courrier à votre solitaire ami.
?John H. Thurston.?
à l’époque où je re?us cette lettre, j’habitais Londres et je travaillais ferme en vue de l’examen final qui devait me donner le droit d’exercer la médecine.
Thurston et moi, nous avions été amis intimes à Cambridge, avant que j’eusse commencé l’étude de la médecine et j’avais grand désir de le revoir.
D’autre part, je craignais un peu que, malgré ses assertions, mes études n’eussent à souffrir de ce déplacement.
Je me représentais le vieillard retombé en enfance, le secrétaire maigre, la gouvernante distinguée, les deux enfants, probablement des enfants gatés et tapageurs, et j’arrivai à conclure que quand tout cela et moi nous serions bloqués ensemble dans une maison à la campagne, il resterait bien peu de temps pour étudier tranquillement.
Après deux jours de réflexion, j’avais presque résolu de décliner l’invitation, lorsque je re?us du Yorkshire une autre lettre encore plus pressante que la première:
?Nous attendons des nouvelles de vous à chaque courrier, disait mon ami, et chaque fois qu’on frappe je m’attends à recevoir un télégramme qui m’indique votre train.
?Votre chambre est toute prête, et j’espère que vous la trouverez confortable.
?L’oncle Jérémie me prie de vous dire combien il sera heureux de vous voir.
?Il aurait écrit, mais il est absorbé par la composition d’un grand poème épique de cinq mille vers ou environ.
?Il passe toute la journée à courir d’une chambre à l’autre, ayant toujours sur les talons Copperthorne, qui, pareil au monstre de Frankenstein, le suit à pas comptés, le calepin et le crayon à la main, notant les savantes paroles qui tombent de ses lèvres.
?à propos, je crois vous avoir parlé de la gouvernante brune si pleine de chic.
?Je pourrais me servir d’elle comme d’un appat pour vous attirer, si vous avec gardé votre go?t pour les études d’ethnologie.
?Elle est fille d’un chef hindou, qui avait épousé une Anglaise. Il a été tué pendant l’Insurrection en combattant contre nous; ses domaines ayant été confisqués par le Gouvernement, sa fille, alors agée de quinze ans, s’est trouvée presque sans ressource.
?Un charitable négociant allemand de Calcutta l’adopta, para?t-il, et l’amena en Europe avec sa propre fille.
?Celle-ci mourut et alors miss Warrender -- nous l’appelons ainsi, du nom de sa mère -- répondit à une annonce insérée par mon oncle, et c’est ainsi que nous l’avons connue.
?Maintenant, mon vieux, n’attendez pas qu’on vous donne l’ordre de venir, venez tout de suite.?
Il y avait dans la seconde lettre d’autres passages qui m’interdisent de la reproduire intégralement.
Il était impossible de tenir bon plus longtemps devant l’insistance de mon vieil ami.
Aussi tout en pestant intérieurement, je me hatai d’emballer mes livres, je télégraphiai le soir même, et la première chose que je fis le lendemain matin, ce fut de partir pour le Yorkshire.
Je me rappelle fort bien que ce fut une journée assommante, et que le voyage me parut interminable, recroquevillé comme je l’étais dans le coin d’un wagon à courants d’air, où je m’occupais à tourner et retourner mentalement maintes questions de chirurgie et de médecine.
On m’avait prévenu que la petite gare d’Ingleton, à une quinzaine de milles de Tarnforth, était la plus rapprochée de ma destination.
J’y débarquai à l’instant même où John Thurston arrivait au grand trot d’un haut dog-cart par la route de la campagne.
Il agita triomphalement son fouet en m’apercevant, poussa brusquement son cheval, sauta à bas de voiture, et de là sur le quai.
-- Mon cher Hugh, s’écria-t-il, je suis ravi de vous voir. Comme vous avez été bon de venir!
Et il me donna une poignée de main que je sentis jusqu’à l’épaule.
-- Je crains bien que vous ne me trouviez un compagnon désagréable maintenant que me voilà, répondis-je. Je suis plongé jusque par dessus les yeux dans ma besogne.
-- C’est naturel, tout naturel, dit-il avec sa bonhomie ordinaire. J’en ai tenu compte, mais nous aurons quand même le temps de tirer un ou deux lapins. Nous avons une assez longue trotte à faire, et vous devez être complètement gelé, aussi nous allons repartir tout de suite pour la maison.
Et l’on se mit à rouler sur la route poussiéreuse.
Je crois que votre chambre vous plaira, remarqua mon ami. Vous vous trouverez bient?t comme chez vous. Vous savez, il est fort rare que je séjourne à Dunkelthwaite, et je commence à peine à m’installer et à organiser mon laboratoire. Voici une quinzaine que j’y suis. C’est un secret connu de tout le monde que je tiens une place prédominante dans le testament du vieil oncle Jérémie. Aussi mon père a-t-il cru que c’était un devoir élémentaire pour moi de venir et de me montrer poli. étant donnée la situation, je ne puis guère me dispenser de me faire valoir un peu de temps en temps.
-- Oh! certes, dis-je.
-- En outre, c’est un excellent vieux bonhomme. Cela vous divertira de voir notre ménage. Une princesse comme
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