elle ��tait partie que, ce matin-l��, elle n'avait pas rendu visite, dans sa chapelle, �� Notre-Dame-d'Amour, �� Notre-Dame l'abandonn��e!
Zanette allait donc, jolie, sur son cheval blanc qui la portait sans peine, si l��g��re, si mignonne! Elle allait, un peu attrist��e au d��part, mais sans beaucoup d'inqui��tude, car on sait le combattre, le mal des paluns. Ceux qui l'ont d'ailleurs l'acceptent et peuvent vivre vieux malgr�� tout.
A peine en route, la ga?t�� de la lumi��re, du mouvement, la prit, et elle fut distraite des pens��es noires par sa jeunesse et par les choses qui l'entouraient, par la danse des mouissales et des oestres, dont les ailes vibrantes l'accompagnaient d'une musique fine, qui semblait la voix m��me de la lumi��re.
Les mouissales par myriades et les oestres aussi s'attachaient �� ses ��paules, �� ses bras, et couvraient la peau du cheval blanc qui en ��tait tout noir et frissonnait pour les secouer. Et chaque fois que ces bestioles s'envolaient, Zanette voyait le beau sang du cheval couler des piq?res en fils de pourpre entre-crois��s qui lui mettaient sur le flanc et sur la croupe comme une r��sille ��carlate! Ces b��tes irritantes ne piquaient pas les mains actives de la petite, ni son visage d'o�� sa main les chassait sans cesse, mais le cheval inquiet bien qu'il y f?t habitu��, se contenait mal, voulait �� tout moment prendre le galop....
--Doucement, doucement, Griset! lui disait Zanette de sa fine voix.
Elle avait pris, pour aller plus vite, des ?raccourcis? qu'elle connaissait, piquant droit �� travers la plaine, dans les saladelles violettes, dans les enganes, qui tigraient, de leurs touffes ��gales et grasses de soude, de grands espaces de sable gris. Le cheval de Zanette trottait ou galopait l��-dedans, sans effleurer une seule tige d'herbe, levant avec pr��cision ses sabots vierges de fer, de fa?on �� retomber toujours dans le sable d'o�� il les retirait sans fatigue--ce que n'aurait pas su faire un cheval n�� en d'autres pays. Mais lui, c'��tait un pur camarguais; il ��tait n�� au soleil, un matin, en plein mar��cage, au milieu de ces sables, de ces enganes, de ces roseaux, de ces siagnes. Tout cela le connaissait et il connaissait tout cela. Et joyeux de courir chez lui avec sa petite ma?tresse camarguaise comme lui, il s'��brouait en balan?ant la t��te, en fouettant ses flancs de sa queue tra?nante.
--Doucement, doucement, Griset! voici tes aigues... doucement.
Il les sentait depuis un moment, les aigues, ses belles amies, et, pointant vers elles ses oreilles, tendant sa queue un instant immobile et, faisant mine de s'arr��ter, Griset, la gorge renfl��e, la t��te un peu en arri��re se mit �� hennir fi��rement.
C'��tait bien elles, les aigues du mas de la Sir��ne, et aussi les taureaux. Les aigues blanches et grises, le cou bas, cherchaient leur vie dans les menus roseaux qui craquaient sous leur pied et sous leurs dents. Elles relev��rent la t��te et reconnurent le Griset qui, de temps en temps, leur ��tait rendu, revenait libre parmi elles et dont elles se rappelaient peut-��tre les folles caresses et les morsures.... Puis, le voyant brid��, harnach��, mont��, elles se remirent �� brouter l'herbe saline, sans plus s'occuper de lui, comme si elles le m��prisaient....
Les taureaux tous noirs, en ce moment ��taient pour la plupart couch��s; ils ruminaient, leurs jarrets repli��s sous les poitrails larges, des fils de bave claire, iris��e au soleil, pendant du coin de leur bouche jusqu'�� terre. Ils tourn��rent tous la t��te du c?t�� de la voyageuse, mais lentement, sans peur ni menace, et comme sans la voir.... Leurs gros yeux fixes semblaient r��ver; ils songeaient �� d'autres paturages, regrett��s peut-��tre, o�� on les ram��nerait un jour, aux baignades dans le Rh?ne qu'il leur faut parfois passer �� la nage, aux jeux du cirque, o�� quelquefois ils avaient ��t�� bless��s.
Deux gardians, bien droits sur leur selle, la pique �� l'��trier, surveillaient la manade, immobiles et r��vant aussi, comme leurs taureaux.
Zanette s'arr��ta �� regarder deux jolies vaches noires, fines et nerveuses, qui, debout, regardaient au loin tandis que leurs veaux les caressaient, cherchant la t��tine, maladroits �� la trouver, et la repoussant vingt fois du mufle avant de la saisir, pour jouer peut-��tre....
Tout �� coup, Zanette vit les gardians s'��lancer vers elle, au galop....
--Gardez-vous, demoiselle!
Ils avaient cri�� trop tard pour la pr��venir du p��ril qui, sans qu'elle s'en doutat, la mena?ait.
Sultan, le fameux ��talon syrien, indompt�� et peut-��tre indomptable, qui, �� tout moment, mettait le d��sordre dans la manade, blessant chevaux, cavales, taureaux et m��me les hommes,--accourait tout �� coup contre elle, derri��re elle. ��touff�� dans le sable, le bruit de son galop, perdu dans le bruit du double galop des gardians, ne s'entendait pas. Elle regardait, sans comprendre, le mouvement des gardians. Et quand ils furent tout pr��s d'elle:
--Zou! en avant! lui cri��rent-ils.
D'un mouvement instinctif, elle enleva sur place Griset au galop; elle venait
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