la plus concise et sous la forme la
plus pauvre. Il fut publié par la même maison qui plus tard donna les
deux magnifiques éditions des oeuvres complètes d'Abel.
Les années 1824 et 1825 furent consacrées à un travail sans répit. Les
manuscrits qui datent de cette époque, et qui furent publiés plus tard,
sont tous de la plus haute importance, et contiennent la preuve
suffisante que les grandes lignes d'à peu près toutes les plus grandes
découvertes d'Abel étaient alors déjà établies. Il raisonnait sans doute à
ce moment comme sur les bancs de l'école, lorsqu'il s'agissait de la
composition latine de Riddervold, et, parmi les « sciences accessoires »,
il n'y avait guère que le français auquel il accordât quelque attention.
Vers l'automne de 1825, le désir de voyager le reprit fortement, et il
demanda lui-même alors une bourse de voyage de deux ans. Il dit dans
sa pétition:
Dès mes premières années d'école j'ai étudié les mathématiques avec
grand plaisir, et j'ai continué cette étude pendant les deux premières
années que j'ai passées à l'Université. Mes progrès non sans succès ont
amené le conseil académique à me recommander pour la subvention
qu'il a plu gracieusement à Votre Majesté de m'accorder sur le Trésor,
pour que je puisse continuer mes études à l'Université norvégienne, et
en même temps cultiver davantage les langues savantes. Depuis lors j'ai,
du mieux que j'ai pu, conjointement aux sciences mathématiques,
étudié les langues anciennes et modernes, parmi ces dernières
particulièrement le français. Après m'être ainsi efforcé grâce aux
ressources actuelles dans le pays, de me rapprocher du but assigné, il
me serait extrêmement utile, par un séjour à l'étranger près de plusieurs
universités, surtout à Paris, où il se trouve aujourd'hui tant de
mathématiciens éminents, d'apprendre à connaître les productions les
plus récentes de la science, et de profiter des indications des hommes
qui l'ont portée de notre temps à une si grande hauteur. J'ose donc, en
raison de ce qui précède, et des attestations ci-jointes de mes supérieurs,
prier très humblement Votre Majesté qu'il me soit accordé
gracieusement une bourse de voyage de 600 species (3.360 francs)
d'argent par an, pour continuer pendant deux ans, à Paris et à Göttingen,
à cultiver les sciences mathématiques.
Hansteen ajoute sa recommandation à la pétition d'Abel:
... Pendant le temps qu'il a ainsi, et surtout grâce à la subvention de
Votre Majesté, passé à l'Université, il a, dans plusieurs mémoires
publiés dans le Magasin pour les Sciences physiques et naturelles, qui
est édité ici, et plus encore par un travail plus important, non encore
imprimé, relatif à un perfectionnement de méthode dans le calcul
intégral, donné des preuves d'une ardeur et d'une puissance de travail
rares, en même temps que de capacités exceptionnelles. Son caractère
et sa moralité méritent un éloge égal, ce dont j'ai eu occasion de me
convaincre par mes relations personnelles avec lui. Comme quelques
indications des hommes les plus éminents dans une science ont souvent
plus d'influence que la lecture prolongée des livres, je crois qu'un séjour
de deux ans parmi les mathématiciens les plus éminents de notre temps
serait pour M. le candidat [Note: Titre qui désigne l'étudiant ayant
passé l'examen philosophicum.] Abel extrêmement profitable, et que la
patrie, dans ces conditions, aura l'espoir le plus fondé de gagner en lui
un savant dont elle aura honneur et profit.
Par une résolution royale du 27 août 1825, la demande d'Abel fut
accordée. Il y a peu d'actes gouvernementaux, dans l'histoire des pays
scandinaves, dont les conséquences aient été plus grandes pour la
science.
Bjerknes décrit de la manière suivante l'aspect extérieur d'Abel,
lorsqu'il quitta son pays:
Abel avait des traits réguliers, on peut même dire vraiment beaux; son
regard et ses yeux étaient d'une beauté peu commune; mais un teint
pâle, sans fraîcheur et sans éclat, ternissait l'agrément de sa figure. On
était frappé de la conformation particulière de la tête avec son ovale
saillant; le crâne fortement développé semblait témoigner d'une
intelligence extraordinaire. Sur son front haut et large, caché en partie
par sa chevelure tombante, régnait une expression méditative. Un
sentiment de bienveillance était empreint sur son visage.
Il existe un seul portrait original d'Abel certain. C'est un dessin à l'encre
de Chine et au crayon, fait à Paris en 1826 par l'ami d'Abel, le peintre
norvégien Goerbitz [Note: L'original est la propriété de Mme Thekla
Lange, nièce d'Abel. Il a été photographié en 1882 à Stockholm, et une
reproduction de cette photographie figure en tête de la revue
mathématique scandinave, Acta mathematica, qui ainsi, quatre-vingts
ans après la mort d'Abel, fit son entrée dans le monde sous son égide.
L'original a été gravement abîmé par des taches d'humidité, qui
s'étendent de plus en plus.]. Personne, en voyant le dessin de Goerbitz,
ne peut méconnaître qu'il représente un jeune homme
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