lieues d'Aps, sur le mont de Cordoue. Roumestan jura d'aller le voir avant de partir. Il parlerait aux parents, il ��tait s?r d'enlever l'affaire.
-- Je vous y aiderai, Numa, dit une petite voix derri��re lui.
Valmajour salua sans un mot, tourna sur ses talons et descendit le large tapis de l'estrade sa caisse au bras, la t��te droite, avec ce l��ger d��hanchement du Proven?al, ami du rythme et de la danse. En bas des camarades l'attendaient, lui serraient les mains. Puis un cri retentit: ?La farandole!? clameur immense, doubl��e par l'��cho des vo?tes, des couloirs, d'o�� semblaient sortir l'ombre et la fra?cheur qui envahissaient maintenant les ar��nes et r��tr��cissaient la zone du soleil. �� l'instant le cirque fut plein, mais plein �� faire ��clater ses barri��res, d'une foule villageoise, une m��l��e de fichus blancs, de jupes voyantes, de rubans de velours battant aux coiffes de dentelle, de blouses passement��es, de vestes de cadis.
Sur un roulement de tambourin, cette cohue s'aligna, se d��fila en bandes, le jarret tendu, les mains unies. Un trille de galoubet fit onduler tout le cirque, et la farandole men��e par un gars de Barbantane, le pays des danseurs fameux, se mit en marche lentement, d��roulant ses anneaux, battant ses entrechats presque sur place, remplissant d'un bruit confus, d'un froissement d'��toffes et d'haleines, l'��norme baie du vomitoire o�� peu �� peu elle s'engouffrait. Valmajour suivait d'un pas ��gal, solennel, repoussait en marchant son gros tambourin du genou, et jouait plus fort �� mesure que le compact entassement de l'ar��ne, �� demi-noy��e d��j�� dans la cendre bleue du cr��puscule, se d��vidait comme une bobine d'or et de soie.
-- Regardez l��-haut! dit Roumestan tout �� coup.
C'��tait la t��te de la danse surgissant entre les arcs de vo?te du premier ��tage, pendant que le tambourinaire et les derniers farandoleurs pi��tinaient encore dans le cirque. En route, la ronde s'allongeait de tous ceux que le rythme entra?nait de force �� la suite. Qui donc parmi ces Proven?aux aurait pu r��sister au fl?tet magique de Valmajour? Port��, lanc�� par des rebondissements du tambourin, on l'entendait �� la fois �� tous les ��tages, passant les grilles et les soupiraux descell��s, dominant les exclamations de la foule. Et la farandole montait, montait, arrivait aux galeries sup��rieures que le soleil bordait encore d'une lumi��re fauve. L'immense d��fil�� des danseurs bondissants et graves d��coupait alors sur les hautes baies cintr��es du pourtour, dans la chaude vibration de cette fin d'apr��s-midi de juillet, une suite de fines silhouettes, animait sur la pierre antique un de ces bas-reliefs comme il en court au fronton d��grad�� des temples.
En bas, sur l'estrade d��semplie, -- car on partait et la danse prenait plus de grandeur au-dessus des gradins vides, -- le bon Numa demandait �� sa femme en lui jetant un petit chale de dentelle sur les ��paules pour le frais du soir:
-- Est-ce beau, voyons?... Est-ce beau?...
-- Tr��s beau, fit la Parisienne, remu��e cette fois jusqu'au fond de sa nature artiste.
Et le grand homme d'Aps semblait plus fier de cette approbation que des hommages bruyants dont on l'��tourdissait depuis deux heures.
Fin du premier chapitre.
II
L'ENVERS D'UN GRAND HOMME
Numa Roumestan avait vingt-deux ans quand il vint terminer �� Paris son droit commenc�� �� Aix. C'��tait �� cette ��poque un bon gar?on, r��joui, bruyant, tout le sang �� la peau, avec de beaux yeux de batracien, dor��s, �� fleur de t��te, et une crini��re noire toute fris��e qui lui mangeait la moiti�� du front comme un bonnet de loutre sans visi��re. Pas l'ombre d'une id��e, d'une ambition, sous cette fourrure envahissante. Un v��ritable ��tudiant d'Aix, tr��s fort au billard et au misti, sans pareil pour boire une bouteille de champagne �� la r��galade, pour chasser le chat aux flambeaux jusqu'�� trois heures du matin dans les larges rues de la vieille ville aristocratique et parlementaire, mais ne s'int��ressant �� rien, n'ouvrant jamais un journal ni un livre, encrass�� de cette sottise provinciale qui hausse les ��paules �� toute chose et pare son ignorance d'un renom de gros bon sens.
Le quartier Latin l'��moustilla un peu; il n'y avait pourtant pas de quoi. Comme tous ses compatriotes, Numa s'installait, en arrivant, au caf�� Malmus, haute et tumultueuse baraque, d��veloppant ses trois ��tages de vitres, larges comme celles d'un magasin de nouveaut��s, au coin de la rue du Four-Saint-Germain, qu'elle remplissait du fracas de ses billards et des vocif��rations d'une client��le de cannibales. Tout le Midi fran?ais s'��panouissait l��, dans ses nuances diverses: Midi gascon, Midi proven?al, de Bordeaux, de Toulouse, de Marseille, Midi p��rigourdin, auvergnat, ari��geois, ard��chois, pyr��n��en, des noms en as, en us, en ac, ��clatants, ronflants et barbares, Etcheverry, Terminarias, Bentaboulech, Laboulb��ne, des noms qui semblaient jaillir de la gueule d'une escopette ou partaient comme un coup de mine, dans une accentuation f��roce. Et quels ��clats de voix, rien que pour demander une demi-tasse,

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