Monsieur Parent | Page 9

Guy de Maupassant
qu'il dit, tout ce qu'il fait, tout ce qu'il pense me porte sur les nerfs. Il m'exasp��re �� toute seconde par sa sottise que tu appelles de la bont��, par sa lourdeur que tu appelles de la confiance, et puis, surtout, parce qu'il est mon mari, lui, au lieu de toi! Je le sens entre nous deux, quoiqu'il ne nous g��ne gu��re. Et puis?... et puis?... Non, il est trop idiot �� la fin de ne se douter de rien! Je voudrais qu'il f?t un peu jaloux au moins. Il y a des moments o�� j'ai envie de lui crier: ?Mais tu ne vois donc rien, grosse b��te, tu ne comprends donc pas que Paul est mon amant.?
Limousin se mit �� rire:--En attendant, tu feras bien de te taire et de ne pas troubler notre existence.
--Oh! je ne la troublerai pas, va! Avec cet imb��cile-l��, il n'y a rien �� craindre. Non, mais c'est incroyable que tu ne comprennes pas combien il m'est odieux, combien il m'��nerve. Toi, tu as toujours l'air de le ch��rir, de lui serrer la main avec franchise. Les hommes sont surprenants parfois.
--Il faut bien savoir dissimuler, ma ch��re.
--Il ne s'agit pas de dissimulation, mon cher, mais de sentiments. Vous autres, quand vous trompez un homme, on dirait que vous l'aimez tout de suite davantage; nous autres, nous le ha?ssons �� partir du moment o�� nous l'avons tromp��.
--Je ne vois pas du tout pourquoi on ha?rait un brave gar?on dont on prend la femme.
--Tu ne vois pas?... tu ne vois pas?... C'est un tact qui vous manque �� tous, cela! Que veux-tu? ce sont des choses qu'on sent et qu'on ne peut pas dire. Et puis d'abord on ne doit pas?... Non, tu ne comprendrais point, c'est inutile! Vous autres, vous n'avez pas de finesse.
Et souriant, avec un doux m��pris de rou��e, elle posa les deux mains sur ses ��paules en tendant vers lui ses l��vres; il pencha la t��te vers elle en l'enfermant dans une ��treinte, et leurs bouches se rencontr��rent. Et comme ils ��taient debout devant la glace de la chemin��e, un autre couple tout pareil �� eux s'embrassait derri��re la pendule.
Ils n'avaient rien entendu, ni le bruit de la clef ni le grincement de la porte; mais Henriette, brusquement, poussant un cri aigu, rejeta Limousin de ses deux bras; et ils aper?urent Parent qui les regardait, livide, les poings ferm��s, d��chauss��, et son chapeau sur le front.
Il les regardait, l'un apr��s l'autre, d'un rapide mouvement de l'oeil, sans remuer la t��te. Il semblait fou; puis, sans dire un mot, il se rua sur Limousin, le prit �� pleins bras comme pour l'��touffer, le culbuta jusque dans l'angle du salon d'un ��lan si imp��tueux, que l'autre, perdant pied, battant l'air de ses mains, alla heurter brutalement son crane contre la muraille.
Mais Henriette, quand elle comprit que son mari allait assommer son amant, se jeta sur Parent, le sais?t par le cou, et enfon?ant dans la chair ses dix doigts fins et roses, elle serra si fort, avec ses nerfs de femme ��perdue, que le sang jaillit sous ses ongles. Et elle lui mordait l'��paule comme si elle e?t voulu le d��chirer avec ses dents. Parent, ��trangl��, suffoquant, lacha Limousin, pour secouer sa femme accroch��e �� son col; et l'ayant empoign��e par la taille, il la jeta, d'une seule pouss��e, �� l'autre bout du salon.
Puis, comme il avait la col��re courte dos d��bonnaires, et la violence poussive des faibles, il demeura debout entre les deux, haletant, ��puis��, ne sachant plus ce qu'il devait faire. Sa fureur brutale s'��tait r��pandue dans cet effort, comme la mousse d'un vin d��bouch��; et son ��nergie insolite finissait en essoufflement.
D��s qu'il put parler, il balbutia:
--Allez-vous-en... tous les deux... tout de suite... allez-vous-en!...
Limousin restait immobile dans son angle, coll�� contre le mur, trop effar�� pour rien comprendre encore, trop effray�� pour remuer un doigt. Henriette, les poings appuy��s sur le gu��ridon, la t��te en avant, d��coiff��e, le corsage ouvert, la poitrine nue, attendait, pareille �� une b��te qui va sauter.
Parent reprit d'une voix plus forte:
--Allez-vous-en, tout de suite... Allez-vous-en!
Voyant calm��e sa premi��re exasp��ration, sa femme s'enhardit, se redressa, fit deux pas vers lui, et presque insolente d��j��:
--Tu as donc perdu la t��te?... Qu'est-ce qui t'a pris?... Pourquoi cette agression inqualifiable?...
Il se retourna vers elle, en levant le poing pour l'assommer, et b��gayant:
--Oh!... oh!... c'est trop fort!... trop fort!... j'ai... j'ai... j'ai... tout entendu!... tout!... tout!...tu comprends...tout!... mis��rable!... mis��rable!... Vous ��tes deux mis��rables!... Allez-vous-en!... tous les deux!... tout de suite!... Je vous tuerais!... Allez-vous-en!...
Elle comprit que c'��tait fini, qu'il savait, qu'elle ne se pourrait point innocenter et qu'il fallait c��der. Mais toute son impudence lui ��tait revenue et sa haine contre cet nomme, exasp��r��e a pr��sent, la poussait �� l'audace, mettait en elle un besoin de d��fi, un besoin de bravade.
Elle dit
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