mes échantillons s'accroissent en nombre d'une manière étonnante, et je crois que je serai obligé d'en expédier, de Rio, une collection en Angleterre.?
Un passage remarquable de l'Autobiographie, écrite par Darwin en 1876, témoigne de l'impression ineffa?able que lui laissa cette première visite à une ?le volcanique. ?La structure géologique de San Thiago est très frappante, quoique d'une grande simplicité. Une coulée de lave s'est étalée autrefois sur le fond de la mer, constitué par des débris de coraux et de coquilles récentes; ces couches calcaires ont été soumises comme à une cuisson et transformées en une roche blanche et dure. L'?le entière a été soulevée depuis cette époque, mais l'allure de la zone de roche blanche m'a révélé un fait nouveau et important: c'est qu'il s'est produit, plus tard, un affaissement autour des cratères qui avaient été en activité depuis le soulèvement. L'idée me vint alors, pour la première fois, que je pourrais peut-être écrire un livre sur la géologie des contrées que nous allions explorer, et cette pensée me fit tressaillir de joie. Ce fut pour moi une heure mémorable; avec quelle netteté je me rappelle la petite falaise de lave sous laquelle je me tenais, le soleil éblouissant et torride, quelques plantes étranges du désert croissant aux alentours, et à mes pieds des coraux vivants, dans les lagunes inondées par la marée.?
Au moment de cette exploration, cinq années seulement s'étaient écoulées depuis l'époque où il suivait à édimbourg les le?ons du professeur Jameson, qui enseignait encore la doctrine Wernerienne. Darwin avait trouvé ces le?ons ?incroyablement ennuyeuses?. ?Le seul effet qu'elles produisent sur moi, déclarait-il, c'est de me faire prendre la résolution de ne lire de ma vie un livre de géologie, ni d'étudier cette science de quelque manière que ce soit.?
Quel contraste avec les expressions dont il se sert en parlant de ses recherches géologiques, dans les lettres écrites à ses parents à bord du Beagle! Après avoir fait allusion au plaisir qu'il éprouve à rassembler et à étudier les animaux marins, il s'écrie: ?Mais la géologie l'emporte sur le reste!? Dans une lettre à Henslow, il dit: ?La géologie m'entra?ne; mais, comme l'intelligent animal placé entre deux bottes de foin, je ne sais à laquelle donner la préférence: étudierai-je les roches cristallines anciennes ou les couches moins cohérentes et plus fossilifères?? Et, lorsque son long voyage va se terminer, il écrit encore: ?Je trouve à la géologie un intérêt qui ne faiblit jamais; et, comme on l'a dit déjà, elle nous inspire des idées aussi vastes sur notre monde que celles que l'astronomie nous suggère sur l'ensemble des mondes.? Darwin fait évidemment allusion ici à un passage de Sir John Herschel dans son admirable _Introduction à l'étude de la philosophie naturelle_, oeuvre qui exer?a une influence très profonde et très heureuse sur l'esprit du jeune naturaliste.
La prédilection marquée que professait Darwin, durant et après le célèbre voyage du Beagle, pour les études géologiques, ne peut laisser aucun doute; comme il est facile aussi de reconna?tre quelle est l'école géologique dont il suivait les doctrines et dont l'enseignement, malgré les avertissements de Sedgwick et de Henslow, le dominait tout entier. Il écrivit en 1876: ?La première contrée que j'ai étudiée, l'?le de San Thiago dans l'archipel du Cap Vert, m'a démontré clairement la remarquable supériorité de Lyell, au point de vue géologique, sur tous les auteurs dont j'avais emporté les oeuvres ou que j'ai étudiés depuis.? Et il ajoute: ?La science géologique a contracté une grande dette envers Lyell, elle lui doit plus, je crois, qu'à personne au monde... Je suis fier de me rappeler que la première contrée dont j'étudiai la constitution géologique, San Thiago dans l'archipel du Cap Vert, m'a convaincu de la supériorité infinie des idées de Lyell sur celles que j'avais pu puiser dans tout autre livre que les siens.?
Les passages que j'ai cités montrent dans quel esprit Darwin commen?a ses études géologiques, et les pages qui suivent fourniront des preuves nombreuses de l'enthousiasme, de la pénétration et du soin avec lesquels ses recherches furent poursuivies.
Les collections de roches et de minéraux recueillies par Darwin furent, au cours même de son voyage, envoyées à Cambridge et confiées à son fidèle ami Henslow. A son retour en Angleterre, après avoir revu sa famille et ses amis, le premier soin de Darwin fut de commencer l'étude de ces matériaux. Vers la fin de 1836, il alla se fixer, pendant trois mois, dans un appartement de Fitzwilliam street à Cambridge: il se rapprochait ainsi d'Henslow et pouvait se livrer à l'examen des roches et des minéraux qu'il avait réunis. Il fut puissamment secondé dans cette étude par le professeur William Hallows Miller, l'éminent cristallographe et minéralogiste.
Darwin ne commen?a réellement à écrire son livre sur les ?les volcaniques qu'en 1843, après s'être établi dans la maison qu'il habita
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