vous l��avez laiss��e vivre quand vous pouviez la tuer, mais c����tait par calcul et non par piti��; vous vous attribuez les droits d��un ma?tre; l��enfant vous est utile pour tenir votre m��nage, pour vous servir et recevoir vos coups quand vous avez besoin de d��charger votre col��re sur quelqu��un; vous en faites votre esclave, votre souffre- douleur, votre chien et...
"�� Manon! cria le braconnier avec un geste terrible."
La vieille femme se tut.
Alors la Moucheronne, se glissant derri��re elle, murmura doucement �� son oreille:
"�� Gardez-moi.
"�� Je ne le puis, pauvre ange du bon Dieu, r��pliqua la bonne cr��ature en se retournant."
Et deux larmes coururent dans les sillons creus��s par les rides, peut-��tre par les pleurs.
La petite fille courba la t��te �� son tour, mais elle eut la force de ne pas pleurer.
"�� Suis-moi, grogna Favier en brandissant au-dessus de ses fr��les ��paules son ��norme baton noueux."
Mais il se sentit aussit?t saisir fortement par sa blouse; il se retourna, une mal��diction aux l��vres, croyant, que c����tait encore la m��re Manon qui se pla?ait entre lui et sa victime; il rencontra l����chine maigre, les crocs aigus et les yeux ardents de la louve, et il ne frappa point.
Tous les trois reprirent le chemin de la cabane, laissant la m��re Manon seule et triste chez elle.
L��homme marchait �� grandes enjamb��es en sifflotant une chanson obsc��ne entre ses dents; la louve suivait, l��oreille basse, comme fach��e de rentrer au logis, et l��enfant trottinait aussi vite que le permettait la petitesse de ses pieds, en retournant cette pens��e dans son cerveau fatigu��:
"Pourquoi donc m��a-t-il laiss��e vivre puisqu��il ne m��aime pas? Il valait bien mieux me laisser dans la mort."
CHAPITRE V
LES REVES DE LA MOUCHERONNE.
De ce jour-l��, le petit esprit neuf et inculte de la fillette se mit �� travailler: ses mains et son corps seuls se livr��rent aux dures occupations quotidiennes; elle remplissait machinalement son devoir et son esprit trottait au loin.
Quelles r��flexions s��agitaient dans cette petite t��te? Dieu seul pouvait le savoir avec Nounou qui recevait les confidences de l��enfant.
Lorsque vint l����t��, avec ses journ��es br?lantes et ses nuits splendides, Favier s��absenta davantage et son souffre-douleur eut quelque r��pit. Rose demeurait �� pr��sent au village.
En dehors de la for��t, c����tait une fournaise de soleil que fuyaient les hommes et les b��tes; au dedans, c����tait l��ombre et la fra?cheur d��licieuse.
La Moucheronne r��vait souvent aux paroles de Manon; sans le savoir, la vieille femme avait ��veill��, dans les recoins obscurs de ce jeune esprit, bien des choses qui y sommeillaient.
Cette petite fille de sept ans �� peine qui avait pass�� sa vie entre un homme silencieux et farouche, une servante imb��cile et une louve, ��tait d��une ignorance absolue; seulement Dieu l��avait cr����e intelligente et r��fl��chie; d��j�� elle commen?ait �� se demander le pourquoi de ce qui est. Manon lui avait parl�� du p��re et la m��re, de leurs soins, de leur sollicitude pour leurs enfants, et la Moucheronne ��tudia la famille sur les animaux; elle observa les oiseaux et vit, �� la saison des nids, comment la femelle couvait ses petits avec amour, comment le p��re les nourrissait avec vigilance.
Elle vit les jeunes lapins folatrer dans l��herbe tendre autour de leurs parents; elle chercha �� comprendre la nature enti��re, jusqu���� la pouss��e des plantes les plus infimes; et elle apprit beaucoup de belles choses qui ��chappent �� de plus savants.
"Favier n��a jamais eu d��enfants, se dit-elle un jour, apr��s une de ses longues r��veries; Rose non plus; Manon et Nounou en ont eu, je suis s?re. Et moi, ai-je un p��re et une m��re? Qui sait? peut-��tre! Alors comment suis-je en la possession de ce m��chant homme? On n��ach��te pas les petits enfants comme on ach��te les objets n��cessaires �� la vie. Sans doute que mes parents ont p��ri comme la famille de chardonnerets dont le dernier orage a d��truit le nid, et j��aurai ��chapp�� �� la mort comme le petit oiseau presque sans plumes encore que j��ai nourri quelques jours."
Il y avait des noms d��animaux qu��elle ignorait absolument, d��autres qu��elle connaissait pour les avoir entendu prononcer par Favier; sa m��moire fra?che retenait tout sans peine.
Elle se demandait aussi qui allumait l��-haut, dans l��azur fonc�� de la nuit, ces ��toiles d��or dont la lueur ruisselait entre le feuillage.
Souvent, voulant faire partager son admiration �� Nounou, elle lui levait le museau vers le ciel pour lui faire go?ter les beaut��s du firmament, mais l��animal ��tait blas�� sans doute sur cet ��blouissant spectacle, car il se contentait de l��cher la main de la fillette et se remettait �� ronger un os ou �� somnoler sur le seuil de la cabane.
Une fois encore la Moucheronne tenta de suivre la louve chez la m��re Manon.
"Reviens chaque fois que tu le pourras lui avait dit la vieille femme."
Mais Favier s��en ��tait aper?u, et apr��s une dure correction, il cria �� la fillette:
"��
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