Nouvelles mille et une nuits | Page 6

Robert Louis Stevenson
ses recherches. La connaissance qu'il a de l'adresse du meurtrier pr��sum�� permet de faire les perquisitions n��cessaires. Hyde habite, dans le quartier mal fr��quent�� de Soho, une rue ��troite et sombre, garnie de cabarets o�� l'on boit du gin, de restaurants fran?ais du plus bas ��tage, de boutiques borgnes o�� s'approvisionnent des femmes de mauvaise mine appartenant �� toutes les nationalit��s. C'est dans un pareil milieu que le prot��g�� de Jekyll, h��ritier d'un quart de million sterling, a ��lu domicile.
Une vieille femme, aux allures louches, vient ouvrir la porte.
?M. Hyde est, dit-elle, rentr�� tr��s tard dans la nuit, mais pour ressortir ensuite; il a des habitudes fort irr��guli��res, et dispara?t parfois un mois ou deux de suite.?
Au nom de la loi, la maison est visit��e en d��tail. Elle est �� peu pr��s vide. Hyde n'habite que deux chambres meubl��es avec luxe; un grand d��sordre toutefois y r��gne pour le moment, comme si l'on y avait fait �� la hate des pr��paratifs de fuite: les v��tements tra?nent sur le tapis, les tiroirs sont ouverts. Des cendres grises dans l'atre indiquent que l'on a br?l�� des papiers; mais, derri��re une porte, les agents d��couvrent la moiti�� d'un baton dont l'autre moiti�� est rest��e sanglante sur le lieu du crime. Cette canne, d'un bois tr��s rare, a ��t�� donn��e bien des ann��es auparavant �� son ami Jekyll par M. Utterson.
Naturellement, la premi��re impulsion de ce dernier est de courir chez le docteur. Poole, le vieux domestique, l'introduit, en lui faisant traverser la cour qui a ��t�� jadis un jardin, dans l'esp��ce de pavillon que l'on appelle indistinctement le laboratoire ou la salle d'anatomie. Le docteur a autrefois achet�� la maison aux h��ritiers d'un chirurgien, et s'occupe de chimie l�� o�� son pr��d��cesseur s'occupait �� diss��quer. Pour la premi��re fois, le notaire est admis �� visiter cette partie de la maison, qui donne sur la petite rue, th��atre de sa premi��re rencontre avec Hyde. Il trouve le docteur, dans une vaste chambre garnie d'armoires vitr��es, d'un grand bureau et d'une psych��, meuble assez d��plac�� dans un lieu pareil.
?Savez-vous les nouvelles? lui demande Utterson.
--On les a cri��es sur la place, r��pond Jekyll tr��s pale et frissonnant.
--Un mot: j'esp��re que vous n'avez pas ��t�� assez fou pour cacher ce mis��rable?
--Utterson, s'��crie le docteur, je vous donne ma parole d'honneur que tout est fini entre lui et moi! D'ailleurs, il n'a pas besoin de mon secours, il est en s?ret��. Personne n'entendra plus parler de Hyde.?
L'homme de loi est ��tonn�� de ces fa?ons v��h��mentes, presque fi��vreuses:
?Vous paraissez bien s?r de lui!
--S?r... absolument. Mais j'aurais besoin de votre conseil. J'ai re?u une lettre, et je me demande si je dois la communiquer �� la justice. D��cidez... j'ai perdu toute confiance en moi-m��me.
--Vous craignez que cela n'aide �� d��couvrir?...
--Non, peu m'importe ce que deviendra Hyde. Je pensais �� ma propre r��putation, que cette triste affaire met en p��ril.?
Utterson, surpris de ce soudain acc��s d'��go?sme, demande �� voir la lettre; elle est d'une ��criture renvers��e tr��s singuli��re et con?ue dans des termes respectueux. Hyde exprime bri��vement son repentir, en s'excusant aupr��s du protecteur dont il a si mal reconnu les bont��s; il lui annonce qu'il a des moyens de fuite tout pr��ts.
L'enveloppe manque; Jekyll pr��tend l'avoir br?l��e par m��garde.
?Encore une question, reprend Utterson: c'est Hyde, n'est-ce pas, qui vous avait dict�� ce passage de votre testament au sujet d'une disparition possible??
Le docteur, d��faillant, fait un signe affirmatif.
?Je m'en doutais, dit Utterson. Le sc��l��rat avait l'intention de vous assassiner! Vous l'avez ��chapp�� belle!
--Oh! j'ai re?u une terrible le?on!? s'��crie Jekyll, ensevelissant sa t��te entre ses deux mains. ?Quelle le?on, mon Dieu!?
Et cependant il tente, au moment m��me, de tromper son ami. En ��tudiant l'autographe de Hyde, Utterson acquiert la preuve que la pr��tendue lettre de l'assassin est de la main m��me de Jekyll, qui a chang�� l'aspect des caract��res en les renversant. Le docteur s'est donc fait faussaire pour sauver un meurtrier!
Cependant le temps s'��coule et l'assassin reste introuvable. On recueille des d��tails sur le pass�� de l'homme, sur ses vices, sa cruaut��, ses relations ignobles et la haine qu'il a partout inspir��e; mais sur sa famille, sur ses origines, rien ne peut ��tre d��couvert, encore moins sur le lieu o�� il se cache. Une nouvelle vie semble avoir commenc�� pour le docteur Jekyll; il ne s'occupe plus que de bonnes oeuvres. Charitable, il l'a toujours ��t��, mais il devient religieux en outre; il fr��quente plus assid?ment ses anciens amis, renoue des relations tr��s affectueuses avec le docteur Lanyon, et para?t heureux comme il ne l'��tait pas depuis longtemps.
Deux mois se passent ainsi; tout �� coup, les amis de Jekyll trouvent sa porte ferm��e. Il garde la chambre, ne re?oit personne. Utterson se d��cide enfin �� faire part de son inqui��tude au docteur Lanyon. En entrant chez celui-ci, il est stup��fait
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