Niels Henrik Abel | Page 4

G. Mittag-Leffler
au Regentsen devait être toutefois des plus
modestes. Un camarade, Rasch, qui devint professeur, raconte qu'Abel
était tellement dépourvu des choses les plus nécessaires, qu'il possédait,
en commun avec son frère et camarade de lit, une unique paire de draps,
en sorte que les deux frères devaient coucher sans draps lorsqu'elle était
au blanchissage. Niels Henrik, dès février 1822, avait demandé « qu'il
me soit permis d'avoir mon frère avec moi dans ma chambre à la
fondation universitaire ». Cette pièce était occupée déjà, outre Abel, par
Jens Smidt, qui déclara ne s'opposer en rien à ce que le frère d'Abel
partageât leur « chambre commune ». Ce frère était celui qui devint
prêtre. Il lui causa beaucoup de soucis tant qu'ils vécurent ensemble, et
aussi plus tard. Abel put toutefois, dans la pauvre chambre du
Regentsen qu'il partageait avec deux autres jeunes gens, continuer ses
études personnelles. Il ne pouvait guère être question d'aucun
enseignement à recevoir de l'université. En mathématiques elle n'avait
rien à lui apprendre. En d'autres matières il aurait été un auditeur
distrait, absorbé comme il était par ses rêveries mathématiques. On
parla longtemps du scandale qu'il causa un jour en se précipitant hors

de la salle de conférences de Sverdrup en criant: « Je la tiens » (la
solution).
En juin 1822 Abel passa l'« examen philosophicum ». En 1823 il se
présente pour la première fois comme écrivain, et le « Magasin des
sciences naturelles » a la gloire d'avoir publié le premier travail du «
Studiosus N. H. Abel ». Il est précédé d'une note de Hansteen, qui
s'excuse de publier des mathématiques dans un recueil de sciences
naturelles. L'année 1823 renferme trois mémoires différents. Le
jugement de Bjerknes à leur sujet: « Ils ne le signalent pas encore
comme le mathématicien très remarquable, encore moins comme le
grand mathématicien », me paraît une dépréciation excessive de leur
mérite. Tout au moins les deux derniers mémoires contiennent des
aperçus et des dessous extrêmement remarquables, bien que leur
origine exacte n'ait apparu clairement qu'en ces derniers temps.
Plusieurs manuscrits rédigés en norvégien sont considérés comme
datant de la même époque, ils ont été après la mort d'Abel publiés par
Holmboe. Abel s'y tient, de même que dans les mémoires du « Magasin
des sciences naturelles », au point de vue d'Euler et de Lagrange, et il
est clair qu'il n'a pas encore pris une connaissance approfondie de
Cauchy.
Encore sur les bancs de l'école, Abel s'était attaqué déjà au problème de
la solution, au moyen de radicaux, de l'équation générale du cinquième
degré. La renaissance italienne avait achevé la solution des équations
générales du troisième et du quatrième degré, et la solution de
l'équation du cinquième degré devait tenter l'ambition de tout jeune
mathématicien. Gauss, il est vrai, était déjà parvenu à la conviction que
cette solution est impossible au moyen de radicaux, mais il semble
avoir été loin d'en pouvoir donner une démonstration. Abel, qui ne
connaissait pas l'idée de Gauss, crut avoir trouvé la solution générale
cherchée, et un mémoire à ce sujet fut envoyé par Hansteen à Degen, à
Copenhague, avec la prière que Degen présentât ce travail de l'élève de
l'école cathédrale de Kristiania à la Société danoise des sciences. Degen
accepte la commission « avec plaisir », en considération de ce que le
mémoire montre « une capacité exceptionnelle et des connaissances
exceptionnelles », bien qu'il ne se sente pas assuré que le problème soit

réellement résolu. Cette première connaissance avec Degen amena en
l'été de 1823 une visite d'Abel à Copenhague, pour laquelle 100
speciedaler (environ 560 francs) lui furent remis par le professeur de
mathématiques Rasmussen, nouveau trait de l'attention magnanime qui
lui fut témoignée par les professeurs. A combien de professeurs
d'université dans le Nord est-il arrivé de prendre l'initiative d'envoyer
leur meilleur élève à un collègue de la même branche dans une autre
université scandinave? A Copenhague, Abel ne trouva pas que les
mathématiques fussent précisément « florissantes », et il ne réussit pas
à « découvrir un seul étudiant qui soit un peu solide ». Degen lui-même
était pourtant digne du plus grand respect: « C'est un diable d'homme, il
m'a montré plusieurs de ses petits mémoires, et ils témoignent d'une
grande finesse. »
Les dames de Copenhague -- Abel est jeune et s'intéresse toujours aux
dames, de même sans doute qu'elles s'intéressent à lui -- n'obtinrent
qu'un éloge limité: « Les dames de la ville sont horriblement laides, et
gentilles tout de même. »
Ce fut alors, à Copenhague, qu'Abel fit connaissance avec Christine
Kemp, plus tard sa fiancée. Ils se rencontrèrent à un bal. Abel, qui
probablement la trouva « gentille », l'invita à danser, mais au moment
de commencer, il se trouva qu'aucun des deux ne savait. Ils se mirent à
causer, et
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