pas ajouter que souvent, après une piq?re, il se produit chez certaines personnes un état comateux dont les suites peuvent être graves.
* * * * *
Le soir était venu, et Olivier demeurait seul auprès de madame, lorsqu'un appel se fit entendre à la porte.
--Entre, ma bonne Catissou, autorisa le marquis.
Une femme s'avan?a très droite, malgré son grand age, en robe de popeline noire, coiffée d'un fichu de soie rouge, à la manière des Bordelaises; elle marchait, recueillie et non pas servile: deux bandeaux de cheveux blancs ornaient son front sillonné de rides profondes, et sa bouche démeublée gardait un sourire de bonté infinie.
Cette vieille servante avait vu na?tre et grandir Olivier, là-bas, en Limousin, dans le manoir ancestral de Montreu; elle l'avait élevé, dorloté, à la mort des parents, et sous la tutelle d'un oncle aujourd'hui disparu. Et quand le gentilhomme, marié à l'unique héritière d'une noble maison, quitta la Haute-Vienne pour Paris, elle voulut le suivre, le servir encore, de tout son dévouement de chienne maternelle aimée et respectée.
En cet h?tel du boulevard Malesherbes, au milieu des larbins qu'elle commandait, de toute la valetaille fin-de-siècle, elle aimait à tricoter des bas, le soir, près des fourneaux de la cuisine, en gémissant des vastes cheminées seigneuriales et des flambées énormes.
Olivier voyait en elle une amie, presque une parente, et sur son ordre, elle le tutoyait comme autrefois du temps où elle déshabillait le petit gentilhomme, bordait le lit, s'enorgueillissait d'être l'humble maman de son ?monsieur?.
Elle dit, en patois limousin:
--Olivier, je viens de coucher la petite Jeanne. Comment se trouve notre dame?
--Beaucoup mieux, sourit le gentilhomme.
L'ancienne ajouta:
--Tu ne peux pas rester ici toute la nuit... Ta vieille est là... Voyons, il faut aller te coucher... Ne fais pas l'entêté...
M. de Montreu, assez hautain avec les autres serviteurs, riait des familiarités de Catherine, et loin de les combattre, il les encourageait par ses réponses patoises et l'évocation du lieu natal.
--Je veillerai tout seul.
--Non... Non...
Sans la brusquer, il poussa la femme vers la porte, courut embrasser dans la chambre voisine, Jeanne, sa fille, une blondinette de quatre ans; puis il s'installa dans un grand fauteuil.
Mais, avant l'aurore, Blanche l'invita des yeux à se glisser près d'elle, et ils s'aimèrent.
La jeune marquise oubliait sa maudite névralgie, et jamais elle ne fut plus amoureuse, ni plus désirable. Elle conservait le souvenir de la douleur, mais sous le charme de la morphine, dans l'apaisement de tout son être, cette douleur la désertait pour s'acharner contre une autre femme, et elle plaignait la rempla?ante immatérielle de tant souffrir.
D'autres phénomènes, au réveil de l'esprit, se manifestèrent avec les couleurs exactes des tableaux: sa chambre de malade se transforma en un parc magnifique, et la marquise revit le chateau paternel, les Tuilières, à la belle saison des vacances. Jeune fille, elle y fêtait ses deux meilleures amies du Sacré-Coeur, de Limoges: une cousine pauvre, Mathilde de Chastenet, aujourd'hui Mme Gouilléras, la femme d'un riche marchand de bois, toujours exilée dans leur trou de province; Geneviève Saint-Phar, oh! celle-ci, une demoiselle du dernier train, du dernier bateau, de la dernière périssoire, une doctoresse parisienne que Blanche e?t appelée à son lit de douleur, sans la crainte de blesser l'illustre ma?tre Aubertot.
Puis, la dame charmée se reportait aux jours où M. de Montreu engagea sa campagne amoureuse. Tous deux s'adoraient; l'union des La Croze et des Montreu assortissait les avantages de la naissance et la fortune. Mais, il y avait un rival, un jeune homme également bien né et plus millionnaire qu'Olivier--un voisin, le seigneur du chateau des Ormes, le comte Raymond de Pontaillac, alors lieutenant de cuirassiers.
Mlle de La Croze n'hésita pas: le grand Raymond l'effrayait, et elle choisit Olivier, malgré peut-être les désirs de son père.
Les relations se firent très rares entre les Montreu-La Croze et Pontaillac. Cependant, après la naissance de Jeanne, l'officier en congé se présenta aux Tuilières. Désormais, tout nuage s'évanouit; Raymond traitait Blanche en camarade, parlait à Olivier de ses ma?tresses.
A Paris, le feu s'était réveillé, embrasant le coeur et les sens du capitaine, et l'homme dut abriter sa passion irrésistible, sous les dehors d'un violent amour, d'un amour de parade pour la Stradowska.
III
Villa Sa?d, dans une vaste pièce au plafond de cristal et aux murailles tapissées de satin rouge et piquées d'objets étranges, de trophées, de fa?ences, de poignards, de fusils, de lances, de haches, de fouets de chasse, de têtes d'animaux, de cornes, de flamberges, de spontons, de hallebardes, d'ombrelles chinoises, de masques, de chapeaux mexicains, de sabres russes, Christine, allongée sur une montagne de peaux de bêtes, caressait tendrement ses deux grands lévriers noirs, Bog et Tolgo.
Elle était drapée d'un peignoir cachemire chaudron ouvert à partir de la taille sur un panneau de satin soufre brodé de chrysanthèmes, le fond travaillé en petits plis à la lingère; elle se souleva, prit un
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