvier, l'an II.
TRADUCTION
De la lettre du Président du Club patriotique d'Ajaccio.
MONSIEUR,
Le club patriotique ayant pris connaissance de l'écrit où vous dévoilez avec autant de finesse que de force et de vérité, les menées obscures de l'infame Buttafoco[3], en a voté l'impression. Il m'a chargé, par une délibération dont je vous envoie copie, de vous prier d'y donner votre assentiment: il juge l'impression de cet écrit utile au bien public. C'est une raison qui ne vous permet point d'excuse.
Je suis, etc. MASSéRIA,
Président du club patriotique.
[Footnote 3: Le club patriotique, profondément indigné de la conduite criminelle et scandaleuse, de l'impudence sans exemple, de la calomnie la plus atroce, que ce député de la défunte noblesse a osé afficher, même dans la tribune de l'Assemblée nationale; considérant que journellement, dans des brochures, il ne cesse de déchirer son pays et tout ce qu'il a de plus précieux; a arrêté, que désormais il ne serait plus appelé que l'infame Buttafoco.
(Extrait des procès-verbaux des séances de la Société patriotique.)]
LE SOUPER
DE BEAUCAIRE
Je me trouvais à Beaucaire le dernier jour de la foire; le hasard me fit avoir pour convives à souper, deux négocians marseillais, un Nimois et un fabricant de Mont-Sellier. Après plusieurs momens employés à nous reconna?tre, l'on sut que je venais d'Avignon, et que j'étais militaire. Les esprits de mes convives, qui avaient été toute la semaine fixés sur le cours du négoce qui accro?t les fortunes, l'étaient dans ce moment sur l'issue des événemens présens, d'où en dépend la conservation; ils cherchaient à conna?tre mon opinion, pour, en la comparant à la leur, pouvoir se rectifier et acquérir des probabilités sur l'avenir, qui nous affectait différemment; les Marseillais surtout paraissaient être moins pétulans: l'évacuation d'Avignon leur avait appris à douter de tout; il ne leur restait qu'une grande sollicitude sur leur sort: la confiance nous eut bient?t rendu babillards, et nous commen?ames un entretien à peu près en ces termes.
LE NIMOIS.
L'armée de Cartaux est-elle forte? L'on dit qu'elle a perdu bien du monde à l'attaque; mais s'il est vrai qu'elle ait été repoussée, pourquoi les Marseillais ont-ils évacué Avignon?
LE MILITAIRE.
L'armée était forte de 4,000 hommes lorsqu'elle a attaqué Avignon, elle est aujourd'hui à 6,000 hommes, elle sera avant quatre jours à 10,000 hommes; elle a perdu cinq hommes et quatre blessés; elle n'a point été repoussée, puisqu'elle n'a fait aucune attaque en forme: elle a voltigé autour de la place, a cherché à forcer les portes, en y attachant des pétards; elle a tiré quelques coups de canon pour essayer la contenance de la garnison; elle a d? ensuite se retirer dans son camp pour combiner son attaque pour la nuit suivante. Les Marseillais étaient 3,600 hommes; ils avaient une artillerie plus nombreuse et de plus fort calibre, et cependant ils ont été contraints à repasser la Durance; cela vous étonne beaucoup: mais c'est qu'il n'appartient qu'à de vieilles troupes de résister aux incertitudes d'un siège; nous étions ma?tres du Rh?ne, de Villeneuve et de la campagne, nous eussions intercepté toutes leurs communications. Ils ont d? évacuer la ville; la cavalerie les a poursuivis dans leur retraite; ils ont eu beaucoup de prisonniers et ont perdu deux pièces de canon.
LE MARSEILLAIS.
Ce n'est pas là la relation que l'on nous a donnée; je ne veux pas vous le contester, puisque vous étiez présent; mais avouez que cela ne vous conduira à rien: notre armée est à Aix, trois bons généraux sont venus remplacer les premiers; on lève à Marseille de nouveaux bataillons, nous avons un nouveau train d'artillerie, plusieurs pièces de 24; sous peu de jours nous serons dans le cas de reprendre Avignon, ou du moins nous resterons ma?tres de la Durance.
LE MILITAIRE.
Voilà ce que l'on vous dit pour vous entra?ner dans le précipice qui s'approfondit à chaque instant, et qui peut-être engloutira la plus belle ville de la France, celle qui a le plus mérité des patriotes; mais l'on vous a dit aussi que vous traverseriez la France, que vous donneriez le ton à la république, et vos premiers pas ont été des échecs; l'on vous a dit qu'Avignon pouvait résister long-temps à 20,000 hommes, et une seule colonne de l'armée, sans artillerie de siège, dans vingt-quatre heures, en a été ma?tresse; l'on vous a dit que le Midi était levé, et vous vous êtes trouvés seuls; l'on vous a dit que la cavalerie nimoise allait écraser les Allobroges, et ceux-ci étaient déjà au Saint-Esprit et à Villeneuve; l'on vous a
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