Niels Henrik Abel | Page 7

G. Mittag-Leffler
de cette p��riode de sa vie, d'humeur sombre, mais en m��me temps vif et gai avec ses camarades. Il ��tait aim�� de tous, avait partout des amis et jamais aucun ennemi. En soci��t��, tr��s vif, et joueur presque comme un enfant, tant?t piquant et pittoresque en ses expressions, tant?t sensible et tendre, il ��veillait la sympathie de tous, m��me apr��s la connaissance la plus fugitive. Il semble �� un degr�� rare avoir ��t�� simplement homme parmi les hommes, et libre de tout conventionnalisme. Il conserva toujours, par exemple, le tutoiement de l'enfance, m��me �� l'��gard d'��trangers. Il est d'ailleurs ��vident que pendant sa jeunesse -- et il ne fut jamais autre chose que jeune -- ses pens��es g��niales et puissantes ne pouvaient suivre le courant d'une existence parfaitement r��gl��e. La nuit devenait jour, et le jour ��tait nuit, et les pens��es ��taient jet��es dans les cahiers de notes quand et comme elles venaient. Puis il y avait des p��riodes de d��pression et de fatigue. Il pouvait rester des jours entiers seul, silencieux, maussade, et compl��tement inactif. Si on lui demandait ce qu'il avait, il r��pondait: ? Je suis sombre. ? Puis venaient d'autres jours pleins d'entrain. A Berlin, au- dessus de la colonie norv��gienne �� laquelle appartenait Abel, n'habitait rien de moins que le philosophe Hegel. Ayant demand�� quels ��taient ces gens dont le tapage d��rangeait son travail, on lui dit que c'��taient des ? d?nische Studenten ?. Il para?t qu'il r��pondit: Ce ne sont pas des Danois, mais des ours russes. ? Nicht D?nen, es sind russische B?ren. ?
Le physiologue Chr. Boeck, dont je fis la connaissance en sa vieillesse, m'a rapport�� qu'�� l'��poque o�� il habitait avec Abel dans la m��me chambre �� Berlin, il ne se passait gu��re de nuit sans qu'Abel allumat la lumi��re en pleine nuit, sautat hors du lit, et se m?t �� ��crire ou �� calculer. Une fois il ��tait rest�� plus longtemps que d'habitude �� la table, et il raconta le lendemain �� Boeck que c'��tait une question math��matique dont il avait cherch�� la solution pendant des mois sans avancer, qui tout �� coup s'��tait ��claircie pour lui lorsqu'il s'��tait r��veill�� dans la nuit. C'��tait cette question qu'il avait not��e. Mais pour Boeck, de m��me que pour ses autres amis, les pens��es d'Abel, ce qu'il y avait de plus profond dans sa vie, sa v��ritable grandeur, ��taient un livre ferm��, et Boeck n'avait aucune id��e de la d��couverte que cette nuit a donn��e �� la science.
Avant de partir, Abel, avec une attention touchante, prit des mesures en faveur de son fr��re, son camarade de lit du Regentsen, pour qui il d��posa une somme d'argent, prise sur son strict n��cessaire, et de sa soeur, qu'il r��ussit �� retirer de chez sa m��re, et �� placer dans le meilleur entourage �� Kristiania. Il est curieux de voir l'adresse d'homme du monde et l'��nergie qu'il savait d��ployer lorsqu'il s'agissait de ceux qui lui ��taient chers. Le voyage commen?a dans les premiers jours de septembre, en compagnie de quelques autres jeunes gens, qui avaient aussi obtenu des bourses de voyage, et qui plus tard, sans toutefois atteindre, il s'en fallut de beaucoup, la grandeur d'Abel, se sont acquis une place glorieuse dans l'histoire savante de la Norv��ge. Apr��s une courte visite chez Christine Kemp, qui ��tait rest��e comme gouvernante dans une famille norv��gienne �� Soon, sur le fjord de Kristiania, et qui ��tait devenue la fianc��e d'Abel depuis deux ans, le voyage continua par Hambourg sur Berlin avec les amis. L'intention d'Abel avait ��t�� d'aller �� Goettingen chez Gauss, le grand solitaire, lequel, alors ag�� de quarante-huit ans, ��tait depuis sa vingt- quatri��me ann��e et la publication des Disquisitiones arithmeticae, le ? princeps mathematicorum ?, mais la crainte d'Abel de se trouver sans compagnie modifia ses plans, et il accompagna les autres �� Berlin. Abel n'alla pas davantage plus tard �� Goettingen. Gauss y vivait dans sa grandeur, seul, admir��, mais �� peu pr��s incompris. La distance entre lui et ses coll��gues math��maticiens allemands de l'��poque ��tait aussi grande que la distance entre le jour et les t��n��bres, entre le savoir et le pr��jug��. Paris ��tait le centre math��matique du temps, et les intelligences math��matiques les plus hautes y ��taient r��unies. Gauss d'ailleurs n'��prouvait aucun d��sir de s'entourer d'��l��ves ou de s'occuper activement �� dissiper la nuit nationale. Il lui suffisait de publier de temps en temps, apr��s des ann��es de pr��paration, un de ces chefs-d'oeuvre incomparables par la forme et le contenu, qui �� jamais, tant que sur la terre une race d'hommes vivra, o�� se formeront des intelligences capables d'appr��cier les cr��ations de la pens��e pure, seront compt��s parmi les plus pr��cieux tr��sors de la civilisation. Il ��tait bien aussi pour ses contemporains allemands le grand Gauss, mais il l'��tait pour ses applications des
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