le culte de la beaut��; les Romains, cette race brutale, n��e pour le malheur du monde, ont cr���� l'ordre m��canique, l'ob��issance ext��rieure et le r��gne de l'administration; l'Inde a eu pour son lot l'imagination: c'est pourquoi son peuple est toujours rest�� enfant. C'est l�� sa faiblesse; mais, en revanche, elle seule a cr���� ces po��mes du premier age qui ont s��ch�� tant de larmes et fait battre pour la premi��re fois tant de coeurs.
Par quel chemin les contes ont-ils p��n��tr�� en Occident? Se sont-ils d'abord transform��s chez les Persans? Les devons-nous aux Arabes, aux Juifs, ou simplement aux marins de tous pays qui les ont partout port��s avec eux, comme le Simbad des _Mille et une Nuits_? C'est l�� une ��tude qui commence, et qui donnera quelque jour des r��sultats inattendus. En rapprochant du Pentamerone napolitain les contes grecs que M. de Hahn a publi��s il y a deux ans, il est d��j�� visible que la M��diterran��e a eu son cycle de contes, o�� figurent Cendrillon, le Chat bott�� et Psych��. Cette derni��re fable a joui d'une popularit�� sans bornes. Depuis le r��cit d'Apul��e jusqu'au conte de _la Belle et la B��te_, l'histoire de Psych�� prend toutes les formes. Le h��ros s'y cache le plus souvent sous la peau d'un serpent, quelquefois m��me sous celle d'un porc (Il Re Porco de Straparole, anobli et transfigur�� par Mme d'Aulnoy en _Prince Marcassin_), mais le fonds est toujours reconnaissable. Rien n'y manque, ni les m��chantes soeurs que ronge l'envie, ni les agitations de la jeune femme partag��e entre la tendresse et la curiosit��, ni les rudes ��preuves qui attendent la pauvre enfant. Est-ce l�� un conte oriental? Le nom de Psych��, qui, en grec, veut dire l'_ame_, ferait croire �� une all��gorie hell��nique; mais, ici comme toujours, si �� force de grace et de po��sie la Gr��ce renouvelle tout ce qu'elle touche, l'invention ne lui appartient pas. La l��gende se trouve en Orient, d'o�� elle a pass�� dans les contes de tous les peuples[1]; souvent m��me elle est retourn��e; c'est la femme qui se cache sous une peau de singe ou d'oiseau, c'est l'homme dont la curiosit�� est punie. Qu'est-ce que _Peau d'ane_, sinon une variation de cette ��ternelle histoire avec laquelle depuis tant de si��cles on berce les grands et les petits enfants?
[Note 1: Benfey, Einleitung, �� 92.]
En ai-je dit assez pour faire sentir aux hommes s��rieux qu'on peut aimer les contes de f��es sans d��choir? Si, pour le botaniste, il n'est pas d'herbe si vulgaire, de mousse si petite qui n'offre de l'int��r��t parce qu'elle explique quelque loi de la nature, pourquoi d��daignerait-on ces l��gendes famili��res qui ajoutent une page des plus curieuses �� l'histoire de l'esprit humain?
La philosophie y trouve aussi son compte. Nulle part il n'est aussi ais�� d'��tudier sur le vif le jeu de la plus puissante de nos facult��s, celle qui, en nous affranchissant de l'espace et du temps, nous tire de notre fange et nous ouvre l'infini. C'est dans les contes de f��es que l'imagination r��gne sans partage, c'est l�� qu'elle ��tablit son id��al de justice, et c'est par l�� que les contes, quoi qu'on en dise, sont une lecture morale.--Ils ne sont pas vrais, dit-on.--Sans doute, c'est pour cela qu'ils sont moraux. M��res qui aimez vos fils, ne les mettez pas trop t?t �� l'��tude de l'histoire; laissez-les r��ver quand ils sont jeunes. Ne fermez pas leur ame �� ce premier souffle de po��sie. Rien ne fait peur comme un enfant raisonnable et qui ne croit qu'�� ce qu'il touche. Ces sages de dix ans sont �� vingt des sots, ou, ce qui est pis encore, des ��go?stes. Laissez-les s'indigner contre Barbe-Bleue, pour qu'un jour il leur reste un peu de haine contre l'injustice et la violence, alors m��me qu'elle ne les atteint pas.
Parmi ces recueils de contes, il en est peu qui, pour l'abondance et la na?vet��, rivalisent avec ceux de Norw��ge et d'Islande. On dirait que, rel��gu��es dans un coin du monde, ces vieilles traditions s'y sont conserv��es plus pures et plus compl��tes. Il ne faut pas leur demander la grace et la mignardise des contes italiens; elles sont rudes et sauvages, mais par cela m��me elles ont mieux gard�� la saveur de l'antiquit��.
Dans les Contes islandais comme dans l'_Odyss��e_, ce qu'on admire par-dessus tout, c'est la force et la ruse, mais la force au service de la justice, et la ruse employ��e �� tromper les m��chants. Ulysse aveuglant Polyph��me et raillant l'impuissance et la fureur du monstre est le mod��le de tous ces bannis dont les exploits charment les longues veill��es de la Norw��ge et de l'Islande. Il n'y a pas moins de faveur pour ces voleurs adroits qui entrent partout, voient tout, prennent tout et sont au fond les meilleurs fils du monde. Tout cela est visiblement d'une ��poque o��
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