Notre-Dame de Paris -- 1482 | Page 9

Victor Hugo
s��parait ployer et faire ventre sous la pression de la foule.
Le moment ��tait critique.
?�� sac! �� sac!? criait-on de toutes parts.
En cet instant, la tapisserie du vestiaire que nous avons d��crit plus haut se souleva, et donna passage �� un personnage dont la seule vue arr��ta subitement la foule, et changea comme par enchantement sa col��re en curiosit��.
?Silence! silence!?
Le personnage, fort peu rassur�� et tremblant de tous ses membres, s'avan?a jusqu'au bord de la table de marbre, avec force r��v��rences qui, �� mesure qu'il approchait, ressemblaient de plus en plus �� des g��nuflexions.
Cependant le calme s'��tait peu �� peu r��tabli. Il ne restait plus que cette l��g��re rumeur qui se d��gage toujours du silence de la foule.
?Messieurs les bourgeois, dit-il, et mesdemoiselles les bourgeoises, nous devons avoir l'honneur de d��clamer et repr��senter devant son ��minence Monsieur le cardinal une tr��s belle moralit��, qui a nom: Le bon jugement de madame la vierge Marie. C'est moi qui fais Jupiter. Son ��minence accompagne en ce moment l'ambassade tr��s honorable de monsieur le duc d'Autriche; laquelle est retenue, �� l'heure qu'il est, �� ��couter la harangue de monsieur le recteur de l'Universit��, �� la porte Baudets. D��s que l'��minentissime cardinal sera arriv��, nous commencerons.?
Il est certain qu'il ne fallait rien moins que l'intervention de Jupiter pour sauver les quatre malheureux sergents du bailli du Palais. Si nous avions le bonheur d'avoir invent�� cette tr��s v��ridique histoire, et par cons��quent d'en ��tre responsable par-devant Notre-Dame la Critique, ce n'est pas contre nous qu'on pourrait invoquer en ce moment le pr��cepte classique: Nec deus intersit[10]. Du reste, le costume du seigneur Jupiter ��tait fort beau, et n'avait pas peu contribu�� �� calmer la foule en attirant toute son attention. Jupiter ��tait v��tu d'une brigandine couverte de velours noir, �� clous dor��s; il ��tait coiff�� d'un bicoquet garni de boutons d'argent dor��s; et, n'��tait le rouge et la grosse barbe qui couvraient chacun une moiti�� de son visage, n'��tait le rouleau de carton dor��, sem�� de passequilles et tout h��riss�� de lani��res de clinquant qu'il portait �� la main et dans lequel des yeux exerc��s reconnaissaient ais��ment la foudre, n'��tait ses pieds couleur de chair et enrubann��s �� la grecque, il e?t pu supporter la comparaison, pour la s��v��rit�� de sa tenue, avec un archer breton du corps de monsieur de Berry.

II
PIERRE GRINGOIRE
Cependant, tandis qu'il haranguait, la satisfaction, l'admiration unanimement excit��es par son costume se dissipaient �� ses paroles; et quand il arriva �� cette conclusion malencontreuse: ?D��s que l'��minentissime cardinal sera arriv��, nous commencerons?, sa voix se perdit dans un tonnerre de hu��es.
?Commencez tout de suite! Le myst��re! le myst��re tout de suite! criait le peuple. Et l'on entendait par-dessus toutes les voix celle de Johannes de Molendino, qui per?ait la rumeur comme le fifre dans un charivari de N?mes:--Commencez tout de suite! glapissait l'��colier.
--�� bas Jupiter et le cardinal de Bourbon! vocif��raient Robin Poussepain et les autres clercs juch��s dans la crois��e.
--Tout de suite la moralit��! r��p��tait la foule. Sur-le-champ! tout de suite! Le sac et la corde aux com��diens et au cardinal!?
Le pauvre Jupiter, hagard, effar��, pale sous son rouge, laissa tomber sa foudre, prit �� la main son bicoquet; puis il saluait et tremblait en balbutiant: Son ��minence... les ambassadeurs... Madame Marguerite de Flandre... Il ne savait que dire. Au fond, il avait peur d'��tre pendu.
Pendu par la populace pour attendre, pendu par le cardinal pour n'avoir pas attendu, il ne voyait des deux c?t��s qu'un ab?me, c'est-��-dire une potence.
Heureusement quelqu'un vint le tirer d'embarras et assumer la responsabilit��.
Un individu qui se tenait en de?�� de la balustrade dans l'espace laiss�� libre autour de la table de marbre, et que personne n'avait encore aper?u, tant sa longue et mince personne ��tait compl��tement abrit��e de tout rayon visuel par le diam��tre du pilier auquel il ��tait adoss��, cet individu, disons-nous, grand, maigre, bl��me, blond, jeune encore, quoique d��j�� rid�� au front et aux joues, avec des yeux brillants et une bouche souriante, v��tu d'une serge noire, rap��e et lustr��e de vieillesse, s'approcha de la table de marbre et fit un signe au pauvre patient. Mais l'autre, interdit, ne voyait pas.
Le nouveau venu fit un pas de plus: ?Jupiter! dit-il, mon cher Jupiter!?
L'autre n'entendait point.
Enfin le grand blond, impatient��, lui cria presque sous le nez:
?Michel Giborne!
--Qui m'appelle? dit Jupiter, comme ��veill�� en sursaut.
--Moi, r��pondit le personnage v��tu de noir.
--Ah! dit Jupiter.
--Commencez tout de suite, reprit l'autre. Satisfaites le populaire. Je me charge d'apaiser monsieur le bailli, qui apaisera monsieur le cardinal.?
Jupiter respira.
?Messeigneurs les bourgeois, cria-t-il de toute la force de ses poumons �� la foule qui continuait de le huer, nous allons commencer tout de suite.
--Evoe, Jupiter! Plaudite, cives[11]! cri��rent les ��coliers.
--No?l! No?l!? cria le peuple.
Ce fut un battement de mains assourdissant, et Jupiter ��tait d��j�� rentr�� sous sa tapisserie que la salle tremblait

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