que l’haleine lui manquat, et laissant alors la parole à la cuisinière qui se voyait à son tour interrompue.
Une bonne partie de ce qu’elles dirent resta à peu près inintelligible pour moi, à raison du dialecte extraordinaire qu’elles employaient, mais je pus saisir la marche générale de leur récit.
Il para?t que pendant les premières heures du jour, la cuisinière avait été réveillée par quelque chose qui lui touchait la figure.
Se réveillant tout à fait, elle avait vu une ombre vague debout près de son lit, et cette ombre s’était glissée sans bruit hors de la chambre.
La domestique s’était éveillée au cri poussé par la cuisinière et affirmait carrément avoir vu l’apparition.
On e?t beau les questionner en tous sens, les raisonner, rien ne put les ébranler, et elles conclurent en donnant leurs huit jours, preuve convaincante de leur bonne foi et de leur épouvante.
Elles parurent extrêmement indignées de notre scepticisme et cela finit par leur sortie bruyante, ce qui produisit de la colère chez l’oncle Jérémie, du dédain cher Copperthorne, et me divertit beaucoup.
Je passai dans ma chambre presque toute ma seconde journée de visite, et j’avan?ai considérablement ma besogne.
Le soir, John et moi, nous nous rend?mes à la garenne de lapins avec nos fusils.
En revenant, je contai à John la scène absurde qu’avaient faite le matin les domestiques, mais il ne me parut pas qu’il en sais?t, autant que moi, le c?té grotesque.
-- C’est un fait, dit-il, que dans les très vieilles demeures comme celle-ci, où la charpente est vermoulue et déformée, on voit quelquefois certains phénomènes curieux qui prédisposent l’esprit à la superstition. J’ai déjà entendu, depuis que je suis ici, pendant la nuit, une ou deux choses qui auraient pu effrayer un homme nerveux et à plus forte raison une domestique ignorante. Naturellement, toutes ces histoires d’apparitions sont de pures sottises, mais une fois que l’imagination est excitée, il n’y a plus moyen de la retenir.
-- Qu’avez-vous donc entendu? demandai-je, fort intéressé.
-- Oh! rien qui en vaille la peine, répondit-il. Voici les bambins et miss Warrender. Il ne faut pas causer de ces choses en sa présence. Autrement elle nous donnera les huit jours, elle aussi, et ce serait une perte pour la maison.
Elle était assise sur une petite barrière placée à la lisière du bois qui entoure Dunkelthwaite, les deux enfants appuyés sur elle de chaque c?té, leurs mains jointes autour de ses bras, et leurs figures potelées tournées vers la sienne.
C’était un joli tableau.
Nous nous arrêtames un instant à le contempler.
Mais elle nous avait entendus approcher.
Elle descendit d’un bond et vint à notre rencontre, les deux petits trottinant derrière elle.
-- Il faut que vous m’aidiez du poids de votre autorité, dit-elle à John. Ces petits indociles aiment l’air du soir, et ne veulent pas se laisser persuader de rentrer.
-- Veux pas rentrer, dit le gar?on d’un ton décidé. Veux entendre le reste de l’histoire.
-- Oui, l’histoire, zézaya la petite.
-- Vous saurez le reste de l’histoire demain, si vous êtes sages. Voici M. Lawrence qui est médecin. Il vous dira qu’il ne vaut rien pour les petits gar?ons et les petites filles de rester dehors quand la rosée tombe.
-- Ainsi donc vous écoutiez une histoire? demanda John pendant que nous nous remettions en route.
-- Oui, une bien belle histoire, dit avec enthousiasme le bambin. Oncle Jérémie nous en dit des histoires, mais c’est en poésie, et elles ne sont pas, oh! non, pas si jolies que les histoires de miss Warrender. Il y en a une, où il y a des éléphants.
-- Et des tigres, et de l’or, continua la fillette.
-- Oui, on fait la guerre, on se bat et le roi des Cigares...
-- Des Cipayes, mon ami, corrigea la gouvernante.
-- Et les tribus dispersées qui se reconnaissent entre elles par le moyen de signes, et l’homme qui a été tué dans la forêt. Elle sait des histoires magnifiques. Pourquoi ne lui demandez-vous pas de vous en raconter une, cousin John?
-- Vraiment, miss Warrender, dit mon compagnon, vous avez piqué notre curiosité. Il faut que vous nous contiez ces merveilles.
-- à vous, elles para?traient assez sottes, répondit-elle en riant. Ce sont simplement quelques souvenirs de ma vie passée.
Comme nous suivions lentement le sentier qui traverse le bois, nous v?mes Copperthorne arriver en sens opposé.
-- Je vous cherchais tous, dit-il en feignant maladroitement un ton jovial, je voulais vous informer qu’il est l’heure de d?ner.
-- Nos montres nous l’ont déjà dit, répondit John d’une voix qui me parut plut?t bourrue.
-- Et vous avez couru le lapin ensemble, dit le secrétaire, en marchant à pas comptés près de nous.
-- Pas ensemble, répondis-je, nous avons rencontré miss Warrender et les enfants, en revenant.
-- Oh! miss Warrender est allée à votre rencontre, quand vous reveniez, dit-il.
Cette fa?on de retourner promptement le sens de mes paroles, et le ton narquois qu’il y
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