Nouveaux mystères et aventures | Page 4

Sir Arthur Conan Doyle
marches inégales.
Chemin faisant, je remarquai l’épaisseur des murs, l’étrangeté et la variété des pentes du toit, qui faisait supposer l’existence d’espaces mystérieux dans les combles.
La chambre qui m’était destinée était, ainsi que me l’avait dit John, un charmant petit sanctuaire, où pétillait un bon feu, et où se trouvait une étagère bien garnie de livres.
Et, en mettant mes pantoufles, je me dis que j’aurais eu tort sans doute de refuser cette invitation à venir dans le Yorkshire.
Chapitre II
Lorsque nous descend?mes à la salle à manger, le reste de la maisonnée était déjà réuni pour le d?ner.
Le vieux Jérémie, toujours coiffé de sa singulière fa?on, occupait le haut bout de la table.
à c?té de lui, et à droite, était une jeune dame très brune, à la chevelure et aux yeux noirs, qui me fut présentée sous le nom de miss Warrender.
à c?té d’elle étaient assis deux jolis enfants, un gar?on et une fille, ses élèves, évidemment.
J’étais placé vis-à-vis d’elle, ayant à ma gauche Copperthorne.
Quant à John, il faisait face à son oncle.
Je crois presque voir encore l’éclat jaune de la grande lampe à huile qui projetait des lumières et des ombres à la Rembrandt sur ce cercle de figures, parmi lesquelles certaines étaient destinées à prendre tant d’intérêt pour moi.
Ce fut un repas agréable, en dehors même de l’excellence de la cuisine et de l’appétit qu’avait aiguisé mon long voyage.
Enchanté d’avoir trouvé un nouvel auditeur, l’oncle Jérémie débordait d’anecdotes et de citations.
Quant à miss Warrender et à Copperthorne, ils ne causèrent pas beaucoup, mais tout ce que dit ce dernier révélait l’homme réfléchi et bien élevé.
Pour John, il avait tant de souvenirs de collège et d’événements postérieurs à rappeler que je crains qu’il n’ait fait maigre chair.
Lorsqu’on apporta le dessert, miss Warrender emmena les enfants. L’oncle Jérémie se retira dans la bibliothèque, d’où nous arrivait le bruit assourdi de sa voix, pendant qu’il dictait à son secrétaire.
Mon vieil ami et moi, nous restames quelque temps devant le feu à causer des diverses aventures qui nous étaient arrivées depuis notre dernière rencontre.
-- Eh bien, que pensez-vous de notre maisonnée? me demanda-t-il enfin, en souriant.
Je répondis que j’étais fort intéressé par ce que j’en avais vu.
-- Votre oncle est tout à fait un type. Il me pla?t beaucoup.
-- Oui, il a le coeur excellent avec toutes les originalités. Votre arrivée l’a tout à fait ragaillardi, car il n’a jamais été complètement lui-même depuis la mort de la petite Ethel. C’était la plus jeune des enfants de l’oncle Sam. Elle vint ici avec les autres, mais elle eut, il y a deux mois environ, une crise nerveuse ou je ne sais quoi dans les massifs. Le soir, on l’y trouva morte. Ce fut un coup des plus violents pour le vieillard.
-- Ce dut être aussi fort pénible pour miss Warrender, fis-je remarquer.
-- Oui, elle fut très affligée. à cette époque, elle n’était ici que depuis une semaine. Ce jour-là elle était allée en voiture à Kirby-Lonsdale pour faire quelque emplette.
-- J’ai été très intéressé, dis-je, par tout ce que vous m’avez raconté à son sujet. Ainsi donc, vous ne plaisantiez pas, je suppose.
-- Non, non, tout est vrai comme l’évangile. Son père se nommait Achmet Genghis Khan. C’était un chef à demi indépendant quelque part dans les provinces centrales. C’était à peu près un pa?en fanatique, bien qu’il e?t épousé une Anglaise. Il devint camarade avec le Nana, et eut quelque part dans l’affaire de Cawnpore, si bien que le gouvernement le traita avec une extrême rigueur.
-- Elle devait être tout à fait femme quand elle quitta sa tribu, dis-je. Quelle est sa manière de voir en affaire de religion? Tient-elle du c?té de son père ou de celui du sa mère?
-- Nous ne soulevons jamais cette question, répondit mon ami. Entre nous, je ne la crois pas très orthodoxe. Sa mère était sans doute une femme de mérite. Outre qu’elle lui a appris l’anglais, elle se conna?t assez bien en littérature fran?aise et elle joue d’une fa?on remarquable. Tenez, écoutez-la.
Comme il parlait, le son d’un piano se fit entendre dans la pièce voisine, et nous nous t?mes pour écouter.
Tout d’abord la musicienne piqua quelques touches isolées, comme si elle se demandait s’il fallait continuer.
Puis, ce furent des bruits sonores, discordants, et soudain de ce chaos sortit enfin une harmonie puissante, étrange, barbare, avec des sonorités de trompette, des éclats de cymbales. Et le jeu devenant de plus en plus énergique, devint une mélodie fougueuse, qui finit par s’atténuer et s’éteindre en un bruit désordonné comme au début.
Puis, nous entend?mes le piano se refermer, et la musique cessa.
-- Elle fait ainsi tous les soirs, remarqua mon ami. C’est quelque souvenir de l’Inde, à ce que je suppose. Pittoresque, ne trouvez- vous pas? Maintenant ne vous attardez pas ici plus longtemps que vous ne voudriez.
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