Noa Noa | Page 5

Paul Gauguin
l'exp��rience de maints auteurs* et sans pr��tentions �� de la nouveaut��) d��sign��.
* Toutefois, je dois noter que la simple alternance de la prose et des vers a suffi pour rebuter plusieurs ��diteurs; ils affirment qu'il n'y a pas de lecteurs pour ce genre d'��crire. Je conserve les autographes o�� ces commer?ants ont consign�� leur unanime opinion,--documents, dont je ne m'exag��re pas la valeur, pour l'histoire litt��raire de mon temps.
Le h��ros, humain, des passions, reste le peintre.
--Mais ne nous ment-il pas? et pourquoi le croire? Qui nous donnera la certitude qu'elle soit vraiment, l'?le lointaine o�� nous ne sommes pas all��s, cette terre d��licieuse et condamn��e? Dans le m��me d��cor un autre, sans doute, e?t entendu d'autres paroles....
--Par quelle fausse ind��pendance d'esprit, au lieu d'��couter la seule voix qui s'��l��ve, qu��terais-tu en des r��sonances qui n'ont pas vibr�� les termes absents d'une comparaison vaine?
--... Un autre e?t ��teint aux premiers plans l'incendie tropical pour en r��server les flammes �� l'illumination des fonds, laissant sur ce rideau clair cette humanit�� fauve s'agiter, fantomale, ou s'immobiliser dans la majest�� de son ample statuaire, morte: morte, en effet, ou qui bient?t--vous le dites--le sera, grande race ��puis��e par l'antiquit�� de son sang et les mollesses d'un climat trop cl��ment, ou atteinte, peut-��tre, aux sources de sa vie par le poison latin.... Un autre, fid��le �� la gloire du type occidental de la beaut��, nous e?t cach�� le charme dangereux de la V��nus dor��e, si robuste (ou si grossi��re?) et qui viole nos habitudes ��prises de faiblesse gracieuse, d'��l��gance maladive, de noblesse affili��e.... Un autre, curieux seulement de v��rit��....
--Et, chacun selon sa loi propre, tous mentiraient ��galement �� ton d��sir, si tu pr��tends usurper leur r?le au service de cette V��rit��, qui n'est pas, en soi, qui n'a lieu que dans nos ames, et qui varie avec elles.
--Soit, et je sais que deux paires d'yeux ne virent jamais identique la m��me r��alit��. Encore est-il des limites �� l'interpr��tation de l'art. Ici, je sens qu'elles sont franchies. Il y a plus d'invention que d'imitation, plus d'arbitraire despotisme que de fid��lit��, et j'ai, d��s lors, le droit de discuter le caprice qui groupe des fantasmagories de songes sous cette ��tiquette: Tahiti!
--Non.
L'interpr��tation artistique n'a d'autres limites que les lois de l'harmonie.
Si, les regards sur l'objet qui suscite son ��motion, l'artiste produit une oeuvre harmonique en chacune de ses diverses parties comme en son ensemble, cette oeuvre est l'expression tr��s fid��le et tr��s vraie de cet objet par cet artiste, si vaste qu'entre le mod��le et la copie tu constates l'��cart. L'��cart peut ��tre plus ou moins ��vident, mais il est toujours. Car il n'y a pas art s'il n'y a pas transposition. M��me celui qui croit copier, s'il est un artiste, transpose, puisque c'est color��es par sa vision personnelle que nous apparaissent les choses par lui "copi��es",--et tu avoues qu'un autre, son ��gal en m��rite et avec le m��me scrupule d'exactitude, nous les montrerait autrement color��es. Il arrive que l'interpr��tation la plus lointaine soit la plus vraie: d��fie-toi de tes yeux, passant, et songe que l'artiste a fait un long effort pour tacher de p��n��trer au secret profond des choses.
On n'a jamais rien pris �� la nature avec les mains, que pour combler les cuisines et les herbiers, les m��nageries et les mus��es d'histoire naturelle. Les choses ainsi d��rob��es �� la nature--seules r��alit��s objectives, pourtant, sur lesquelles tous les t��moins soient d'accord--entre nos mains s'alt��rent, se transforment vite et nous font peu d'honneur. Quel Diog��ne a dit des lions vol��s au d��sert que nous sommes leurs domestiquer et non pas leurs propri��taires? et la mort ne tarde pas �� nous les reprendre. Elle ne les reprendra pas au peintre qui sut les peindre, c'est lui le seul dompteur.
La Nature ne nous livre que des Symboles: le sens qu'elle prend en nous, la sensation, le sentiment, l'id��e que nous avons d'elle. Nous ne la poss��dons que par ce d��tour et c'est de ces fictions qu'est faite notre r��alit��. Mais le substrat, le pr��texte de ces fictions, est in��puisable, eucharistique: nous pouvons communier tous �� sa richesse infinie; pour tous diversement, pour chacun pleinement, la Nature est toujours significative.
Or, l'Art--qui est dans la Nature--participe �� ce divin caract��re Comme elle, contempl��, il rayonne. Selon la vari��t�� des esprits il se multiplie. Le musicien peut susciter le peintre, comme les murmures de la for��t ont suscit�� le musicien.
L'Art r��alis�� peut ��tre pour moi la Nature: elle a, seulement, d��j�� pris dans une ame conscience de soi.
De Tahiti son peintre rapporte des feuilles de tamaris o�� se seraient fl��tries les belles syllabes de ce mot? une poign��e de sable? une femme vivante? le soleil? le r��ve qu'il en eut, avec ses yeux, avec son esprit, avec son coeur: Tahiti recr����e par son intelligence et sa sensibilit��, telle qu'au cours de deux ann��es
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